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la « pierre des fièvres » ou « pierre des apparitions »

 

Elle était là, plat-ventre sur la pierre au vu et su des autres qui semblaient attendre leur tour et que l'allongée cédât la place. Elle était venue de loin pour s'étendre ici sur cette pierre qui a la réputation, depuis si longtemps, d'attirer sur soi l'attention de la Vierge et de soigner sinon les maladies graves au moins d'écarter de sa route les avanies ordinaires d'une vie sans faste ni gloire.

Je ne suis pas certain d'apprécier ce type de démonstrations ; convaincu plutôt du contraire tant elles me semblent presque indécentes. Sont-ce les ultimes rémanences d'une éducation si pudique qu'elle s'entichait sinon d'interdire en tout cas de réduire l'expression de ses sentiments aux signes les plus discrets, a fortiori quand il se fut agi de ce tremblement de l'intimité que peut être la foi, je ne sais mais je réalise que depuis toujours en tout cas ces tapages publics, des processions sous les incantations modulées du Christ notre Roi aux prières à l'humilité méticuleusement mesurée m'indisposent au point d'y suspecter cauteleuse félonie.

Voici chose étrange que la foi qui parait toujours un peu trop ridicule mais niaise surtout au regard de qui ne l'éprouve pas, au même titre d'ailleurs que toute émotion intime. Etrange parce que la foi, avant de signifier la confiance en Dieu voire la croyance dans les enseignements de l’Église, est vieux mot latin disant tout autant la fidélité que la confiance, l'engagement et donc le serment sans lequel aucune vérité ne saurait tenir au réel.

Choses étranges tout autant que ces légendes - littéralement ce qui doit être lu - qui ne sont pas exactement des mythes mais pas non plus de simples histoires, où le merveilleux entourant le parcours des saintes et saints, d'autant plus opaque mais insistant qu'il se produisit en des temps archaïques, non seulement ne trouble pas la gravité du récit mais le constitue au contraire.

Sans doute devrai-je y revenir : après tout celui qui a la foi on le nomme un fidèle ou un croyant quand on reconnaît la légitimité de sa foi ; crédule voire superstitieux dans le cas contraire. N'est-ce pour autant qu'une question de posture, de point de vue ? Les deux s'équivalent-ils vraiment sitôt que l'on se déplace, ne serait-ce que d'un infime millimètre ? Je me refuse à le croire mais ne puis m'empêcher de constater que plus souvent reconnaissance et engagement cèdent le pas devant la sollicitation ou l'appel à l'aide comme si le divin n'était qu'officine secourable ne se justifiant que par nos besoins et nos suppliques incessantes. Qu'attend-elle cette femme, allongée moins en prière qu'en quête d'une indicible force tapie dans la rugueuse noirceur de la pierre, prompte à tous les lectisternes et autres agapes démesurées pour cette offrande qu'on lui accorderait ? mais d'elle, quel geste espérer ? quelle générosité escompter ? quel effort même seulement esquissé ?

Bien sûr, il suffit de parcourir le pays pour sentir combien cette foi montante sut autrefois bomber les torses et bander assez les muscles pour que chacun empoignât outil et pierre et essaimât chaque village d'une église, d'une basilique ou d'une cathédrale ; d'un couvent ou même seulement d'une chapelle.

Est-il aujourd'hui une seule croyance qui se voudrait moderne et rationnelle pouvant s'enorgueillir de tant d'édifices, monuments et sanctuaires ? Evidemment non ! J'ai détesté en son temps le débat ridicule et malsain sur les prétendues origines chrétiennes de l'Europe et, notamment, de la France. Mais comment nier la vigueur et l'acharnement de cette longue chaîne de croyants qui surent habiller leur espace et orner leurs jours des couleurs de leur foi ?

Ainsi, ici, au Puy en Velay.

