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Où est-il écrit que l'attitude éclairée doive renoncer à l'émotion? C'est le contraire qui me semble vrai.
L'esprit éclairé n'accomplira alors correctement sa tâche que s'il se met à l'œuvre avec passion
Jean Améry, Préface 1977, Par delà le crime et le châtiment

Douter

La connaissance est-elle seulement possible ? L'incertitude est-elle pour autant tenable ? S'il est domaine où l'ambivalence est reine, c'est bien celui-ci : nous avons besoin de savoir pour agir et parfois même seulement survivre ; pour autant, nous nous méfions et supportons assez mal ceux qui savent et sont, le plus fréquemment, donneurs de leçons. Pourtant, en la matière, il n'est pas de juste milieu : je sais ou j'ignore. Certes, je peux ignorer et me tromper en croyant que je sais mais on en revient à l'alternative simple. L'ignorance n'est jamais qu'une double illusion.

A ce titre, le je ne sais qu'une chose c'est que je ne sais rien (ἕν οἶδα ὅτι οὐδὲν οἶδα) de Socrate est à la limite du paradoxe quoiqu'en forme de boutade !

Nous devons à Platon d'avoir compris que la connaissance n'est pas processus qui irait, continument, sans accrocs ni surprises, de l'ignorance au savoir mais bien au contraire du savoir au savoir avec séries de retournements, d'éblouissements, de gênes et d'inquiétudes. Telle est peut-être la chose la plus curieuse : nous naissons avec, prêts à être reçues et répétées, un corps de certitudes tellement ancrées que nous pourrions les croire innées. Ce n'est malheureusement pas tout, que Descartes avait joliment mis en scène : la manière dont la réalité se donne à nous est tellement peu différente de la façon dont nous rêvons qu'il serait tentant d'affirmer que rien hors de nous n'existe, pas plus que les situations et personnages aberrants de nos cauchemards …

Il se tenait ici, c'est en tout cas ce que raconte l'histoire, juste à la croisée, en ce lieu étrange qui paraissait les résumer tous, d'où partaient plusieurs chemins, tous se ressemblant, comme si la méprise avait fait partie intégrante du voyage ; nul en tout cas n'offrant la moindre indication qui pût aider à distinguer d'entre impasse, péril ou destination heureuse. Les croisées sont à peu près comme les lignes : de passionnantes énigmes qui d'un même tenant réunit et sépare, distingue et assimile mais les routes sont peut-être comme ces lignes - de pures et abstraites abstraction. Dans les choses il n'est que continuité au point que tout se mélangeant, peu paraisse à la fin connaissable. Heureusement, il était assis là, à la croisée, empressé d'aménité ; malheureusement c'était un Crétois et, c'est bien connu, tous les crétois sont des menteurs. Quelque indication qu'il me donnerait de la direction à emprunter, sans doute serait-elle fausse. Le crétois n'est pas seulement figure emblématique permettant de comprendre les paradoxes logiques. Il est la personnification de nos incertitudes, de l'obligation qui nous est faite d'être prudent. Il n'est peut-être pas tant de différence que cela d'entre tromper et se tromper.

Comment dire mieux notre embarras ? Cette réalité, là devant moi, qui semble tant s'opposer à moi qu'elle en vient à porter le nom d'objet, d'obstacle, ne serait-elle pas plutôt une simple image issue de mon imagination ou de mon délire au point qu'entre ce ciel délicatement nuageux et son reflet là en-bas, dans l'eau, il devienne presque impossible de choisir lequel est l'image de l'autre.

Comment mieux suggérer notre position devant le monde. qu'avec cette mise en abîme ? Nous ne saurons jamais vraiment si le chemin indiqué par le Crétois était le bon, pas plus que nous ne pourrons affirmer jamais que la vérité n'existe pas sans invalider notre propos d'un même tenant. Pour la même raison : l'incertitude commence quand le propos se prend lui-même pour énoncé.

J'aime que le grec, pour dire le doute, écrive ἀμφιϐολία qui suggère une attaque des deux côtés et par extension l'équivoque, l'incertain et, parfois,  δοιή pour indiquer la double manière. Entre les deux mon cœur balance, dit la langue populaire ! oui, la figure du doute n'est autre que la balance. Ou bien encore je suis partagé où elle suggère la division.

