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Partage

Laisse lui encore ton manteau Mt 5, 40
Si tu veux être parfait, va, vends ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel. Puis viens, et suis-moi. Mt 19, 21

Qu'est-il de plus simple que ce partage où tout le monde croit se pouvoir retrouver comme une ligne de force ou horizon indépassable. Las ! les lignes pour pures et droites qu'elles se veuillent, sont seulement des abstractions : ce n'est, au reste, qu'à cette condition qu'elles parviennent à demeurer pures et droites. Réunissent-elles ou au contraire séparent-elles ? J'ai crainte que souvent ces traits tirés seulement pour nous aider à comprendre et mieux distinguer ne nous servent plutôt de subterfuges à opposition, séparation ; négation.

Je lis ce partage des eaux qui les fait tantôt filer vers le Nord tantôt vers le Sud lors même qu'elles surgirent du même miracle ; du même silence, parfois à quelques mètres de distance seulement… Et ne déteste pas que cette ligne dite de partage parvienne ainsi à faire se jouxter les distances et concilier l'inconciliable. Il existe des lieux, magiques, en tout cas étonnants, où la ligne se voit et tarde même à s'effacer tel ce confluent entre Danube, Inn et Ilz tous trois aux eaux de couleurs différentes, qui ne se mélangent pas ou pas tout de suite et semblent plutôt d'abord se superposer.

C'est que le partage dit d'abord la séparation et la distribution, pas nécessairement égale, des portions ainsi créées. Ce n'est pas nécessairement un don non plus mais seulement la répartition de ce qui vous est dû ou reconnu telle sa part d'héritage

Mais partager, surtout aujourd'hui à l'ère du numérique, c'est publier, rendre public, informations, données etc et donc confier à autrui, à tout le monde, en tout cas à qui veut s'en emparer, ce que l'on sait et ne veut pas garder pour soi. A ce titre, le partage, tout dérangeant qu'il puisse être parfois pour certains, est à l'instar de l'information outil de démocratie parce que de transparence des agissements des pouvoirs et des puissances.

Mais le terme a encore affaire, parce qu'à la part, au parti ; celui que l'on prend, que l'on défend ; auquel on appartient. Et l'on ne peut s'empêcher de songer qu'alors, partager renvoie plus à la division et à l’opposition qu'au rassemblement.

C'est enfin avoir en commun et, d'une certaine manière, susciter en cela la création ou l'illusion de l'existence d'une communauté. Parler comme on le faisait autrefois de Nation, de Patrie, revient à partager - avoir en commun - une même histoire, une même langue, d'identiques valeurs …

Je n'aime pas, je l'avoue, ces mots qui finissent par ne plus rien dire de vouloir tout embrasser.

 

Car j'ai eu faim, et vous m'avez donné à manger; j'ai eu soif, et vous m'avez donné à boire; j'étais étranger, et vous m'avez recueilli;
Ἐπείνασα γάρ, καὶ ἐδώκατέ μοι φαγεῖν: ἐδίψησα, καὶ ἐποτίσατέ με: ξένος ἤμην, καὶ συνηγάγετέ με: Mt 25,35

J'aime cette tradition de Noël qui s'est lentement perdue qui est celle de la part du pauvre. Aux repas de fête, laisser une place et une assiette pour celui qui viendra peut-être et qui aura besoin d'être réchauffé, nourri et sans doute réconforté. D'aucuns en prétendent la pratique célébrer cette nuit de Noël où Marie et Joseph ne trouvèrent pas d'autre endroit où passer la nuit qu'une étable où finalement naquit le Christ.

D'autres rappellent que telle était une prescription répétée à de multiples reprises dans l'Ancien Testament - certains commentaires du Talmud en font même prescription supérieure au respect du à la présence divine - mais il serait sans doute faux d'en attribuer l'exclusive paternité aux Hébreux : l'hospitalité est en réalité une des valeurs principales de toutes les sociétés antiques et l'on ne se trompera pas de beaucoup en l'affirmant en réalité universelle. Faut-il rappeler le récit de Philémon et Baucis qui, avant même de symboliser un amour indéfectible, incarnent la table ouverte au voyageur et l'obligation où l'on se met, quelque soit le visiteur, l'âge et la fortune de l'hôte, de présenter ce que l'on a de mieux, de plus précieux.

