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Faire source

Quand donc tout ceci a-t-il bien pu commencer ?

Un peu comme un oxymore, ce ruisselet, surgi de nulle part, qui sans doute prenait sa source là, juste au-dessus, qui s'insinuait comme un modeste contre-point aux arbres déjà jaunis, des boulots pourtant robustes au pins supposés supporter température méditerranéennes. Quand donc a débuté cette dégradation qui menace désormais d'être irrésistible ? De manière bien discrète en tout cas pour que de supposés savants et d'inénarrables experts gonflés de leur importance osassent en démentir la réalité.

Il en va ainsi de tous les commencements. Qui ne se laissent percevoir et admettre qu'après … si longtemps après …

Je voyais comme une ironie ces petits clapotis qui résonnaient comme peut le faire la vie quand vagit le nouveau-né.

Quand donc tout ceci a-t-il bien pu commencer ?

Qu'est-ce que commencer, au reste ? Kant nous a appris, il y a bien longtemps déjà, combien les origines restaient impossibles à penser. Pourtant nous en côtoyons sans cesse ! A commencer par notre naissance que nous savons précisément dater et minuter au point de la transcrire dans nos papiers officiels. Pourtant nous savons célébrer la nouvelle année et avons organisé nos années autour du calendrier même si nous avons compris depuis longtemps que ces débuts-ci étaient conventionnels : l'année commençait autrefois au solstice de printemps et nous ne calculons le nombre de nos années à partir de la naissance du Christ seulement parce que le christianisme fut longtemps majoritaire en nos terres. Rome n'était pas dupe qui fit de Janus un dieu bicéphale, regardant à la fois en arrière et en avant au même titre que nos monuments célèbrent peut-être un événement passé mais en appellent conjointement au futur.

Nous n'arrivons pas à imaginer un fait ou un être sans cause mais celle-ci lui précèderait nécessairement. C'est que donc il y avait un début avant le début … Mais comment entendre cette régression à l'infini ?

Nos sciences auront toujours quelque explication et cette eau semblant surgir de nulle part n'est jamais que le résultats de processus sous-terrains, invisibles mais connus. Telle est notre démarche obligée : expliquer le visible par l'invisible - ou le pas encore apparent ! Il n'est pas tant de différence à cet égard d'entre sciences et mythes. Comment ceci a-t-il bien pu commencer revient ainsi à se demander ce que tout ceci cache. Et donc ce que ceci révèle.

Nous aimerions bien être aux commencements ou les revivre ! Qui prennent volontiers vêture de fraîcheur et pureté de ce qui, ne s'étant encore frotté à rien, ne se sera encore ni émoussé, ni abîmé, ni souillé. Nos commencements ainsi ressemblent à l'image que nous nous formons des tout petits : roses, innocents, prometteurs. Nous aimerions tant être le commencement ! Ces moments - comme en suspens - où tout semble possible de ne s'être pas encore fracassé à l'ingratitude du temps : qu'elles furent belles et de haut souffle ces journées épiques de l'été 89 où furent balayées injustices et reconnue dignité de chacun ! comment deviner qu'elles s'épuiseraient bientôt sur cette place désormais ironiquement nommée de la Concorde sous le couperet du dogme et de l'intolérance ? comment deviner que cette foule - mais les foules ne sont-elles pas toutes aveugles, empressées et inconséquentes, hurlerait Barabbas après avoir accueilli Jésus quelques jours plus tôt ? que ce fût la même foule, sotte de tant de lâche passion, qui acclama Pétain à la Pâque 44 avant d'applaudir de Gaulle, au même endroit, à la fin de l'été ?

