Elysées 2012

Fond/Forme ...

La messe est dite : décidément la course a bel et bien démarré. Et c'est à ce moment précis, curieusement, que chacun dans le monde de la presse, s'interroge sur les stratégies adoptées par les uns et les autres. Il faut dire qu'elles sont sinon étranges, du moins furieusement paradoxales au point qu'on puisse légitimement se demander si chacun ne navigue pas à contre-vent, ne joue pas à contre-emploi. Sarkozy surjoue la rapidité et l'empressement à faire adopter d'ultimes réformes de fond (TVA sociale, notamment ) quand son statut de président sortant voudrait qu'il s'assagît, prît de la hauteur ou attendît en tout cas que son adversaire sorte du bois. A l'inverse, Hollande ménage ses effets, fait annoncer qu'il n'y aura pas de programme solennel, que les propositions seront distillées tard et au gré de la campagne quand sa position d'opposant voudrait qu'au delà de la critique du sortant il opposât un programme précis, un contrat. Bayrou fait de même qui se contente de se payer sur la crise pour annoncer qu'il ne fera pas de miracles et donc de promesses hormis celle de l'effort indispensable et mise sur la détestation publique que Sarkozy inspire.

Certes, la campagne commence seulement mais tous ont eu largement le temps de peaufiner leurs stratégies : il faut donc bien supposer que ceci est volontaire sinon calculé.

Tactique ou stratégie ?

Mais potentiellement dangereux !

Dangereux, une première fois parce que c'est risquer de laisser le champ libre à M Le Pen qui est la seule à annoncer pour la fin janvier un programme détaillé et chiffré.

Dangereux une seconde fois parce que ce serait donner l'impression à l'électorat qu'en réalité les différents candidats s'équivalent par leur absence de programme et leur seule ambition ouvrant ici encore un angle d'attaque précieux à Le Pen et à son UMPS, ou un boulevard à l'abstention - ce qui n'est guère mieux.

Dangereux une troisième fois parce qu'il offre l'illusion que la forme prime sur le fond !

Nous avons tous appris, et répété, pour y croire ardemment, pour en être convaincu au delà) de toute analyse structurale, combien fond et forme étaient liés et que les deux entretenaient sinon une relation dialectique en tout cas une inter-action de type feed-back. C'est d'ailleurs toute l'ambiguité du travail des journalistes politiques qui, férus d'analyses de discours, de décryptages stratégiques finissent bien par souffrir eux-mêmes de la position qu'institutionnellement ils occupent : à force de vouloir révéler le sens caché - et c'est bien ceci qu'étymologiquement décrypter signifie - n'oublient-ils pas à la fin le programme, les propositions, les contenus idéologiques dans leurs grilles d'analyse pour feindre à l'occasion de s'offusquer qu'il n'y en eût point ? ne finissent-ils pas, coincés par l'exigence du scoop et attentifs qu'ils se doivent de dénicher le bon client qui leur assurera l'audience, par privilégier systématiquement le clash, le petit scandale, le bon mot qui feront débats, polémiques et leur assureront une bonne petite semaine d'articles ? (1)

Petites questions de méthode

Mais n'est-ce pas aussi le risque de ce que nous tentons de faire ici : à la recherche de la cohérence des discours de campagne, ne cédons-nous pas aussi au danger de privilégier la trajectoire machiavélique et de sous-estimer le politique dont nous fustigions pourtant nous-mêmes l'invraisemblable déni ? Autre manière, au reste, de s'interroger sur l'objet même de l'analyse de discours : où s'arrête-t-elle ? où commence l'analyse politique ? il doit bien y avoir un champ où ces territoires se recoupent, passionnants ! périlleux. Il en va sans doute ici un peu comme en histoire où la trop grande proximité d'avec l'objet vous condamne à la subjectivité, où la distance trop amplement ménagée vous condamne à l'interprétation rétrospective ou à l'anachronisme : ce n'est pas tant une question d'objectivité ou de parti pris, mais bien plutôt, ici, le dilemme entre la raison de la ruse et la ruse de la raison. Entre une approche purement technicienne - au sens où l'analyse de discours serait celle des techniques, parfois très marketing, d'instillations de cohérences - et une approche purement idéologique, où philosophie, sociologie et histoire auraient leur part.

