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Curieux livre que celui-ci que j'entreprends pour les miens, mes filles, mes petits-enfants, qui, néanmoins, va fouailler dans les entrailles de ces origines pourtant impossibles à excaver. Si rétives à se donner. C'est un livre rêvé parce que nul être tenant une plume ne pourra jamais ambitionner d'en écrire d'autre. Brosser un paysage intérieur qui s'étire des origines à la fin … juste avant que la main ne cède. C'est simplement écrire - décrire et raconter mais surtout pas expliquer - l'étoffe dont on se déchire ; le tissu qui nous relie au monde. Rien d'exemplaire ici ; juste de tout petits exemples. Mais la joie intense de faire revivre deux êtres à qui je dois tout et qui, encore, me font trouver la vie belle. Ecrire un tel livre c'est seulement laisser l'âme glisser le long des berges

1- rendre grâce II- bredouillements III- Absence IV-Présences V- Présence absolue VI- nombre du mouvement VII- terres et chemins VIII- grâces IX- de l'amour X- ne pas pleurer
A) Ce qui silencieusement se transmet B) La musique :
le chuchotis de l'être
être d'un instant, d'une musique être libre C) La vue paysages qui fuient D) Le toucher intimité des tissus qui se froissent frôlements du silence E) Le goût
du goût


avoir du goût

F) L'dodorat
XI-transmettre XII- de l'humilité XIII - de la pudeur XIV - écarter la violence XV de la gratitude XVI de la fidélité XVII - de la tolérance XVIII- de l'honnêteté XIX - de l'humour XX- de la tempérance

 

Transmettre

Question que je me suis souvent posée, à quoi je n'ai pas tant de réponse finalement. Sans doute la dois-je à une culture hantée par la nécessité de transmission - seule condition non tant de sa survie que de sa perpétuation. Sa survie, elle l'a crue détenir de la promesse originaire : assurément, sinon ici et maintenant, au moins pour l'éternité de la mémoire, l'élection a eu lieu qui mérite d'être célébrée et dont le souvenir doit être consacré. Mais sa perpétuation, elle, ne dépend d'aucune puissance céleste, ni de hasard et encore moins de la fatalité : elle est œuvre, sans cesse à recommencer ; de génération à génération. Et la gloire des mères comme des pères.

Nul n'en a le monopole ni personne le véritable savoir.

Je me suis souvent demandé ce que j’avais transmis à mes filles : d'en parler à l'occasion, je le devine à peu près mais demeure surpris. Jamais je ne leur fis la leçon, encore moins la morale - comme on dit.

Serait-il possible que ces choses à quoi l'on tient tant, ces valeurs qui nous importent parce qu'effectivement elle pèsent, ne s'instillent pas en nos âmes par les mots toujours trop sentencieux dont nous les revêtons, mais par des silences, des gestes ?

Des moments ?

J'ai longtemps craint d'avoir, à leur égard, manqué par trop à mes devoirs. Sans doute fut-ce un peu le cas - qui peut se prévaloir de n'avoir jamais défailli, par négligence, erreur, doute ou paresse ? Pourtant, à les entendre, je reconnais l'essentiel de ce qui m'importe et m'émeut parfois de le deviner à son tour offert à la génération suivante.

Il y va ici comme de la portée où chaque note à la fois porte et efface celle qui l'aura précédé et s'obsède d'ouvrir voix et chant à la suivante.

Et dans le père que je m'inquiète d'avoir été, comme une trop rapide croche, je retrouve le lointain écho du père que tu auras été; de la mère dont la parole tinte encore en mon âme.

Quelles sont ces enseignements que de vous je reçus en héritage et dont, témoin à passer où marque en mon âme qu'importe, je veux ici faire écho.

Comment enfin, ne pas songer ici à cette pauvre nymphe qui fut punie par Héra, d'avoir par son bavardage incessant empêché la déesse de mieux surveiller son infidèle d'époux : condamnée à répéter les derniers mots qu'elle aura entendus !!

Hegel fait remarquer quelque part que, dans l’histoire universelle, les grands faits et les grands personnages se produisent, pour ainsi dire, deux fois. Il a oublié d’ajouter : la première fois comme tragédie, la seconde comme farce. Caussidière et Danton, Louis Blanc et Robespierre, la Montagne de 1848-1851 et la Montagne de 1793-1795, le neveu et l’oncle.
Le 18 brumaire de Louis Bonaparte (1853), Karl Marx.

Marx s'amusait à considérer que l'histoire ne repassait jamais les plats ou, si d’aventure elle le faisait, ce serait toujours sous forme de comédie, voire de farce.

A bien y songer je ne suis pas convaincu que ceci s'applique à chacun de nous. Car, à l'instar d’Écho, que savons-nous faire, que n'avons-nous cessé de bégayer, sinon répéter, plus ou moins mal, en y rajoutant notre toute petite marque bientôt effacée, ce que nos parents et donc, de loin en loin, nos ancêtres nous ont appris.

Qui dira jamais combien nous hante cette tragique doublure à quoi nous nous condamnons, qui est la seule opportunité de jamais rien savoir mais aussi la menace renouvelée de toutes les violences ; cette épuisante répétition qui tronque tout, vie, amours et ferveur mais nous permet au gré de notre histoire, de nous construire un passé et offrir un avenir ?

Le XIXe aura tenté de tout aplatir ; il détruisit beaucoup mais n'y parvint pas. Marx se sera contenté de proclamer, du haut de sa suffisance dialectique que valeurs et idées n'étaient jamais que le résultat imparfaitement fidèle des contradictions de nos infrastructures économiques puis sociales. Freud, comme pour mieux lui faire écho, justifiera que notre conscience idéologique et morale, le Sur-Moi, résulte de l'intériorisation des interdits extérieurs.

Ce que nous portons et transmettons vient de bien plus loin.

Ce que je vous dois et aurai maladroitement tenté de répéter vient de bien plus profond ; de bien plus haut.