index précédent suivant

 

 

Elégance de la légèreté

Milan Kundera en avait fait l'incipit d'un de ses romans et j'avais, je l'avoue, adoré ce processus qui d'une idée, plutôt philosophique, le conduisit à construire un roman qui en serait le déploiement. Il m'apparut bien vite que c'était là processus exactement inverse à celui utilisé par Platon dans ses allégories ou les Evangiles avec ces mulptiples paraboles qui traversèrent si bien les siècles qu'on les eût toujours déjà entendues quand même l'on ne fût pas chrétien. Ici on part d'une histoire pour suggérer une idée, là d'une idée pour bâtir une histoire.

Où la légèreté, où la lourdeur ? Comment oublier ce Je lis mal et avec ennui les philosophes, qui sont trop longs et dont la langue m'est antipathique. de Paul Valéry à qui on ne peut pas tout-à-fait donner tort qui néanmoins eut un parcours étonnant au moins en ceci qu'avant de retourner à la poésie, il tenta préalablement une langue objective et dénuée de toute erratique sensiblerie : celle des sciences et de la mathématique.

Une seule chose est certaine. La contradiction lourd-léger est la plus mystérieuse et la plus ambiguë de toutes les contradictions. Kundera

Je le crois bien ! Voulons-nous fustiger quelqu'un pour ses blagues douteuses, pour ses entreprises insistantes jusqu'à l'inconvenance à l'égard des femmes, ne dira-t-on, pas de lui qu'il est - un peu - lourd ? Voulons-nous pointer son insignifiance, sa personnalité falote ou la faiblesse de ses arguments, n'utilisera-t-on pas alors le terme léger ? Comme si nous ne supportions ni plus l'un que l'autre ou que nous échappât ce qu'en réalité ces termes signifient.

C'est que, à l'inverse, le grec nomme précisément axios - άξιος -ce qui est important parce qu'a du poids, de la valeur. La valeur est ainsi d'autant plus liée à la pesanteur que dérivée de ἄγω d'où nous avons tiré agir, pousser, entraîner qu'ainsi la valeur est bien ce qui vous entraîne derrière elle par son poids, son importance. Idée que l'on retrouve dans l'expression triviale c'est du lourd ! Parallèlement le terme latin - levis - semble ne pouvoir désigner son objet que par la négative : ce qui n'a pas de poids, ou pas d'importance.

Il faudra attendre Newton pour comprendre que tous les corps tombent soumis qu'ils demeurent à la gravitation universelle ; Aristote et tout le Moyen-Age après lui considérait que chaque corps rejoignait son lieu d'origine : les lours - terre et eau - se dirigeaient vers le centre de la terre ; les légers - air et feu - vers le haut, à la périphérie du monde sub-lunaire. Ceci laissera traces jusqu'en théologie et morale : pour de nombreux chrétiens, les âmes justes, légères, s'élevaient presque sans encombre vers le ciel ; mes âmes mauvaises et méchantes, appesenties de leurs fautes, étaient comme aspirées, engouffrées par le bas - l'Enfer.

Kundera avait vu juste : ce couple de contraire nous domine mais il n'est pas impossible que nous l'envisagions à rebours. Ou, plus exactement, il traverse toutes les dilmensions de nos existences en adoptant successivement presque toutes les nuances et graduations qui séparent le positif du négatif, le bien du mal ; le vivant de l'inerte.

Voici assurément la deuxième raison, après ma dilection pour les miroirs et leurs reflets, pour laquelle j'éprouve tant de mal à détourner mon regard de l'union si étrange entre ciels et lacs ou rivières. Tout n'y semble plus qu'effilé en son essentiel comme débarrassé de toutes ces fioritures et autres anicroches qui en troublaient le sens. Ne s'embarrasser que de ce qui importe avait un autre sens que je dois à ma mère qui sans cesse nous rappelait combien il n'était pas de plus grand danger que de tout prendre au tragique et soi-même trop au sérieux.

Savoir se moquer de tout lui semblait efficace antidote à ce qu'elle ne savait nommer démesure ou orgueil.

