Elysées 2012

L'émission en quelques mots

Transcendance

Le mot n'a pas été prononcé par Hollande mais par la journaliste à qui il acquiesce en évoquant la légitimation par l'élection.

Tout l'esprit de la Ve parce qu'effectivement c'est l'émergence de ce que de Gaulle nommait l'émergence de la majorité nationale, et son dialogue, par dessus les partis avec un président dès lors présenté à la fois comme un arbitre et un guide qui s'oppose radicalement avec la conception plus jacobine, plus traditionnellement de gauche mais plus généralement parlementaire de l'exercice de la démocratie où la souveraineté du peuple, ne se pouvant exercer directement, le fait par le biais des intermédiaires que sont les associations, les syndicats, les partis etc.

Inévitablement la Ve produit, ou croit produire, des êtres d'exception, au charisme fort, qui centralisent le pouvoir, à moins qu'ils ne le monopolisent, des êtres qui se supposent invariablement investis d'on ne sait quelle transcendance dont ils s'imaginent bientôt l'incarnation, quand, de l'autre côté, une conception plus républicaine se veut produire d'honnêtes courtiers, des intermédiaires qui à la fois prennent en charge la parole publique et propose au souverain des directions, des projets, des principes.

Au fond, tout se joue dans l'idée même que l'on se fait de ce souverain qui, pour la Ve devient le président qui monopolisera le pouvoir, quand pour un républicain il ne cesse jamais d'être le peuple, en acte et parole.

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C'est bien ici le sens du refus que Mendès adressera à la logique de la constitution de 58, qui lui fera refuser à la fois de la voter en 58, ou de se présenter aux présidentielles que ce soit en 65, 69 ou même 74. Il faut réentendre ses arguments d'il y a trente cinq ans déjà mais qui conservent tout leur sens car derrière le refus obstiné, qui ne manque pas de grandeur et d'élégance, il y a peut-être la clé pour comprendre la focalisation actuelle.

En 1977, un an après la démission de Chirac, on se trouve dans cette situation exacte de crise déjà évoquée où Giscard d'Estaing n'ayant pas véritablement de majorité parlementaire puisque le RPR y domine, guidé par un Chirac déterminé à en découdre et qui mène la vie dure au gouvernement Barre ; un an avant une législative dont tous les sondages indiquent que la gauche pourrait les gagner mettant Giscard devant une situation éventuelle de cohabitation alors inédite et pour tout dire impossible selon les canons de lecture constitutionnelle d'alors. C'est bien à ceci que Mendès fait allusion lorsqu'il fustige une constitution qui ne marche pas.

Pour Mendès la chose est claire : s'appelle dictature tout système où le pouvoir est détenu, exercé par un seul à qui l'on donnerait un blanc-seing, à qui l'on obéirait sans retour, ni sans réel contre-pouvoir. A l'encontre de tout système républicain où l'homme politique s'efforce de relayer la parole du souverain populaire en même temps qu'il lui propose des objectifs, des projets et parfois même des limites ou des refus. Il semble assez clair dans cette perspective que la Ve ne peut fonctionner sans cette mégalomanie charismatique que nous avons déjà relevée quand la démarche parlementaire, avec toute la difficulté qui tient à la nécessité du débat et donc de la transaction , fait plutôt appel à des personnages assurément plus humbles, moins autoritaires, plus falots parfois sans doute, dont on attend moins qu'ils soient hors normes qu'ils ne soient fidèles à leurs principes et attachés à la décision collective. Assurément, Mélenchon ne se trompe pas quand il fait référence à Cincinnatus plutôt qu'à ces caciques faisant carrière longue et tentant de s'accrocher au pouvoir.

