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Petites diableries en guise d'hors-d'œuvre

Ὑμεῖς ἐκ τοῦ πατρὸς τοῦ διαβόλου ἐστέ, καὶ τὰς ἐπιθυμίας τοῦ πατρὸς ὑμῶν θέλετε ποιεῖν. Ἐκεῖνος ἀνθρωποκτόνος ἦν ἀπ’ ἀρχῆς, καὶ ἐν τῇ ἀληθείᾳ οὐχ ἕστηκεν, ὅτι οὐκ ἔστιν ἀλήθεια ἐν αὐτῷ. Ὅταν λαλῇ τὸ ψεῦδος, ἐκ τῶν ἰδίων λαλεῖ: ὅτι ψεύστης ἐστὶν καὶ ὁ πατὴρ αὐτοῦ.
Vous avez pour père le diable, et vous voulez accomplir les désirs de votre père. Il a été meurtrier dès le commencement, et il ne se tient pas dans la vérité, parce qu'il n'y a pas de vérité en lui. Lorsqu'il profère le mensonge, il parle de son propre fonds ; car il est menteur et le père du mensonge. Jn 8, 44

 

Lucifer, Satan, le diable … nous avons tendance à en faire de parfaits équivalents ; il faut dire que ni les textes, ni les dogmes ni en général les Églises ne nous aident à y voir clair. Tout au plus y pouvons-nous lire des expressions du Mal - ce qui pose en tout cas plus de questions que n'y apporte de réponse. La référence au diable n'est pas si fréquente qu'on pourrait le croire - le terme diable n'apparaît que 32 fois et seulement dans le Nouveau Testament ; Satan 47 fois mais seulement 14 fois dans l'Ancien Testament dont 11 au début de Job ; quant à Lucifer, jamais : ce n'est que tardivement que l'on assimilera le diable à l'ange déchu (Augustin) et la Vulgate de Jérôme traduira effectivement le Eosphoros grec par Lucifer ( Job et Isaïe)

L'église gardera néanmoins l'idée que le diable, loin d'être seulement le principe du mal, est un être, qui s'oppose à Dieu. Ses représentations sont rares avant le VIe siècle, puis de plus en plus fréquentes d'apparaître ainsi sur les frontons des églises romanes puis dans ces scènes macabres mais satiriques aussi parfois de la pesée des âmes, sur le frontispice de maintes églises gothiques.

Que l’Église cherchât à alimenter la peur pour mieux rassembler les fidèles dans son giron ne fait pas question, même si cette stratégie, finalement, aura été assez tardive - et pas toujours efficace. Représenté comme être anthropomorphe effrayant, velu, avec des cornes, des griffes et les caractéristiques du bouc (cornes, pieds et queue fourchue) inspiré sans doute des légendes latines autour des incubes, il sera décrit un peu plus tard, par un Raoul Glaber notamment, comme un être de petite taille, la peau ridée, un visage difforme, le crâne allongé avec un museau de chien et des oreilles hérissées, une barbe de bouc, des griffes, les cheveux sales et raides, les dents d’un chien, une bosse sur le dos, les fesses pendantes, les vêtements malpropres …

Le plus amusant finalement dans ce bric-à-brac bariolé et sans réelle cohérence est qu'à l'inverse, le diable apparaît souvent, dans les récits populaires, légendes ou contes plutôt comme un adversaire assez faible que l'on peut aisément berner. Serait-ce à dire que loin d'être cette brute épaisse, candide et sotte que l'on se plaît à voir en lui, le peuple au travers de ses histoires comme de ces représentations sut, de tout temps, marquer sa propre ruse, son ironie au moins autant que ses irrévérences ?

Je gage qu'à regarder ces représentations, à parcourir ces légendes, il y ait à comprendre sur le mal, sur cette injonction morale à ne surtout pas haïr.