Tout tourner en dérision. Soi d'abord

Qu'il est difficile de parler de l'humour … Rien ne serait plus sinistre qu'une théorie de l'humour :mais il faut dire que les théories ont rarement quelque chose de drôle. On parle aisément de l'humour juif, de l'humour new-yorkais - un Woody Allen en a fait sa marque de fabrique ; apparaît comme un compliment de dire de quelqu'un qu'il a le sens de l'humour … Mais entre l'ange souriant de la cathédrale de Reims et la synagogue aveugle, le choix est fait ! Savoir se moquer de tout, et d'abord de soi-même, de :tout et surtout de ce qui vous est le plus précieux, de tout et d'abord de ses convictions les plus intimes ou les plus fortes m'aura toujours paru de la première hygiène. Est-il quiconque plus dangereux que celui qui se prendrait au sérieux et ses idées pour d'inaccessibles tabous ? Qui en viendrait inéluctablement à prendre pour offense toute nuance, pas même un écart, à sa pensée et entreprendre dès lors de ramener dans le rang toute velléité, même sincère, même bienveillante, qui au nom de la liberté de pensée en fût parvenue à s'éloigner de la ligne tracée. S Zweig a raison, qui dressa un portrait terrifiant de Calvin : en tout pouvoir se terre le spectre de la démesure, de l'abus. Avoir essuyé l'incroyable efficacité des idées, pour peu qu'un peu de talent rhétorique ou de charisme vienne habilement s'y adjoindre, ne peut pas ne pas vous faire bientôt accroire en leur toute-puissance - et donc en la vôtre. Cioran ne dit pas autre chose et je crois bien qu'avec les mots de son temps et de sa conscience, Montaigne déjà l'avait eu souligné.

Combien de temps, d'invectives et de morts fallut-il à l'église catholique pour admettre qu'à côté d'elle, d'autres confessions qui n'étaient ni impies, ni hérétiques ni infidèles pouvaient se déployer légitimement ? Réalise-t-on ce que d'odieux, pouvait se cacher ainsi dans la thèse, certes moins dangereuse que celle du déicide, mais putride néanmoins, d'un peuple aveugle, rétif à reconnaître le Messie dans le Christ ? Peut-on comprendre mais surtout endiguer ce dérapage insidieux qui du dialogue à la force, de la théorie à l'arme, conduit à imposer ? et bientôt à tuer ? Peut-on vraiment espérer que le rire soit arme efficace pour en endiguer les méfaits ?

J'en pourrai parler en évoquant l'humilité tout aussi bien que la philosophie … Mais n'est-ce point aussi chemin vers l'élégance ? On se remet finalement assez bien des limites de la raison telles que Kant les repéra ; beaucoup moins aisément de ses errances telles qu'Heidegger les illustra et en fut l'acteur en même temps que la victime. Que la raison ne puisse pas tout embrasser, passe encore ; qu'elle soit même incapable de nous préserver des pires horreur, divagations et intolérances, voici qui est douloureux, humiliant ; désespérant. Que la raison se puisse laisser prendre - et nous avec - dans les pièges de ses propres ruses devrait tempérer nos assurances et nos prétentions.

Je ne m'en désole point ; aurais même tendance à plutôt m'en réjouir ! Que la certitude d'avoir raison, un sentiment de puissance que rien ne viendrait écorner, soient les truchements d'une bascule infernale me fait être reconnaissant de ne pas tout savoir - et même si peu - de ne disposer que de maigres pouvoirs au point même d'avoir souhaité parfois n'en disposer d'aucun.

Etre léger au point de n'influer sur rien dans le monde ? Penser au point de ne revendiquer qu'une chose c'est de ne savoir rien ? Voici bien le paradoxe : vivre et avoir poids sur le monde au risque de l'horreur ; ne vouloir courir aucun risque, qui peut à l'occasion être tantôt manière de lâcheté tantôt de prudence, et sombrer dans la vacuité pure. Bigre que l'entre-deux, que le sentier entre ces deux ravins est étroit et périlleux !

Avoir de l'humour donc, et faire le pari de la désinvolture. En feindre en tout cas la mise en scène. Je ne déteste pas, dois-je l'avouer, que le mot vienne, via l'anglais, de notre si classique humeur qui a affaire à une des théories les plus baroques du corpus hippocratique. C'est dire en tout cas qu'il relève des dispositions d'esprit. Ce que je crois qu'il est.

Une façon de prendre les choses plutôt que les subir ; de leur donner un sens … qui soit le nôtre.