Mais le doute n'a pas bonne presse même si Descartes sut lui conférer rôle d'outil et ainsi une respectabilité dont la vanité française aime à se draper. Car douter c'est s'empêcher d'agir. C'est risquer à chaque instant de tout mettre à même niveau et d'ainsi s'éloigner du monde sans même y prendre garde. Car si tout se vaut, à quoi bon faire ceci plutôt que cela ; maintenant plutôt que demain ; car si rien n'est véritablement connaissable pourquoi tenter de comprendre et ne pas plutôt se taire.

Si l'on devait tracer une ligne qui placerait à l'une des extrémités ceux qui détiennent la vérité et à l'autre ceux qui y renonceraient, à coup sûr l'on placerait Pyrrhon d'un côté, le divin de l'autre qui sait voire qui est le vrai et au milieu des philosophes comme Aristote qui entreprirent de faire le tour de la connaissance et constituèrent, avant la lettre, une véritable encyclopédie.

Or Pyrrhon est et ne pouvait être que personnage de légende. C'eût été tomber du mauvais côté de la ligne - du côté des dogmatiques - que de laisser quelque ouvrage lui qui préconisait précisément de suspendre son jugement. [1] Mais Pyrrhon illustre par ailleurs l'incroyable imposture qui voudrait que l'on pût à la fois agir et penser quand bien même le premier implicitement suppose le second. Rien n'est plus commun que le rire de la servante de Thrace ou que la suspicion d'impuissance que Nietzsche jette sur le philosophe mais rien non plus de si vulgaire. Car ce n'est certainement pas en réservant la pensée à une élite scrupuleusement choisie et formée ni en la contraignant à exercer contre sa volonté le pouvoir que Platon aura résolu l'antagonisme pensée/action.

Par deux fois il se piqua de conseiller Denys ; par deux fois l'aventure finit mal. Aristote eut beau avoir été précepteur d'Alexandre, qu'en garda-t-il qui guidât son action sinon ce soupir, sans doute apocryphe, d'avoir désiré être Diogène s'il n'avait été Alexandre ? Qu'a bien pu conserver Robespierre de J-J Rousseau en ses mémoire et principes quand avec intransigeance et incroyable rigidité d'âme il signait verdict de mort contre tous ceux qui s'opposaient à lui ou, parfois, risquaient seulement de le faire ? Qu'eût fait Jaurès, ce grand chantre de la paix, s'il n'avait été assassiné la veille de la déclaration de guerre en 14 ? Nul ne le peut savoir mais ce qui est évident est combien son travail de philosophe s'interrompit sitôt qu'entré en politique. Nul ne peut servir deux maîtres à la fois ; ici pas plus qu'ailleurs.

J'aime la rigueur d'un Marcel Conche qui en resta à ses principes pacifistes mais peut-on résolument dire qu'il eût plus raison qu'un Marc Bloch qui, lui, au contraire, s'engagea ? Est-il juste que les principes vaillent plus et mieux que les circonstances ? que l'exécration de la violence et son interdit dussent alors prévaloir même en face de ce qui s'avérera comme figure absolue du mal ? Qu'il ne fût pas, parfois, des moments où, même la mort dans l'âme, on finisse par y aller quand même, en dépit de tout, parce que, décidément, rien de ce que l'on aurait en face de soi ne fût acceptable ? Conche n'a pas été indigne de le croire ; Bloch n'était pas incohérent pour autant.

G Bataille suggérait que l'essence de l'homme résidait dans la double négation par l'homme autant de sa propre nature que du monde. Idée que d'une autre manière on retrouve chez Malraux qui, répondant à la question de l'esprit de la Résistance, répondit par ce grand respect qu'on aurait dans l'histoire pour le non !

Où je retrouve l'idée de la balance que suggère δοιή : et si tout n'avait finalement qu'égale valeur au point qu'il soit impossible de choisir et qu'il faille suspendre son jugement ? On ne serait plus très loin du nihilisme ce que Pyrrhon récuse pourtant. Je n'ai pas autorité pour préférer l'attitude de Bloch à celle de Conche et ne saurait proclamer qui eut raison contre l'autre ! Ils eurent, chacun pour sa part, des raisons - ce qui est bien différent. Grands intellectuels tous les deux mais celui-ci était juif ; celui-là, non ! ce qui a bien dû compter. L'un put se retirerssur son Aventin ; l'autre très vite plus. En ces situations de crise, qui furent plutôt de croisée, il n'est ni Crétois ni Messie pour vous dire où aller. On n'est simplement pas obligé de hurler avec les loups … Heidegger avait des certitudes il aurait mieux fait de s'abstenir ou Céline … ou tant d'autres.