 

La satire

Celle que l'on trouve sur le portail central de la Cathédrale de Strasbourg où est représentée la Passion du Christ. Cette théorie de statues, qui toutes racontent une histoire, est d'autant plus troublante qu'à moins de les scruter attentivement avec jumelle ou appareil photos on n'en verra jamais que la configuration générale. Les artistes qui en furent les auteurs les conçurent, certes par piété, certes sur commande, mais aussi avec cette incroyable liberté que leur autorisaient la vue limitée du public et la vanité sans doute aussi des prélats. A mesure qu'on prenait de la hauteur, le regard de moins en moins ajusté leur permit toutes les audaces. Celle-ci notamment

A gauche, le portement de la Croix. Au centre du second registre le Christ en croix : la tête penchée son regard semble s'adresser, en contre-bas, aux fidèles comme pour qu'ils comprennent mieux les injustes souffrances dont il est l'objet par faute de leur indifférence, négligence ou malignité. A droite, la descente de croix, la mise au tombeau et le saint Sépulcre au soldat endormi. Là, au moment de la Résurrection, le linceul est vide. On remarquera néanmoins, de part et d'autre de la croix, l'église triomphante et la synagogue aux yeux bandés.

Ici, la scène intéressante au troisième registre: la pendaison de Judas est représentée à gauche, un bouc venant le taquiner. A droite, la scène représente Ève et Adam. Le registre se poursuit avec Marie-Madeleine à genoux devant le Christ. Rien que du conventionnel dirait-on. Pourtant …

Certes, la punition du traître Judas pendu à une branche d'arbre mais a-t-on remarqué l'érection du bouc nécrophile ? qui évidemment représente Satan…

Certes un homme prêt à bouillir, condamné par le Diable ricanant …

.. mais cet enfant, ou ce jeune homme urinant sur les fesses dressés de l'évêque et sur son anus étoilé .....On remarquera notamment ses pattes palmées : il s'agissait de Gamil Blosarsch connu pour abuser des enfants de chœur. Certes, à droite, le Christ entraîne Adam et Ève hors des lieux comme signe de rédemption, assurément. Il n'empêche l'enfant d'une main posée sur la tête d’Ève manifeste son attachement ; de l'autre, urinant, son mépris pour la perversité incarnée par un prêtre sodomite.
 Le Christ miséricordieux retire Adam, Ève et l'humanité entière des Limbes ; c'est toute l'humanité qui est rachetée par le bois de la croix ; précisons le geste : le Ressuscité prend la main gauche d'Adam pour l'approcher de la hampe de la croix salvatrice. L'enchaînement des mains se poursuit d'Adam à Ève pendant qu'un petit être nu pose une main sur la tête de lia Femme.

 

La sottise de l'orgueil

Nul n'ignore évidemment que les vents aiment à tournoyer autour des édifices de quelque hauteur. Nulle cathédrale n'y échappe ni plus Paris que Chartres, Bourges qu'Amiens. Il se dit pourtant qu'à Strasbourg ce serait de bien plus grave affaire dont il s'agirait.

Nous sommes dans les années 1365 : la cathédrale de Strasbourg commencée près d'un siècle et demi auparavant est pratiquement achevée. Tout le monde s'était mis à l'œuvre, architectes les plus hardis, maçons les plus experts, le peuple surtout, zélé et enthousiaste en porta longuement et fiévreusement l'ambition. Voici l'édifice dressant fièrement sa flèche à la gloire de Marie, mère de Dieu, si haute qu'elle fait l'envie de tous et se peut apercevoir de part et d'autre du Rhin, depuis la Forêt Noire comme des Alpes. Prodige du gigantesque et du délicat, écrira Victor Hugo, elle marque la victoire définitive des ambitions gothiques sur le roman : toujours plus haut, toujours plus lumineux, toujours plus emphatique. Comment voudriez-vous que les échos de cette réussite orgueilleuse ne parvinssent pas jusqu'aux confins du monde ?