Or, ceci, je crois bien que c'est à ma mère que je le dois. Comme si le silence de mon père, si insistant et telllemet opaque avait été trop lourd de noirceurs, de doutes et de paralysie, qu'il fallût non pas l'adoucir, c'eût été impossible, non plus que le contourner … le rendre supportable. Tu t'efforças ainsi de nous rendre l'atmosphère sinon plus légère en tout cas, sans cela, moins étouffante. Ton envie de lumière y pourvut assez bien.

On le dit être la politesse du désespoir. Et je veux bien l'admettre. Qui n'eut dans son entourage un esprit si chagrin qu'il n'inclinât jamais que vers les brouillards les plus épais, les pentes la plus vertigineuses, incapable dès lors de considérer dans la moindre peccadille autre chose que prémices d'une catastrophe incontournable, d'une tragédie implacable, d'une apocalypse méritée ; âme si intempestive en sa noirceur que la tentation de vous en écarter manque souvent de vous saisir ?

Le ciel a beau être bas et lourd, il nous faut quand même respirer. Je ne connais pas d'autre biais que l'humour, hormis l'art et, dit-on le rêve qui en constitue les prémices, qui nous puisse faire l'existence supportable et le monde habitable. C'est au reste, dans les deux cas même démarche ; même écart pour un semblable refus ! Ne pas se laisser imposer une réalité, fût-elle douloureuse ; non pas la nier comme le ferait un enfant fermant les yeux, mais lui imposer un sens, un autre sens ; un sens propre. Illusions ? Peut-être pas ! Est-il une quelconque perception, idée; image du monde qui n'ait transité par le filtre de notre entendement ? Le monde ne nous est jamais opposé dans son épaisse brutalité ; il est toujours déjà un monde humain : l'humour est un de ses filtres.

Sans lui nous serions aveuglés depuis toujours ; avec lui nous renonçons peut-être à la vérité mais avons conquis la justesse. Sans doute est-il exact, pour ceci de dire que le rire est propre de l'homme.

Oh bien sûr on peut toujours maugréer avec Freud et y voir un triomphe du narcissisme mais c'est en partie au moins se tromper : certes, qui rit tente de reprendre la main et, ainsi, en n'étant pas écrasé par le destin voire en se l'imaginant seulement, se pose en héros. Mais quoi le sérieux imperturbable n'est-il pas inconvenance qui, plus encore tend à se pousser du col et à jouer l'important ? Il n'est qu'un millimètre de l'important à l'importun et qui le devient aura, sous la gravité exhibée et la souffrance suggérée, cédé bien plus à l'égolâtrie.

Il y a quelque chose de la pudeur et de l'humilité dans cet humour que l'on glisse dans nos mots, entre nos mots et les choses : faire étalage de sa souffrance ne l'atténue en rien mais finit par indisposer. C'est ceci sans doute qui me touche le plus : l'humour est un égard pour l'autre; une façon de le reconnaître ; un acte de générosité.

Sans doute n'est-ce pas un hasard si on lui oppose presque toujours l'ironie. Car l'ironie, socratique ou non mais elle ne se vante telle souvent que pour mieux parader, est bien plus que cet art de contrefaire sa position, elle est sarcasme, méchanceté parfois, blessante à l'envi : c'est une arme, contre l'autre. Comme toute arme elle vise à faire mal ; elle est violence, sublimée sans doute ; déplacée dans l’ordre des mots mais ceci reste une arme tout juste bonne pour les disputes théologiques ; les campagnes électorales ; les soirées mondaines. Elle fit florès à l'époque des salons de ces dames où il fallait briller pour exister ; les textes de Proust en sont truffés ! Elle était reine dans le petit monde étriqué des courtisans au point de s'y compromettre souvent avec le ridicule. Dure époque où il se fallait reconnaître de l'esprit pour exister et où un bon mot valait toutes les cruautés !

Mais, comme toute arme, l'ironie finit par se prendre au sérieux ! Paradoxe, l'ironie n'a pas d'humour. Elle est parfois brillante ; jamais drôle. Jamais aimable.

J'ai aimé, chez ma mère, de n'avoir jamais été mordante ! d'avoir seulement, en mettant un pas de :côté et un mot de travers, cherché la lumière.