 

Y a-t-il surenchère entre le laisse lui encore le manteau - mais il s'agit d'un conflit ici,d'un différend - et le conseil donné à qui veut le suivre, de se démunir de tout ce qu'il possède ? L'idée demeure, en tout cas, que le bien possédé est très vite entrave qui n'importe que dans les limites étroites de l'indispensable ; une fois admis que se soucier de l'autre, de l'étranger, du voyageur fait partie de l'indispensable. La richesse ne vous coupe pas seulement des autres ; elle vous éloigne des cieux !

Il était assis devant sa tente. S'était-il assoupi en cette grande chaleur ou bien au contraire seulement recueilli en méditations ou prière ? Comment savoir ? Les prières, contrairement à la croyance commune, ne se réduisent pas, ne le peuvent ni ne le doivent, à nos quêtes ou requêtes ; elles sont -ou le devraient - de remerciements, de reconnaissance et de grâce rendue ; et parfois encore, comme on le ferait en un dialogue, le lien entretenu, comme on le veut de nos trésors les plus précieux ou de nos amitiés les plus tendres, avec le monde, le ciel, l’Éternel.

Et subitement Il lui apparut comme il l'avait fait à plusieurs reprises déjà, lui intimant de quitter sa terre et lui offrant alliance qui devait faire de lui une grande Nation. Il aurait dû se prosterner ou au moins baisser les yeux et écouter mais, presque en même temps, trois hommes se présentèrent devant lui. Il interrompit tout sur le champ, ses méditations, sa prière, sa conversation avec l’Éternel. et s'enquit des voyageurs ; qu'on leur portât de l'eau pour se désaltérer et laver les pieds ; du pain pour se réconforter. Son épouse, dans la tente, en dépit de son âge déjà avancé, s'empressa du mieux qu'elle put pour préparer gâteau tandis que son époux préleva de son troupeau agneau qu'il leur servirait. Et ceux-là, se restaurèrent, se désaltérèrent et à l'ombre se reposèrent.

Cet homme, oui, évidemment, c'est Abram que le Seigneur bientôt nommera Abraham pour être destiné à devenir père d'une nation nombreuse ; son épouse Saraï bientôt nommée Sarah comme pour mieux marquer sa noblesse que chacun devra marquer et qui sera exemple pour tous. Que l'Alliance se noue ici et répète par la promesse d'un fils en dépit de leur âge avancé fait de ce passage un moment clé mais il faut retenir sans doute comme les sages du Talmud : Accorder l'hospitalité est plus important que d'accueillir la Chekhina l'acte d'hospitalité qu'il fait passer avant tout, comme s'il n'était rien qui fût plus important ou que, comme le suggérera Matthieu bien plus tard, tout accueil et soin que l'on prît de l'autre est d'acte d'hospitalité et de reconnaissance adressé à Dieu lui-même. Qu'en conséquence toute indifférence, toute indolence à se soucier de l'autre, toute négligence à accueillir l'hôte est offense à Dieu lui-même.

Recevoir l'autre, le prochain : à travers eux, c'est toujours Dieu que l'on accueille.