Marx avait tort : l'humanité s'est toujours d'abord posé des questions auxquelles elle n'avait pas de réponse. Mais auxquelles il lui fallut pourtant bien en imaginer ne serait ce que pour survivre. C'est A Comte qui avait raison : au départ, une théorie quelconque ! Il fallait bien enclencher la chose. Ce grand dialogue entre théorie et pratique, entre science et technique, ce sera toujours la théorie qui l'entame. C'est bien ici encore la question des origines s'il s'en pouvait concevoir une radicale à quoi il n'est pas de réponse satisfaisante. De la pensée et de l'acte qui est premier ? Il y a tout lieu d'affirmer que toute action pour autant qu'elle poursuive un but suppose la représentation de ce but. Le cercle vertueux qu'imaginent les sciences entre théorie et technique où l'une rendrait l'autre possible qui la corrigerait en retour n'a en réalité de sens que si on le conçoit à la manière d'une boucle de rétroaction : l'une construit l'autre.

Mais, quoique ainsi solidement arrimées l'une à l'autre, il n'empêche qu'action et pensée ne sont pas possibles simultanément. Je ne puis agir en doutant de ce que je pense et qui justifierait de surcroît mon action. Je reprendrai peut-être plus tard mes doutes, mes réflexions mais au moment où j'agis, la pensée est comme suspendue. Se peut-il plus cruel dilemme que d'avoir à choisir ainsi entre impuissance et aveuglement, entre incertitude et dogmatisme ? La chronique rapporte que Pyrrhon se mettait tellement en danger à ainsi mettre tout à égale indifférence qu'il ne dut souvent sa survie qu'à ses proches et amis qui l'accompagnaient : faut-il vraiment pour prix de sa prudence et honnêteté intellectuelle être à ce point inadapté à tout et tous ? Il faut lire Jean Améry pour comprendre que dans les camps ce furent encore les intellectuels qui étaient les plus mal lotis, les moins capables de survivre, mais aussi les plus méprisés.

Cioran a raison : rien n'est pire, plus dangereux, que cette race qui crève d'idéal !

Nous sommes pourtant aux antipodes d'une morale du juste milieu : entre agir et rester passif … il n'y a rien ! Entre penser et répugner à se mettre en question, il n'y a rien. D'ailleurs il n'est pas possible de ne pas agir ; non plus qu'il n'est possible de ne pas penser. Le chemin n'est jamais loin qui de nos actions font une passion, qui s'inverse à ce point que nous y perdions la main. La méthode n'est jamais innocente qui, de mots en mots, de représentations en représentations nous emmènent loin au-delà de ce que nous rêvions, si loin que nous finissons par faire abstraction de tout, de tout référent, de toute référence. De nous.

Celui-là, un jour, prit la route. Sur le chemin de Compostelle croyait-il. Avait-il la foi ? Pas vraiment ; en tout cas l'ignorait-il même si quelques troubles rémanences d'un catholicisme un peu rassis ébranlaient quelquefois ses méditations. Il ne cherchait aucune ascèse, aucune révélation, tout juste à échapper à la vacuité d'un tourisme ordinaire et puis quoi ? un peu d'exercice n'a jamais fait de mal. Est-ce une mode, une habitude à prendre, une mystique ou quelque chose comme une philosophie que cette furie de courir les chemins à contrefaire le pélerin ? Les anciens se retiraient dans le désert pour prier ou chercher seulement le silence ; fuir la ville, marcher, même sans but, ou d'un seul prétexte, suffit désormais. Le pèlerin pérégrine, traverse champs et contrées, vient de l'étranger ou y va.

Celui-là comprit, ce jour-là que si les chemins mènent tous quelque part (enfin presque) à Rome disait-on autrefois, celui-ci, qui est méthode, invente seulement suspension de l'espace comme du temps : fabuleux contre-sens que celui de ce pseudo-retour à la nature puisque, marchant, il se soucie en réalité peu de l'endroit où il se trouve et accessoirement seulement de celui vers lequel il se dirige ; en vérité, il ne tente que d'entrer en lui-même. Oublier le monde, contrefaire le sage, s'entretenir. Introspection, méditation, prière ? Qu'importe ! Jusqu'où s'engage-t-il ? A moins que ce ne soit ici que sordide simulacre juste capable de parer cette obscène egolâtrie de quelques oripeaux acceptables. Qu'il est difficile d'inventer cet instant où corps et âme, matière et esprit à défaut de jamais faire un, s'approchent au moins et s'accordent mieux l'un à l'autre …