Jusqu'au diable qui apprenant qu'on y avait sculpté de lui charmantes et flatteuses effigies voulut en avoir le cœur net et voulut se rendre sur place. Il chevaucha ainsi le vent qui lui faisait office de destrier et se plantant immédiatement en face du portail occidental se vit sous la forme du tentateur parvenant à suborner les vierges folles. Effigie plutôt flatteuse de ce beau jeune homme tendant le fruit tentateur avec ce léger sourire ironique voire sarcastique qui le ferait reconnaître entre mille si n'était son dos sur lequel grouillaient crapauds, lézards et serpents. La chose dut assez plaire au Malin pour qu'il s'enquît de pénétrer à l'intérieur de la cathédrale et y vérifier si d'aventure ne se trouvaient pas d'autres statues de lui parmi toutes celles qu'arborait l'enceinte majestueuse.

Malheureusement pour lui, surpris par un office religieux qui s'y déroulait au même instant, il tenta de se dérober à la vue des fidèles - rien évidemment ne lui étant plus désagréable que ces sirupeuses dévotions à l'endroit de son pire ennemi ! - et se cacha dans un des piliers mais il y fut pris au piège, enfermé là pour les siècles des siècles. Le vent, fidèle comme le sont tous les destriers l'attend toujours et tourne inlassablement autour de la cathédrale pour le jour où son maître parviendrait enfin à s'extirper du piège où il se sera de lui-même empêtré.

J'avoue adorer ce diable pris dans les rêts de ses propres vilenies : orgueil, vanité et suffisante l'auront perdu comme il perd tous ceux qui tombent sous son charme fielleux !

La curiosité

La Fontaine à l'occasion savait, lui aussi, mobiliser le diable aux fins de ses démonstrations. Curieuse fable que celle de Belphégor qui s'inspira pour l'occasion de Machiavel ! Le diable, on l'a dit, pas toujours au fait de tout et semblant ne pas toujours comprendre sa proie de prédilection, réalisa un beau jour, en les interrogeant que la majorité des damnés l'étaient en raison de leur épouse ou mari. Il en était resté à l'idée que le mariage était, après tout, une des plus belles choses qui pût arriver à un humain, sotte légende se ravisa-t-il qu'il tint vraisemblablement de l'époque de ses splendeurs célestes où il trônait dans les cieux presque à hauteur du Père.

Il rassembla l'aréopage inquiétant de ses trabans, séides, nervis et autres démons qui forment l'ordinaire de sa cour funeste et il fut décidé que Belphégor serait chargé de vérifier sur Terre de quoi il retournait. Belphégor n'est pas n'importe lequel des soudards à la solde du diable : cité dans l'Ancien Testament (Nb, 25 et 31) symbole de débauche et de luxure et dans la tradition chrétienne on le voit souvent tenter ses victimes en leur suggérant inventions ou techniques leur permettant de faire fortune. Ce sera exactement ce que fera Méphistophélès - celui qui n'aime pas la lumière - auprès du Dr Faust.

Belphégor se rend ainsi sur terre pour une dizaine d'années devant y faire toute expérience qui lui permettrait de comprendre et fut, pour cela, doté d'une assez jolie fortune. - On lui donna mainte et mainte remise, Toutes à vue, et qu’en lieux différents Il pût toucher par des correspondants, écrit La Fontaine. Tout lui était permis ruses et tricheries, mais il ne pourrait écouter le délai imparti des dix années.