En réalité l'hyper-présidence de Sarkozy n'est que l'aboutissement de cette monopolisation du pouvoir inscrite dans l'esprit de la constitution de 58. Que le corps électoral ait jugé bon - et possible - de confier la totalité du pouvoir à un De Gaulle en 58, vu la gravité de la crise algérienne et l'effondrement de la IVe se comprend historiquement autant que le refus par principe que Mendès lui opposa. Mais s'il est vrai que dès le débuts les chroniqueurs du Monde s'interrogèrent et se demandèrent si cette constitution allait pouvoir lui survivre tant il semblait qu'elle fût uniquement taillée à sa mesure, ou qu'un Pompidou irait s'acharnant à inscrire la prééminence présidentielle dans le temps, il n'en reste pas moins que l'histoire allait démontrer qu'effectivement cette constitution ne peut fonctionner qu'à la condition de l'hyperbole présidentielle. Un Mitterrand l'avait bien senti qui avait surjoué son rôle, sa place et son habileté politique supposée mais en réalité il aura été l'arbre qui cache la forêt. En réalité, tout dans cette constitution pousse à la monopolisation du pouvoir et tout amène un président à concentrer sur sa tête la totalité des pouvoirs, à en défausser le parlement puis progressivement le gouvernement quitte à constituer comme l'aura fait Sarkozy avec son armée de conseillers, un gouvernement bis à l'Elysée.

Et gare si le président élu n'était qu'un homme ordinaire, dénué de ces talents exceptionnels que l'on évoque ! Alors le système se grippe ! bloque.

Que Sarkozy, légitimé en cela par la relative passivité de Chirac, ait joué à plein l'activisme ou si l'on préfère la volonté politique est évident ; que sa manière de le faire, tapageuse, souvent vulgaire, terriblement provocatrice et quelque fois obscène ait choqué l'électorat au point de le retourner contre lui de manière apparemment durable est patent mais ne doit pas cacher l'essentiel. La manière, autocratique, dont Sarkozy a exercé le pouvoir durant son quinquennat demeure dans la logique des institutions . Avec tous les risques de dérapage que ceci comporte.

Un chroniqueur faisait sur France Culture référence à ces présidents qui nous ont fait perdre notre temps : il serait sans doute cruel de les nommer mais dans la série des six présidents qui se sont succédé, force est de constater que toutes les présidences ratées ou médiocres furent toutes celles d'hommes ordinaires qui ne disposaient ni de l'autorité ni de la volonté nécessaire pour imprimer leur marque : Pompidou s'était qu'un conservateur soucieux surtout de maintenir mais sans réelle vision ; Giscard tellement engoncé dans la certitude de la supériorité de son expertise régna, tout juste limité par l'animosité du RPR ; Chirac ne sut que faire de ce pouvoir qu'il avait mis tant de peine à conquérir. ...

En réalité Sarkozy est la vérité cruelle de nos institutions - la brusquerie vulgaire en plus. On avait cru avoir César ; on n'eut que Néron ! mais ce ne fut que la mise en évidence cruelle de la vérité monarchique de ces institutions.

On écrit parfois que cette nation qui a guillotiné son Roi ne s'en serait jamais remise : il n'est pas faux qu'elle aime les fastes monarchiques chez les autres et qu'il n'est pas nécessairement un hasard qu'elle se soit donné une constitution passablement monarchique. Toute la question reste ici : la vague de fond que l'on sent monter vise-t-elle seulement la manière dont Sarkozy aura exercé ce monopole de pouvoir, ou ce monopole lui-même ? Dans le premier cas, un changement pourvoira provisoirement au calme ; dans le second ce serait effectivement les jours de la constitution telle qu'elle fonctionne qui seraient comptés. Hollande en appelle a un toilettage, d'ailleurs imprécis, qui redonnerait au parlement son lustre : les précédentes réformes et intentions parfois bonnes auront montré que le code génétique de cette constitution était bien plus résistant qu'on ne le pensait et que sans doute ce ne serait pas suffisant.

Où se joue derechef l'étiage de la radicalisation dont nous avons déjà indiqué qu'elle risquait fort d'être la grande surprise de ces élections.

Représentation


logiques de campagne

sur la finance

exceptionnel

construction du personnage

arrogance

rassemblement

Mendès et la Ve

l'armure

du rêve et du pessimisme