Histoire antique

Ce n'est pas tout à fait un hasard si l'on opposa souvent Démocrite à Héraclite, tantôt pour apprécier le rire du premier tantôt pour l'estimer trop méprisant au point de lui préférer les larmes du second. Démocrite n'était dupe de rien. Héraclite non plus ! Je ne suis pas certain que l'opposition ait un fondement : elle vient de loin pourtant. Elle a le mérite néanmoins, au-delà des clichés qui l'encombrent, et des représentations picturales qui foisonnent, au-delà des jugements péremptoires et parfois bien contradictoires que l'âge classique puis les Lumières lui auront réservés, le mérite oui de dessiner les pointes extrêmes de notre rapport au monde : l'une se donnant mine de s'y tellement meurtrir qu'il n'y eût plus qu'à s'attrister de sa misère ou, au mieux, de celle de ses congénères ; l'autre, pour les mêmes raisons finalement, mais au risque de l'incongruité ou de la marginalité, mimant la maîtrise de soi et frôlant la présomption en laissant accroire par son rire que rien ne pourrait l'atteindre véritablement - ce que pourtant la solitaire obstination démocritéenne démentira toujours …

Mais non, le rire n'est pas futile qui cache seulement une gravité qu’on ne se tolère d'imposer à personne. L'ordinaire bourgeois nous convie au juste milieu : c'est au reste le pont aux ânes de la morale. Le rire de l'un, les pleurs de l'autre sont tout sauf convenables. Entre l'apparente légèreté et le désespoir, l'humour vagabonde … pour notre plaisir ? non ! pour une douleur moins accrue.

Jamais autant qu'en écrivant ces lignes qui forment en quelque sorte l'épilogue de ce livre que je voulais vous consacrer, jamais autant, dis-je, je n'avais réalisé combien, alors que pourtant si proches qu'on vous eût dits fusionnels si le terme avait été alors de mise, vous étiez si parfaitement dissemblables, ou plutôt contraires en votre manière de porter l'existence comme un faix ; obligé, certes, mais une épreuve nonobstant.

Jamais autant que ce soir je ne juge si pertinente cette question que se posa Kundera en avant-propos de son roman :

C’est la question que s’est posée Parménide au VIe siècle avant Jésus-Christ. Selon lui, l’univers est divisé en couples de contraires : la lumière - l’obscurité ; l’épais - le fin ; le chaud - le froid ; l’être - le non-être. Il considérait qu’un des pôles de la contradiction est positif (le clair, le chaud, le fin, l’être), l’autre négatif. Cette division en pôles positif et négatif peut nous paraître d’une puérile facilité. Sauf dans un cas : qu’est-ce qui est positif, la pesanteur ou la légèreté ? Parménide répondait : le léger est positif, le lourd est négatif. Avait-il ou non raison ? C’est la question. Une seule chose est certaine. La contradiction lourd-léger est la plus mystérieuse et la plus ambiguë de toutes les contradictions. Insoutenable légèreté de l'être

Je ne crois en rien que Démocrite éprouvât mépris pour ses contemporains ; je devine surfaite la compassion d'Héraclite. A leur façon, en celle en tout cas où la mémoire collective les reconnut, ils signalèrent qu'on ne peut décidément penser sans immédiatement s'écarter du commun ; surtout que cet écart, quoiqu'on fasse, est autant entrave qui vous engourdit que promontoire où s'exhausser.

Non, moi, non plus je ne sais où s'exalte la légèreté ; où s'embourbe la pesanteur ; ni laquelle il faudrait préférer.

Qui avance, sans jamais poser question, ni se troubler plus que d'apparence des fissures de l'être ou des béances du monde, celui-là, au milieu de tous, jamais ne tremblera car tout lui semblera évident, patent, solide ou, tout au moins, par paresse ou peur, fera-t-il mine de le croire ; de le faire accroire ! Mais qui, même une fois seulement, aura laissé s'incruster en son âme cette question qui ronge et fait trembler, sentira insidieusement le sol se dérober sous ses pas et les fossés se creuser. Celui-ci ne tombera pas, trébuchera seulement, mais plus jamais ne pourra regarder le ciel sans boiter. Celui-ci en rira, ou en pleurera, mais identiquement les tressaillements en son âme épelleront la prière la plus intime qui soit.

Je dois à mes parents d'avoir pu regarder le ciel et d'y avoir reconnu un continent de questions si mal raccordées entre elles qu'elles échouèrent longtemps à former monde ; à l'un d'avoir compris un jour qu'exister n'était ni une évidence, ni une promenade mais une œuvre ; à l'autre de m'avoir appris qu'il n'était pas nécessaire de faire étalage de mine contrite et de tristesse compassée pour entonner cantique.

