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Curieux livre que celui-ci que j'entreprends pour les miens, mes filles, mes petits-enfants, qui, néanmoins, va fouailler dans les entrailles de ces origines pourtant impossibles à excaver. Si rétives à se donner. C'est un livre rêvé parce que nul être tenant une plume ne pourra jamais ambitionner d'en écrire d'autre. Brosser un paysage intérieur qui s'étire des origines à la fin … juste avant que la main ne cède. C'est simplement écrire - décrire et raconter mais surtout pas expliquer - l'étoffe dont on se déchire ; le tissu qui nous relie au monde. Rien d'exemplaire ici ; juste de tout petits exemples. Mais la joie intense de faire revivre deux êtres à qui je dois tout et qui, encore, me font trouver la vie belle. Ecrire un tel livre c'est seulement laisser l'âme glisser le long des berges

1- rendre grâce II- bredouillements III- Absence IV-Présences V- Présence absolue VI- nombre du mouvement VII- terres et chemins VIII- grâces IX- de l'amour X- ne pas pleurer
A) Ce qui silencieusement se transmet B) La musique :
le chuchotis de l'être
être d'un instant, d'une musique être libre C) La vue paysages qui fuient D) Le toucher intimité des tissus qui se froissent frôlements du silence E) Le goût
du goût


avoir du goût

F) L'dodorat
XI-transmettre XII- de l'humilité XIII - de la pudeur XIV - écarter la violence XV de la gratitude XVI de la fidélité XVII - de la tolérance XVIII- de l'honnêteté XIX - de l'humour XX- de la tempérance

 

Pleurer

Pleurer sa mère, c'est pleurer son enfance. L'homme veut son enfance, veut la ravoir, et s'il aime davantage sa mère à mesure qu'il avance en âge, c'est parce que sa mère, c'est son enfance. J'ai été un enfant, je ne le suis plus et je n'en reviens pas.
Cohen

Suis-je un monstre ? Je ne le crois pas. Je ne pleure pas ma mère, non plus que mon père. Ils me manquent bien un peu. Il m'arrive bien encore d'avoir le réflexe de vouloir leur demander quelque chose, conseil ou renseignement. Mais les pleurer non. J'ai toujours leur numéro de téléphone dans mon répertoire et ne parviens à l'effacer ; le supprimer me donnerait l'impression de les faire mourir une seconde fois. J'ai toujours sur l'écran d'accueil de mon ordinateur cette photo d'eux que j'aime tant. Ils sont là encore et je ne les pleure pas.

Il y a, dans ces lignes de Cohen, quelque chose qui me gêne. Cette dimension incroyablementt égocentrée de cet amour filial. Qui ramène la mère au rôle permanent de serviteur indéfectible et le fils à celui du petit potentat tyrannique. Je comprends mieux son engeance affreuse !

Ô bien sûr, avec l'âge remonte l'enfance et donc les souvenirs ; et ainsi l'image de la mère. Mais y penser n'est pas pleurer. Ni rien en tout cas regretter. Ni une hypothétique innocence perdue ni le confort d'une existence cotonneuse : pour heureuse qu'elle puisse être parfois, l'enfance est toujours épuisante aventure.

Y penser c'est retrouver la tiédeur d'un regard toujours bienveillant ; c'est retrouver la quiétude de cette curieuse alchimie qui permet que toujours, aux petits malheurs comme aux grandes souffrances, il est une présence qui s'interpose, éteint les animosités, évide les querelles ; interdit aux cycle des rancœurs de dévider son infernale fatalité.

Si je devais pleurer ce serait de regret seulement : n'avoir pas été à la hauteur de cette présence-là. Me poser la question aujourd'hui me suggère en tout cas de n'y avoir pas été totalement indigne. L'idée en tout cas me rassurerait.

Sans doute ne cessons-nous jamais toutefois d'être cet enfant qu'on nous appelle à redevenir : il nous le faudrait toutefois assez pour savoir transmettre un peu de cette quiétude à nos propres enfants.

J'ai pleuré pourtant, à chacun de vos deux enterrements comme si par bouffée l'émotion me submergeait. C'est ainsi, de la même manière, par surprise, que me vinrent les larmes à la naissance de mes trois filles. J'y vois un signe.

L'hommage que nos maladroites errances rendent à l'être ; la certitudequ'il n'est pas d'autre chemin que de tenter être un jour à la hauteur de la générosité qui avait ici éclôt.

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