C'est au reste à ceci que ressemble notre idée de la liberté : commencer absolument une série causale, être le plein auteur autant qu'acteur de cette volonté qui s'exprime sans que rien ni personne jamais n'y exerçât quelque influence ou opposât quelque frein. Mais nous aimerions tant connaître la suite, la raconter bien sûr ; la forger surtout. Mais quoi ? serions-nous encore libres si tout avait déjà été écrit d'avance ? ne le sommes-nous pas seulement par le choix - ou l'illusion d'alternative - entre deux chemins qui nous paraissent également incertains ou prometteurs. A la croisée, il n'est personne pour nous guider ou si, à l'intersection des sentiers, devait par hasard se tenir quelqu'un, assurément ce serait un Crétois dont tout le monde sait qu'ils sont menteurs.

Mais une source ignore si le ru qu'elle ensemence deviendrait bien plus loin fleuve gigantesque ou s'épuisera, là-bas dans quelques mètres en contre-bas, dans ruisseau plus vigoureux que lui. Comment imaginer en regardant cette source suintant comme un clin d'œil dans la cave d'une ferme de la Forêt-Noire, non loin de Donaueschingen, qu'elle donnera naissance au plus long fleuve d'Europe et se jettera dans la Mère Noire ? Comment imaginer en regardant ici la Truyère, non loin de sa source, que ce ruisseau, certes épuisé par la chaleur et la sécheresse, deviendra cette calme et paisible rivière qui se jettera plus loin dans le Lot, à l'ombre d'un château médiéval ?

Nous gonflons le torse devant nos réalisations qu'hâtivement nous baptisons progrès sans nous soucier des souillures qu'elles négligeront derrière elles, encore moins des griffes dont par outrecuidance elles balafreront le monde. Je m'étonne toujours de cette invraisemblable aveuglement - à moins que ce ne fût de la jobardise - où sans doute je dus bien aussi tomber à mon tour, qui nous fit nous croire les maîtres et nos actes sans conséquence. Nos machines aussi perfectionnées qu'elles se prétendissent, aussi efficaces que nous les avons eu escomptées, finiront demain, en quelque décharge, oubliées dans un champ, vestige boursouflé d'un stratagème qui les aura sacrifiées à plus performant encore nous poussant au passage dans la même ornière.

Nous hésitons ainsi entre l'ignorance de nos sources et l'incertitude de nos épuisements. Arguons souvent sottement des premières comme si elles nous donnaenit autorité ou que nous pussions justifier par elles de quelque préséance qui rejetât le vulgaire hors du cénacle … A la fin, la violence ou ce qui n'est guère mieux, l'indifférence.

Elle s'appelait Écho. Nymphe charmante qui n'eut qu'un seul tort : se faire comparse de Zeus en distrayant l'attention d'Héra par son incessant bavardage pendant que son volage époux séduisait les bergères, nymphes ou tout autre minois charmant qui viendrait imprudemment croiser son regard. Héra n'était pas sotte qui n'ignorait rien des incartades de Zeus ; en revanche, d'une jalousie tenace et féroce. Pour punir Écho. de sa rouerie minable, elle l'a condamna à pouvoir seulement répéter les derniers mots qu'elle aura entendus. La lourde sanction la condamnait ainsi précisément à n'être plus le commencement de rien … mais la seule réverbération de ce qui fut déjà ! A ne plus même être capable d'exprimer idée, sentiment, émotion qui lui fût propre.

Écho. n'était plus que l'ombre … des autres.