Dès le début, la question se posa d'entre ce monisme matérialiste comme on le nomma si laidement et le dualisme métaphysique, d'entre ceux qui, derrière les phénomènes, n'envisageaient que matière, forces, mouvement et interaction, et ces autres qui soupçonnaient que l'être fût composite, d'entre matière et esprit. Il n'est sans doute pas de réponse radicale à cette alternative : le doute commence ici. A moins de considérer qu'il fût plus raisonnable de n'envisager que ce qui s'offre à mon observation et mes calculs plutôt que d'extrapoler puissance qui, de toute manière, m'échappait. A moins de considérer seulement l'expression si simple d'une volonté qui ne fût suivie d'aucun effet ; d'un corps renâclant au moindre effort qu'un désir intimerait. D'où chose extraordinaire rien ne s'ensuivit …

Voici d'où émerge le doute : dans cette fissure de l'être qui ne se reconnaît ni totalement en son corps dont il récuse de demeurer le seul empire ni exclusivement dans cette curieuse valse où virevolte son esprit sans jamais pouvoir s'arrêter ni trouver repos … à défaut de paix. Bien sûr l'écart entre apparence et réalité mais un peu d'habileté y pourvoira toujours car il n'empêche ni de vivre ni d'agir ; bien sûr cette obsession à vouloir comprendre, irrémédiablement insatisfaite de tant de questions - qui sont autant de requêtes - restées sans réponse ; mais surtout, cette irréfragable impuissance, en dépit des rites et des ascèses, des sacrifices et des renoncements, ce mur infranchissable mais inébranlable qui définitivement m'enferme en moi-même, m'interdit de sortir de moi et donc savoir, au moins sentir, ce que sont les choses ; ce que ressentent les êtres. Qui m'interdit de me mettre à la place de … ce que pourtant je dois faire, je devrais faire … Qui me condamne, invariablement, à ne pouvoir sécréter que des représentations, prononcer que des mots, peut-être vides de sens ; à m'éloigner de l'être à mesure de mes efforts pour m'en approcher, à demeurer moi-même, démuni, seul et incertain en cette forteresse à meurtrières.

Il y a là, devant moi, contre peut-être mais pas nécessairement, qui s'approche autant que je tente de m'approcher, des êtres et des choses et je demeure pourtant devant, comme en un spectacle, séparé par une scène qui me laisse étranger. Platon l'avait deviné : le chemin est escarpé, truffé de pièges, friand de rebondissements, encombré de retournements, susceptible de tant d'aveuglements mais contrairement à lui je ne suis même pas certain qu'il mène quelque part, même pour une élite tant les barrières sont hautes que, peut-être, nous posons nous-mêmes.

Voici en tout cas qui installe le doute : dans cette incapacité qui est mienne d'à la fois penser et agir.

Il était là, qui pérorait devant ses étudiants, lui qui professait d'être prudent et de ne rien proférer qui ne fût vérifié, prouvé et encore, de ne le faire qu'avec cette extrême civilité pour ce qu'une idée, même fausse, mérite reconnaissance et respect pour l'effort, la patience de qui l'a eu conçue parce qu'au moment où il le fit, évidemment il la crut juste. Rien ne ressemble plus à la vérité que l'erreur ; que même le mensonge. Pour critiquer il faut préalablement comprendre … même l'historien le prétend qui affirme qu'il faut aborder une époque avec sympathie.

Et le voici, critiquant tel concept d'un Auguste Comte quelconque, au moment même où il parlait, se demanda ce qui justifiait sa diatribe. Oh bien sûr elle était sincère : il avait tellement travaillé sur la question qui constituait même un chapitre entier de sa thèse ! Mais au moment même où il parlait s'il se souvenait de ses conclusions il en avait oublié les raisons.

Sa pensée s'était figée ! Il s'arrêta net.

Sitôt que nous pensons, nous cessons d'agir ; sitôt que nous agissons, et la parole en fait partie, nous cessons de penser. Je ne puis au moment où je parle remettre en question la vérité de ce que je profère. En même temps que je parle, implicitement je suggère : et ceci j'y crois, j'y ai réfléchi, et je le tiens pour vrai. Tout a l'air de se passer comme si l'un paralysait l'autre ! Ce n'est plus ici fissure mais gouffre ! sans doute infranchissable. Gorges impressionnantes au fond de quoi, presque asséchées, clapotent nos ultimes illusions.