Sur ces lieux d'un antique miracle, la Sainte Vierge serait apparue pour qu'on y construisît un sanctuaire. La légende veut ainsi qu'une veuve, en ce IIIe siècle si reculé qu'il en disputait encore la gloire d'entre Rome et la foi déjà intrépide mais encore aventureuse et les ultimes obstinations druidiques, qu'une veuve donc, atteinte de grave fièvre quarte vînt sur ordre de la Vierge qui venait de lui apparaître de se coucher sur une pierre provenant sans doute d'un dolmen dont elle servait de table. Le premier évêque du Velay vint sur les lieux . Il arriva en plein juillet et, pourtant, s'aperçut que la dalle était entièrement recouverte de neige sur laquelle un cerf en s'enfuyant aurait miraculeusement tracé les plan d'un sanctuaire. L'évêque, dit-on, fit entourer ce dessin, pour le protéger, d'une haie d'épines sèches. Second miracle, le lendemain elle était fleurie.

Bien plus tard, serait ce parce qu'on n'honora pas alors la promesse faite à la Vierge ? - une autre guérison se produisit, presque identique : un paralytique s'étendit sur la pierre, et soudainement put se relever ; la Vierge renouvela son souhait mais cette fois les choses allèrent plus loin. L'évêque se rendit à Rome et obtint du pape de construire sur les lieux de ces miracles une basilique et, même, de transférer sur cette colline sacrée le siège épiscopal. L'édifice achevé, il se rendit à nouveau à Rome pour obtenir la consécration de la basilique lorsque lui et son adjoint furent accostés par deux vieillards qui leur enjoignirent de revenir sur leurs pas non sans leur avoir confiés nombreuses reliques. Nous vous précéderons et nous occuperons de tout leur dirent-ils. A leur arrivée ils découvrirent leur église auréolée d'une invraisemblable lumière et les cloches résonnant comme agitées par des êtres invisibles. Sans nul doute cette église qui précéda la cathédrale fut-elle l'œuvre des anges …

Les autres, car ne s'agglutinaient ici que des femmes, patientaient, attendant leur tour de s'étendre en position extatique, avaient rédigé des mots très courts sur des papiers pliés en quatre qu'elles glisseraient sous la pierre et sur lesquels sans doute elles auront consigné quelque supplique, quelque espérance ; le désespoir de leur souffrance. Indifférentes à la beauté des lieux, à la litanie lente et inépuisable des célébrations et dévotions qui prirent place ici, elle ne se bousculent que pour mieux flaisser leur petit ego empiéter les impatiences égotistes des autres.

Est-ce bien ceci prier : se pousser du coude au comptoir des libéralités extatiques ?

Préambule

Doutes et ambitions

Solidarité

Réciprocité

Pesanteur et grâce

De la connaissance

Aimer et surtout ne jamais haïr

Rester élégant et jamais vulgaire

 

savoir écouter

savoir parler

Qu'est-ce cela : aimer ?

Trois histoires pour commencer

Révélation

histoires d'insoumises

histoires d'abandons

 

élégance   :

l'éloge de la gratuité  

élégance de l'image

images de l'élégance

élégance de la légèreté

pesanteur de la vulgarité

légèreté de l'élégance

de deo : in solido

l'impensable silence

 

bienveillance

humanisme: une affaire d'élégance

du pardon

doute
donner recevoir
ironie
justesse

diableries

diableries suite

qu'est-ce ceci : haïr ?

grâce    
cloisons à éviter
 
goûter le silence

Etre au service tout en restant libre

Nourrir l'amitié jamais l'indifférence

Etre prudent sans rien perdre de sa force d'âme

gratitude

différence  

chercher

liberté : obéir ou servir

écoute  

philosopher : un geste moral

loi

empathie  

prudence plutôt que scepticisme

 

sexualité

sagesse

 

 
entre silence et parole
    devenir

Rester humble et jamais arrogant

Etre généreux et surtout jamais âpre

Rester juste et fuir la démesure

finitude

franchise et sincérité

entre intensité et prudence

moi

foi ou crédulité

mensonge
être source ?
partage
fissure
témoigner
refuser la déchéance
vicariat