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Préambule 2 :
Doutes et ambitions

 

Il est bien d'autres raisons encore qui me poussent à revenir sur la question morale et à y revenir sous cette forme.

A bien vivre, ou, pire encore, à conseiller autrui sur les préceptes à suivre pour conduire vertueusement son existence ? Mais encore faudrait-il que je fusse exemplaire et certain des sentiers à suivre pour y conquérir quelque mérite ! Non sûrement pas !

Mais à comprendre, peut-être ! Je demeure convaincu qu'au plus intime de nos inclinations, résonne encore cet apaisement enfantin qui nous faisait croire les choses simples, et le sentier presque entièrement tracé. Candides nous l'étions, assurément, mais de quelque horizon que nous vinssent ces principes, qu'ils fussent innés, nichés au cœur de cette petite voix intérieure que Rousseau comme Socrate entendirent - et parfois écoutèrent, je veux croire qu'ils sourdent du plus profond mais encore du plus universel.

Pascal a raison : nous connaissons assurément mieux le mal que nous savons sans controverse reconnaître que nous ne connaissons le bien ; un bien que nous frôlons parfois, dont nous entrapercevons les lueurs là-bas au loin sans être capable pourtant de le définir autant en ses limites qu'en ses attributs. Les mots souverainement nous manquent qui paraissent ne saisir que des banalités ou des niaiseries. J'entends encore le " on ne fait pas de bonne littérature avec des bons sentiments" que l'on prête tantôt à Gide tantôt à H Jeanson. Qu'importe d'ailleurs : l'idée est la même que celle suggérée par « la santé c'est le silence des organes »;

Rien ne franchit le seuil de la conscience qui ne tranche avec l'alentour. Tout se joue dans la différence, l'altérité, voire l'altération. Toute conscience suppose une mise à l'écart ; une mise à distance. Un recul ?

Le peintre s'éloigne quelque peu de son œuvre, moins pour la contempler que pour en scruter les retouches à y apporter ; l'écrivain trace et rature et il est bien rare que le sens surgisse sans embarras des biffures et des traits rageurs. On n'est pas bon ou mauvais - méchants ? - spontanément ou naturellement : on ne cesse de le devenir ou d'y échapper ; comme on peut ; sans recette ; sans certitude. Je ne suis même pas certain que ce soit ici acte de volonté.

La piété est vite lassante et sous celui qui fait profession de bonté et de vertu on soupçonne vite, rarement à tort, des inclinations troubles malaisément endiguées. On ne saurait sans dommage confondre moralité et ordre moral : celui-ci est affaire de rapport de force ; de domination sociale voire politique ; n'est autre que ce socle, souvent implicite, rarement tangible sauf quand il s'agit de sévir, punir ou sanctionner, sur lequel s'appuie la loi. Voudrait-on parler comme Freud, on rappellerait simplement que le refoulement n'est autre qu'une censure finalement acceptée ; que la moralité est la forme intériorisée d'une domination plus ou moins aisément tolérée, acceptée, subie.

Nietzsche mentionnait non sans sarcasme que l'homme moral était tellement pervers qu'il lui fallait un code de conduite à respecter pour conserver un comportement acceptable. Autre manière de suggérer que la morale est faite pour les faibles. Le vertueux n'en a pas besoin.

Autre manière de dire qu'il n'est de vertu que libre. Malgré toutes les difficultés qu'elle suscite, c'est encore la morale de l'intention qui prévaut. C'est elle qui confère l'onction à l'acte.

Reste la seule question qui vaille : où trouver ce fondement suffisamment universel que cherche Conche susceptible de donner assise suffisante à cette morale que nous cherchons. Force est de constater que, même laïcisée à l'extrême, notre culture n'a fait que reproduire le code chrétien lequel avait puisé en partie dans le monde juif lequel … Soyons en certain, il n'est pas de début radical : il ne saurait en être. Les mythes, pour le dire évoquent moins la nuit que les flots, où se perdent les origines, d'où émergent parfois, par miracle, les ensemenceurs.

