Elysées 2012

Des mots ....

Accoyer prévoit pour la France des conséquences comparables à celles d'une guerre ; Estrosi qualifie le Fouquet's de brasserie populaire. Copé qui au sujet de la riposte au PS de l'UMP affirme que chez nous, c'est massacre à la tronçonneuse. Morano qualifie Hollande d'homme dangereux.

A côté Hollande qui dévoile son slogan :le changement c'est maintenant ! Un candidat socialiste qui semble d'ailleurs hésiter entre une réponse systématique aux attaques mais qui a l'inconvénient de laisser l'initiative au camp adverse, et une prise de hauteur qui aurait l'inconvénient de laisser les attaques sans réponse.

Ne pas se leurrer, ces polémiques faciles, pas toujours de bon ton, rarement pertinentes, peu souvent d'un grand niveau ni intellectuel ni politique, font
évidemment partie de la joute électorale. A sa manière l'électorat à la fois les attend et les désapprouve. Qu'elles viennent orner un débat politique et lui donner du piquant est la loi du genre ; qu'elles prennent toute la place au point qu'on n'y entende plus qu'elles serait désastreux et entraînerait invariablement le recul de l'électorat et, sans doute, une hausse de l'abstention. Parce qu'après tout il s'y agit quand même de la Nation, et, surtout, d'une Nation en crise grave, et que l'électorat attend aussi que l'électorat sache dépasser les clivages partisans pour proposer des lignes claires sur ce qu'ils entendent de l'intérêt général ou, comme on écrit parfois, de l'intérêt supérieur de la nation.

De ce point de vue, il serait temps que sortent désormais des programmes clairs, des propositions lisibles. Il vaudrait mieux aussi que le paysage s'éclaire et, à ce titre, que Sarkozy ne tarde pas trop à se déclarer : aujourd'hui face aux propositions pas toujours claires de Hollande, il y a des initiatives gouvernementales, des réformes de dernières minutes où l'on peut effectivement voir la patte du président-candidat qui joue de la corde président jusqu'au bout, ce qui est difficilement contestable, mais qui confronte pourtant des éléments qui ,e sont pas de même nature et fausse le débat.

Restent alors ces petites phrases assassines ou ces slogans ... creux !

Des slogans

Le changement c'est maintenant on peut difficilement faire plus vide. Certes, c'est une manière de monopoliser le terme changement mais tout candidat à l'alternance ne le suppose-t-il pas d'emblée. Ce slogan est tautologie ... et ne dit rien ! A tout prendre celui de Mélenchon a-t-il le mérite de dire l'essentiel de son message : que les électeurs sont les acteurs de ce changement et que c'est à eux de le prendre en charge - et non à la classe politique de le mener à leur place.

Ce n'est pas être grand clerc que d'affirmer qu'un slogan ne fait pas une campagne et ne suffit pas à la réussite de celle-ci : ce n'est qu'après coup que l'on pourra dire, comme pour n'importe quel événement historique, qu'il aura contribué à la réussite ou plombé celle-ci. En réalité un slogan vaut dans la mesure où il synthétise en peu de mots à la fois les attentes de l'électorat et l'équilibre politique du moment. Les enquêtes du moment continuent à dire que le rejet du président sortant demeure puissant, mais c'est ici un point négatif qui ne peut constituer ni un slogan ni un programme pour personne. Le seul intérêt visible de ce slogan reste qu'il soit indéfiniment déclinable demain en X c'est maintenant où le candidat pourra au fil de l'eau mettre en avant le thème qui lui semblera opportun justice, jeunesse etc . Si tel devait être le cas il y aurait au moins cohérence entre le programme dont on dit qu'il se dévoilera progressivement et de fera pas l'objet d'un document sanctuarisé.

Du côté de Sarkozy rien encore, puisqu'il n'est pas candidat encore déclaré mais on voit en tout cas la distribution des rôles dès à présent en marche : au parti la critique systématique de l'opposition ; au président-candidat l'action, l'initiative.

Le risque c'est le syndrome Giscard fût-il à l'envers. A l'envers parce qu'en 81 il aura été donné longtemps gagnant au contraire d'un Sarkozy donné perdant depuis plus d'un an par les enquêtes ; mais situation plutôt ressemblante en ceci que, replié sur l'exercice du pouvoir, se voulant au-dessus de la mêlée, il risque aussi tel Giscard en 81 de s'enfermer dans une logique tour d'ivoire qui l'empêchera au moment de sa déclaration de rassembler autour de lui parce que l'opinion se serait déjà cristallisée contre lui, voire autour d'un autre. (1)

Il semblerait d'ailleurs que Bayrou ait choisi le sien : un pays uni rien ne lui résiste !

Un slogan n'est pas une formule magique ! il n'est pas non plus une stratégie marketing - en tout cas ne s'y réduit pas.

Il en va sans doute ici comme en littérature : comment, avec une économie de moyens, avec ce quelque chose qui se nomme épure (2), on trouve à force de travail, d'épuisement parfois, le juste équilibre où le mot presque miraculeusement revêt cette force évocatrice.

Un slogan est vivant quand le Verbe se fait chair (Jn, 1, 14)... on verra.

Ce qui se pense désormais sous le terme de cristallisation qui fait précisément entendre le moment où le slogan résonne ... ou tombe à plat !

 

 


1) lire article de Thomas Wieder Quand se joue l'élection ?parue dans le Monde du 12 Janvier

2) il me plait de rappeler que Marguerite Yourcenar pratiquait avant la lettre le copier/coller. Ses manuscrit étaient toujours très longs et c'est en deuxième lieu qu'avec ciseau et colle elle coupait cela seul qu'elle estimait devoir constituer le texte final.