J'aime à imaginer que voici point commun entre la tradition biblique et celle grecque puis latine que relate Ovide. Bien sûr c'est Zeus et Hermès qui frappèrent à la porte du couple de vieillards - là aussi - mais ils ne le savent pas et il faudra accumulation de faits étranges - ce pot de vin qui ne désemplit pas … - pour qu'ils comprennent enfin la haute qualité de leurs invités. Elle leur était indifférente et leur empressement à les satisfaire, assurément l'auraient-ils manifesté de la même manière pour le dernier des gueux. Qu'importe qu'ils y sacrifient leur ultime bête : tout voyageur est roi sitôt qu'il passe votre seuil. Faut-il rappeler la parenté d'entre l’hospitalité, xénia - ξενία - et xénos -ξένος - l'étranger mais aussi l'hôte, qui voyage et ne reste pas en son pays, l'indigène (ἔνδημος) ? Zeus est celui qui envoie les siens par tout le pays ; qui les reçoit mal, l'offense et blasphème. Voici bien la même idée. Son fils, Hermès, aux multiples talents, inventeur des poids et des mesures, gardien des routes et carrefours, dieu des voyageurs, des bergers, des commerçants, des voleurs et des orateurs et même psychopompe, mais surtout, messager par excellence, forme avec Hestia, ce couple étrange qui tout en garantissant la puissance du foyer maintient et renforce le lien avec tous ceux qui voyagent. Zeus n'est pas dieu à passer outre un tel affront : le village sera submergé de tous ces villageois qui usèrent de tous les prétextes, subterfuges voire de leur silence méprisant seulement, pour les éconduire. La masure des deux vieillards non seulement ne sera pas détruite mais métamorphosée en un temple d'or et de marbre.

Serait-ce ceci qu'il faille entendre dans cet hôte qui désigne autant celui qui accueille que celui qui est accueilli ? Ce lien indéfectible, souvent associée au symbole, cette tessère qui brisée en deux servirait de signe de reconnaissance, qui unit l'autochtone et le voyageur mais à travers eux, l'homme au monde, nos piètres chemins à l'horizon et nos âmes aux dieux ? Ce lien qui fait de nos seuils des portes ouvertes, de nos frontières de simples lignes qui certes nous protègent mais que nous savons traverser pour accueillir. Qui nous interdit de concevoir ces lignes, ces catégories pour autre chose que de fallacieuses facilités que notre raison si férue de classements, affriolée de groupes, classes et genres aime à laisser se proliférer au point de les figer.

Ce lien qui interdit qu'existe jamais l'étranger.

Si éloigné de cette part de gâteau que l'on prélève pour l'offrir ; si différent de cette connaissance que l'on transmet et bien sûr de ce bien que l'on donne, par générosité ou contrainte sociale, le partage dont il est question ici est cette conformation d'esprit qui nous fait cheminer comme voyageurs perpétuels, hôtes prompts à être reçus avant de pouvoir accueillir soi-même.

Peut-être est-ce notre faiblesse d'avoir voulu habiter le monde fût-ce en poète et d'y prendre habitudes et racines que nous finissons toujours par opposer aux autres. Ne nous vaudrait-il pas mieux d'y plutôt cheminer sans jamais nous arrêter trop, d'être ce xénos en quête de xénia …

 

 

 

 

 

 

Préambule

Doutes et ambitions

Solidarité

Réciprocité

Pesanteur et grâce

De la connaissance

Aimer et surtout ne jamais haïr

Rester élégant et jamais vulgaire

 

savoir écouter

savoir parler

Qu'est-ce cela : aimer ?

Trois histoires pour commencer

Révélation

histoires d'insoumises

histoires d'abandons

 

élégance   :

l'éloge de la gratuité  

élégance de l'image

images de l'élégance

élégance de la légèreté

pesanteur de la vulgarité

légèreté de l'élégance

de deo : in solido

l'impensable silence

 

bienveillance

humanisme: une affaire d'élégance

du pardon

doute
donner recevoir
ironie
justesse

diableries

diableries suite

qu'est-ce ceci : haïr ?

grâce    
cloisons à éviter
 
goûter le silence

Etre au service tout en restant libre

Nourrir l'amitié jamais l'indifférence

Etre prudent sans rien perdre de sa force d'âme

gratitude

différence  

chercher

liberté : obéir ou servir

écoute  

philosopher : un geste moral

loi

empathie  

prudence plutôt que scepticisme

 

sexualité

sagesse

 

 
entre silence et parole
    devenir

Rester humble et jamais arrogant

Etre généreux et surtout jamais âpre

Rester juste et fuir la démesure

finitude

franchise et sincérité

entre intensité et prudence

moi

foi ou crédulité

mensonge
être source ?
partage
fissure
témoigner
refuser la déchéance
vicariat