Parce que vivre décidément est un chant qui mérite bien un silence pour qu'il vous embrase de joie et reconnaissance

 

 

 

Préambule

Doutes et ambitions

Solidarité

Réciprocité

Pesanteur et grâce

De la connaissance

Aimer et surtout ne jamais haïr

Rester élégant et jamais vulgaire

 

savoir écouter

savoir parler

Qu'est-ce cela : aimer ?

Trois histoires pour commencer

Révélation

histoires d'insoumises

histoires d'abandons

 

élégance   :

l'éloge de la gratuité  

élégance de l'image

images de l'élégance

élégance de la légèreté

pesanteur de la vulgarité

légèreté de l'élégance

de deo : in solido

l'impensable silence

 

bienveillance

humanisme: une affaire d'élégance

du pardon

doute
donner recevoir
ironie
justesse

diableries

diableries suite

qu'est-ce ceci : haïr ?

grâce    
cloisons à éviter
 
goûter le silence

Etre au service tout en restant libre

Nourrir l'amitié jamais l'indifférence

Etre prudent sans rien perdre de sa force d'âme

gratitude

différence  

chercher

liberté : obéir ou servir

écoute  

philosopher : un geste moral

loi

empathie  

prudence plutôt que scepticisme

 

sexualité

sagesse

 

 
entre silence et parole
    devenir

Rester humble et jamais arrogant

Etre généreux et surtout jamais âpre

Rester juste et fuir la démesure

finitude

franchise et sincérité

entre intensité et prudence

moi

foi ou crédulité

mensonge
être source ?
partage
fissure
témoigner
refuser la déchéance
vicariat

 

 

 

choisir c'est d'abord voir distinctement ; éprouver examiner ; le latin dit trier

Du b. lat. tritare « broyer » vies. (Oribase, Syn., 8.29 ds Souter Later Latin), att. en lat. médiév. xiies. (Domniz., Vit. Math., c. 973 C ds Blaise Latin. Med. Aev.); formé sur le lat. class. tritum, supin de terere « frotter » en partic. « frotter de manière à enlever la balle; battre le blé ».

ne pas prendre les choses au sérieux - de lhumour

mais intituler celui-ci de la légèreté fff

 

 

élégance de l'image

image de l'élégance

élégance de la légèreté

n second texte : légèreté de l'élégance

 

1)

Il y a quelque chose d’exaltant malgré tout dans cette constatation que c’est toujours une idée, cette force la plus immatérielle qui soit sur terre, qui arrive à réaliser de tels miracles de suggestion, et l’on serait facilement amené à admirer et à glorifier ces grands séducteurs d’avoir réussi ainsi à transformer à l’aide de l’esprit la matière grossière. Malheureusement ces idéalistes et utopistes se démasquent presque toujours au lendemain de leur victoire comme les pires ennemis de l’intelligence. Car la puissance pousse à la toute-puissance, la victoire à l’abus de la victoire ; au lieu de se contenter d’avoir gagné à leur folie personnelle tant d’hommes prêts à vivre et même à mourir pour elle, ces conquistadors se laissent tous aller à la tentation de transformer la majorité en totalité et de vouloir aussi imposer leur dogme aux sans-parti. Ils n’ont pas assez de leurs courtisans, de leurs satellites, de leurs créatures, des éternels suiveurs de tout mouvement, ils voudraient encore que les hommes libres, les rares esprits indépendants se fissent leurs glorificateurs et leurs valets, et ils se mettent à dénoncer toute opinion divergente comme un crime d’État. Éternellement se vérifie cette malédiction de toutes les idéologies religieuses et politiques qu’elles dégénèrent en tyrannies dès qu’elles se transforment en dictatures. Mais dès qu’un homme ne se fie plus à la force immanente de sa vérité et fait appel à la violence brutale, il déclare la guerre à la liberté humaine. Quelle que soit l’idée dont il s’agisse, à partir du moment où elle recourt à la terreur pour uniformiser et réglementer d’autres convictions, elle n’est plus idéal mais brutalité. Même la plus pure vérité, quand on l’impose par la violence, devient un péché contre l’esprit.

S Zweig, Conscience contre violence p 4

 

ttt