M Serres, en son dernier ouvrage, posthume, suggérait que ce fût du côté des fables qu'il fallût chercher parce qu'elles nous rapprochaient de ce langage du corps que nous avons en commun avec les bêtes, ces bêtes que précisément, les fables font parler. Pourquoi pas ! Ce qui demeure exact est que ces récits plongent dans notre passé le plus ancien et puisent sans doute dans quelque chose de si universel qu'il dépasserait même l'humain pour concerner le vivant en général et, peut-être même l'être en tant qu'être.

J'y retrouve en tout cas sinon une obsession en tout cas une envie, de plus en plus forte chez moi, de faire de la philosophie et donc ici, de la morale non sous la forme aride, âpre et finalement répulsive de grands systèmes abstraits qui n'ont de valeur que de repousser au plus loin les destinataires de leurs trouvailles au point de se demander si telle n'était pas leur vocation profonde mais sous forme d'histoire.

Camus le dit dans une note de ses Carnets : avant même de pouvoir commencer, le philosophe doit assumer, prendre en charge, se colleter comme on dit, toute la philosophie antérieure au point que son travail risque bien de se cantonner à du simple commentaire voire, pire encore, à du commentaire de commentaire. Qui oserait effectivement en faire fi et commencer à écrire comme si rien n'existait ou n'eût été argumenté auparavant. Remarquons que même un La Fontaine trouve son inspiration dans les vieux récits d'Esope qui lui-même …

Au moins, parce que ces sources dites et redites, s'énoncent sous forme d'histoires, de fables ou de contes, aisément compréhensibles, facilement transmissibles et si agréables à nos mémoires. Serres a raison : tous, nous savons encore tel ou tel vers de La Fontaine, tel ou tel conte de Perrault ou des frères Grimm. Ils nous ont imprégné plus que nous ne le crûmes et sans doute, la moralité à en tirer nous engageât bien plus que la réprimande d'une mère ou la sentencieuse leçon du maître.

Alors … allons-y !

Préambule

Doutes et ambitions

Solidarité

Réciprocité

Pesanteur et grâce

De la connaissance

Aimer et surtout ne jamais haïr

Rester élégant et jamais vulgaire

 

savoir écouter

savoir parler

Qu'est-ce cela : aimer ?

Trois histoires pour commencer

Révélation

histoires d'insoumises

histoires d'abandons

 

élégance   :

l'éloge de la gratuité  

élégance de l'image

images de l'élégance

élégance de la légèreté

pesanteur de la vulgarité

légèreté de l'élégance

de deo : in solido

l'impensable silence

 

bienveillance

humanisme: une affaire d'élégance

du pardon

doute
donner recevoir
ironie
justesse

diableries

diableries suite

qu'est-ce ceci : haïr ?

grâce    
cloisons à éviter
 
goûter le silence

Etre au service tout en restant libre

Nourrir l'amitié jamais l'indifférence

Etre prudent sans rien perdre de sa force d'âme

gratitude

différence  

chercher

liberté : obéir ou servir

écoute  

philosopher : un geste moral

loi

empathie  

prudence plutôt que scepticisme

 

sexualité

sagesse

 

 
entre silence et parole
    devenir

Rester humble et jamais arrogant

Etre généreux et surtout jamais âpre

Rester juste et fuir la démesure

finitude

franchise et sincérité

entre intensité et prudence

moi

foi ou crédulité

mensonge
être source ?
partage
fissure
témoigner
refuser la déchéance
vicariat

 

 


1) Carnets II, p 90

 Les anciens philosophes (et pour cause) réfléchissaient beaucoup plus qu'ils ne lisaient. C'est pourquoi ils tenaient si étroitement au concret. L'imprimerie a changé ça. On lit plus qu'on ne réfléchit. Nous n'avons pas de philosophies mais seulement des commentaires. C'est· ce que dit Gilson en estimant qu'à l'âge des philosophes qui s'occupaient de philosophie a succédé l'âge des professeurs de philosophie qui s'occupent des philosophes. Il y a dans cette attitude à la fois de la modestie et de l'impuissance. Et un penseur qui commencerait son livre par ces mots : « Prenons les choses au commencement » s'exposerait aux sourires. C'est au point qu'un livre de philosophie qui paraîtrait aujourd'hui en ne s'appuyant sur aucune autorité, citation, commentaire, etc., ne serait pas pris au sérieux. Et pourtant...