Je l'ai trouvé, là, au bord du précipice. Lui non plus n'agissait ni ne parlait plus. Assis, depuis un moment déjà ! il regardait. L'esprit ailleurs, ou bien ici tout absorbé par le spectacle. La pensée sans doute est ainsi : au bord du précipice. Il ne lui manque souvent pas grand chose pour sombrer dans le dogme, l'intolérance. La certitude. Le sentiment d'avoir raison est tellement confortable ; détenir la vérité tellement délicieux. De croire avec ceci d'incroyable d'en pouvoir imposer aux autres, tellement enivrant. Elle n'est compatible avec rien - souvent pas même avec elle-même encore moins celle des autres - ni avec la compagnie des autres qui finissent par douter de votre santé ; au point de vous reléguer en quelque antre, désert, librairie ! Elle est un miracle mais fragile qui s'épuise si rapidement.

Non décidément le dualisme s'impose car la pensée me déchire en me faisant me méfier de moi-même et de mes assurances ; en m'excluant de la compagnie des autres ; en me contraignant à claudiquer tel un vieillard maladroit, tantôt sur une jambe, tantôt sur l'autre. En me faisant, si la chose pouvait avoir un sens, avancer à reculons.

Il n'est pas un survivant qui n'en témoigna et souvent avec les mêmes mots. Toute violence revient toujours à réduire l'autre à l'état de cadavre, de chose putrescente. Et la violence est détestable d'abord parce que, se nourrissant d'elle-même, semble bien à ce point contagieuse qu'elle touche rapidement aux extrêmes. Mais où, ici le crime fut absolu, ce fut, en procédant méthodiquement, de réduire l'autre à l'état non seulement d'esclave puis bientôt d'animal, mais de simple corps ; de contraindre à n'être que ce corps courbé, prompt à recevoir les coups, disponible à toutes les humiliations.

Je crois bien, pour cette raison même, que le dualisme doit faire partie de notre pharmacopée. Et puisque le dualisme, le doute. parce que nous ne sommes humains que par cette duplicité chancelante.

 

Préambule

Doutes et ambitions

Solidarité

Réciprocité

Pesanteur et grâce

De la connaissance

Aimer et surtout ne jamais haïr

Rester élégant et jamais vulgaire

 

savoir écouter

savoir parler

Qu'est-ce cela : aimer ?

Trois histoires pour commencer

Révélation

histoires d'insoumises

histoires d'abandons

 

élégance   :

l'éloge de la gratuité  

élégance de l'image

images de l'élégance

élégance de la légèreté

pesanteur de la vulgarité

légèreté de l'élégance

de deo : in solido

l'impensable silence

 

bienveillance

humanisme: une affaire d'élégance

du pardon

doute
donner recevoir
ironie
justesse

diableries

diableries suite

qu'est-ce ceci : haïr ?

grâce    
cloisons à éviter
 
goûter le silence

Etre au service tout en restant libre

Nourrir l'amitié jamais l'indifférence

Etre prudent sans rien perdre de sa force d'âme

gratitude

différence  

chercher

liberté : obéir ou servir

écoute  

philosopher : un geste moral

loi

empathie  

prudence plutôt que scepticisme

 

sexualité

sagesse

 

 
entre silence et parole
    devenir

Rester humble et jamais arrogant

Etre généreux et surtout jamais âpre

Rester juste et fuir la démesure

finitude

franchise et sincérité

entre intensité et prudence

moi

foi ou crédulité

mensonge
être source ?
partage
fissure
témoigner
refuser la déchéance
vicariat

 


 

1 ce sera d'ailleurs toute la difficulté de Sextus Empiricus d'écrire sur les sceptiques sans tomber du côté des dogmatiques. Je ne suis pas certain qu'adopter le point de vue historique fût suffisant !

2  Arendt, Considérations morales p 34

Car la principale caractéristique de la pensée est d'interrompre toute action, toute activité normale, quelle qu'elle soit. Qu'importent les théories erronées des deux mondes, elles proviennent d'authentiques expériences. Parce qu'il est vrai qu'au moment même où nous commençons de penser à un sujet, quel qu'il soit, nous arrêtons toute activité, et, inversement, une quelconque activité interrompt le processus de pensée; c'est comme si nous nous déplacions dans un monde différent. Faire et vivre, au sens le plus général de inter homines esse, « être parmi les hommes» -l'équivalent latin d'être en vie -, empêchent sans nul doute la pensée. Comme dit Valéry : « Tantôt je suis, tantôt je pense.