La chose était déjà fâcheuse, elle devint plus embarrassante encore lorsqu'elle se trouva croiser le chemin de Narcisse, beau jeune homme dont elle tomba éperdument amoureuse. Ce dernier, égaré, appela : il y a quelqu'un ? , ce quelqu'un qu’Echo ne put que répéter. Elle se précipita au mot rejoindre qu'il avait prononcé mais fut brutalement repoussée par cet étrange jeune homme qui, trop engoncé dans sa dureté orgueilleuse, prétendit Ovide, ne trouvait grâce ni beauté en quiconque au point qu'un jeune garçon, amoureux éconduit mais ne le supportant pas, leva les mains au ciel et s'écria « Puisse-t-il tomber amoureux lui-même, et ne pas posséder l'être aimé ! ». La déesse des lieux accéda à sa demande … pour le grand malheur de Narcisse : un jour qu'après une chasse éprouvante, il s'alla désaltérer en une source limpide, aux ondes brillantes et argentées que nul berger ou bête n'avait encore souillé, il vit sa propre image et s'en rassasia au point de ne plus pouvoir se contenter d'aucune autre. La malédiction avait fait son office : il était tombé amoureux d'une simple image, qui plus est la sienne, et se condamna à en mourir de ne pouvoir ainsi se satisfaire jamais. Écho n'était pas vengée pour autant : elle ne demandait au reste aucune vengeance. Elle s'était retirée, rejetée et inconsolable, humble et ignorée de tous : bientôt comme desséchée par le désespoir, sa beauté se fana et ses os se réduisirent en cendres. Gaïa, émue par l'infortune de la jeune nymphe, cacha sur elle ses restes … Depuis, quand les muses l'ordonnent, dit-on, le corps d’Écho, même tari, se remet à chanter en reproduisant musique comme sons du monde.

J'aime qu'ici Écho. et Narcisse soient réunis parce qu'ensemble ils racontent, sans le vouloir ou savoir peut-être, une histoire sans fin qui ne peut avoir de commencement parce que, de toute manière de commencement, il ne se peut être ni surtout concevoir. Que l'amour y ait sa part n'est pas anodin ! Narcisse meurt de s'être cru pouvoir réunir l'alpha et l’oméga : seuls les dieux y parviennent. Il s'est cru pouvoir ériger lui-même en commencement radical … et en meurt. Que ce fût d'une source immaculée y a sa part. Écho. raconte une histoire : la nôtre. Qui nous rappelle que quoique nous disions, ce fut exprimé déjà ! Quoique nous fassions, ce fut réalisé déjà ! Quoique nous pensions, d'autres, plus sages que nous, le contemplèrent déjà. Quoique nous rêvions, ce ne sera jamais qu'interminables bégaiements des espérances de nos grands anciens. Héraclite avait eu raison de considérer dans les eaux du fleuve l'expression exacte de l'être, toujours en mouvement ; toujours en devenir. Il eut peut-être tort de croire qu'on se ne baignait jamais dans le même fleuve. Car oui, tout se répète ; tout fuit, tout passe mais l'écho le redit.

Que si radical commencement il se pouvait être, il serait seule affaire des dieux ou des poètes qui nous laissent au mieux la tâche de les répéter, de les interpréter.

C'est peut-être pour cela qu'Héraclite pleurait quand Démocrite lui, éclatait de rire.

 

 

Préambule

Doutes et ambitions

Solidarité

Réciprocité

Pesanteur et grâce

De la connaissance

Aimer et surtout ne jamais haïr

Rester élégant et jamais vulgaire

 

savoir écouter

savoir parler

Qu'est-ce cela : aimer ?

Trois histoires pour commencer

Révélation

histoires d'insoumises

histoires d'abandons

 

élégance   :

l'éloge de la gratuité  

élégance de l'image

images de l'élégance

élégance de la légèreté

pesanteur de la vulgarité

légèreté de l'élégance

de deo : in solido

l'impensable silence

 

bienveillance

humanisme: une affaire d'élégance

du pardon

doute
donner recevoir
ironie
justesse

diableries

diableries suite

qu'est-ce ceci : haïr ?

grâce    
cloisons à éviter
 
goûter le silence

Etre au service tout en restant libre

Nourrir l'amitié jamais l'indifférence

Etre prudent sans rien perdre de sa force d'âme

gratitude

différence  

chercher

liberté : obéir ou servir

écoute  

philosopher : un geste moral

loi

empathie  

prudence plutôt que scepticisme

 

sexualité

sagesse

 

 
entre silence et parole
    devenir

Rester humble et jamais arrogant

Etre généreux et surtout jamais âpre

Rester juste et fuir la démesure

finitude

franchise et sincérité

entre intensité et prudence

moi

foi ou crédulité

mensonge
être source ?
partage
fissure
témoigner
refuser la déchéance
vicariat