C'est ainsi que sous le nom de Roderic, il arrive à Florence, ville alors de toutes les richesses et raffinements, et s'y maria avec Honnesta, aussi riche et belle que détestable. , rongée notamment par un orgueil démesuré. L'affaire bientôt conclue s'acheva rapidement : dupé par un serviteur aussi rusé qu'indélicat - et pour tromper le diable lui-même sans doute ne faut-il pas être amateur inexpérimenté - il prit la fuite échappant par là et à ses créanciers et à son atrabilaire épouse. L'affaire eût pu s'arrêter là quoique le délai de dix ans ne fût point encore écoulé mais quoi ? après tout n'avait-il pas déjà compris que les vers qui gâtent le fruit apparemment si affriolant ont nom notaire et contrat de mariage ; belle-famille qu'il faut supporter et entretenir ; et intendant ! qui tout ensemble se servent sur la bête ne se résolvant pas même à stopper le carnage quand même elle fût définitivement tondue.

Il trouva refuge chez Mathéo, fermier des environs, avec qui il entreprit vaste manœuvre de duperies en tout genre qui feraient du fermier un homme riche et sauverait l'infortuné diable de ses tracas. Feindre possession de l'âme, s'agissant surtout de jeunes filles, voici qui était évidemment dans ses attributs et son comparse n'aurait ainsi qu'à feindre exorcisme contre forte récompense. La chose leur réussit à trois reprises. Malheureusement, pour n'en avoir pas fini avec ses propres tourments, Belphégor entra dans le corps de la fille du roi de Naple, lequel, évidemment, ayant eu vent des talents du fermier, fit appel à ses services. Mais l'accord avec le démon étant forclos, il ne parvint à rien tant et si bien qu'il fut condamné à être pendu. Le pauvre hère, par ruse ou dépit, demanda qu'on le conduisît à la mort accompagné de force tambour ce qu'entendant Belphégor en voulut connaître la cause. Le paysan répondit que c'était Honnesta qui le demandait, toujours en recherche de l'époux que la fortune lui avait donné et l'infortune ravit.

Autant dire que, terrifié, Belphégor quitta promptement le corps de la jeune fille et regagna les Enfers, ravi d'échapper à pire encore.

Il y a bien une morale à cette histoire : il en est même plusieurs. Rien n'est pire que de changer son logis en prison, écrit La Fontaine. Qui touche à cette frontière si fragile, si fluctuante qui de l'intérieur nous sépare de l'extérieur. Que celle-ci vienne à être bafouée, c'est moins l'impudicité qui serait en jeu que cette forme insidieuse de violence qui empêche de s'affirmer. De ce point de vue il n'y a pas à s'étonner qu'amour et haine fussent à ce point symétriques antonymes.

La perversion est bien ce point où ce qui devrait unir, sépare en réalité. Ce tragique instant où le diable contrefait le symbole.

Mais ceci est une autre histoire.

 

 

 

Solidarité

Réciprocité

Pesanteur et grâce

De la connaissance

Aimer et surtout ne jamais haïr

Rester élégant et jamais vulgaire

 

savoir écouter

savoir parler

Qu'est-ce cela : aimer ?

Trois histoires pour commencer

Révélation

histoires d'insoumises

histoires d'abandons

 

élégance   ou l'éloge de la gratuité  

élégance de l'image

images de l'élégance

élégance de la légèreté

pesanteur de la vulgarité

légèreté de l'élégance

de deo : in solido

l'impensable silence

 

bienveillance

humanisme: une affaire d'élégance
doute
donner recevoir
ironie
justesse

qu'est-ce ceci : haïr ?

histoires :

diableries 1

grâce    
cloisons à éviter
 
goûter le silence

Etre au service tout en restant libre

Nourrir l'amitié jamais l'indifférence

Etre prudent sans rien perdre de sa force d'âme

gratitude

différence  

chercher

liberté : obéir ou servir

écoute  

philosopher : un geste moral

l'imaginaire des profondeurs

loi

empathie  

scepticisme

obéir

sexualité

sagesse

servir

 
devenir

Rester humble et jamais arrogant

Etre généreux et surtout jamais âpre

Rester juste et fuir la démesure

finitude

franchise et sincérité

intensité

moi

foi ou crédulité

mensonge
être source ?
partage
prudence
 
 
vicariat