C'est sans doute pour ceci que nous aurons tenté, depuis le début, évidemment de nous épargner une approche partisane, mais surtout de recadrer via l'histoire et le rappel des présupposés idéologiques.

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Comment ne pas songer à la fois à cet acosmisme auquel nous serions condamnés selon Arendt - ce qu'elle vit très tôt - où justement reclus dans le seul diptyque production - consommation, l'homme moderne se verrait arraché au lien même qui d'une masse fait une collectivité pour le jeter dans une solitude menaçant jusqu'à son humanité même. Ce qu'elle nommeacosmisme.

Comment ne pas songer à la même quand elle affirme ne pas relever de la philosophie politique pour l'engagement impossible à ne pas mener, pour l'impossible neutralité depuis Platon, qui empêcherait toute recherche d'être résolument scientifique en tout cas philosophique et qui maintient une tension entre philosophie et politique. Quand même nous saurions que, contrairement à ce qu'estimait A Comte, ce soit toujours à l'intersection des différentes

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disciplines que se situent les territoires de recherche les plus féconds, il n'empêche que dès lors que l'on aborde le champ politique, toutes les contradictions vous explosent à la figure, qui ne sont pas seulement celles de la théorie et de l'action, non plus que celles de l'engagement ou de la neutralité et objectivité de la pensée, qui sont en réalité celles, plus lourdes, plus tragiques peut-être, qui vous condamnent à ne plus pouvoir parler au nom de l'humain, au même titre que n'importe quel homme, mais de ne le pouvoir que pour quelques uns au nom de quelques uns.

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Alors effectivement, ne reste que le risque à toujours tenter de la vie publique parce que, comme elle le dit il y aurait, en préalable, en condition absolument impérative, la confiance, non en tel ou tel, mais en ce qu'il y a d'humain dans l'homme. Je ne sache pas qu'il puisse y avoir de politique qui ne se fonde sur cet humanisme entendu de cette manière ; j'ai difficulté à considérer qu'il puisse y avoir d'ailleurs de philosophie autrement que fondée sur lui. Simplement, et tout l'enjeu réside en cela, il y a un tel lien entre cet acosmisme qui déconstruit l'homme, et le risque de la vie publique, que s'engager désormais revient en réalité à lutter contre cette tendance qui incline désormais à faire plus confiance aux choses qu'aux hommes - c'est l'autre nom que l'on pourrait accorder au technicisme, à la technocratie ambiante.

Dès lors, l'absence de référence idéologique, historique est à peu près aussi dangereuse du côté du citoyen, facilement bernable et enclin par d'égales pulsions concomitantes ou successives à se donner à quelque surhomme ou père protecteur que ce soit ou bien au contraire à tout rejeter d'un bloc au nom d'un tous pourris ou tous incapables qui sont le terrain de jeu privilégié de tous les tyrans potentiels.

Arendt a peut-être raison quand elle signale combien, derrière notre affectation à nous accrocher au déterminisme historique se cache peut-être simplement cet aveu que nous n'osons formuler : notre peur et qui plus est, notre peur d'avoir peur !

C'est pour cela, sans doute, que je n'aurai pas détester cette confidence d'humanité fragile dénichée chez Mélenchon

... et confidences ....

Celle de Mélenchon sur son blog qui souligne la dimension lessiveuse d'une campagne électorale et renvoie ainsi subrepticement autant à la métaphore du marathon qu'à celle que nous avons utilisée d'ascèse. J'aime assez que cet homme, qui sait et veut aussi parler du coeur, voir ses voeux - sache aussi à l'occasion ne pas s'escamoter derrière ses discours et avouer, par delà ses fatigues, son caractère ombrageux.

Qu'il paie cher ! Ses invectives contre les journalistes d'emblée lui assurent une très mauvaise couverture médiatique d'autant que les médias d'emblée peu enclins à relayer les futurs perdants pardonnent assez mal qu'on s'en prît à leurs corporations.

J'aime pourtant cette fragilité avouée, cette mise en danger assumée ...


1) voir à ce titre la médiocre polémique sur l'insulte présumée de Hollande à l'égard de Sarkozy


Quel début d’année ! Je n’arrive pas à réaliser que j’étais encore au repos des fêtes de fin d’année, dimanche dernier. Quelle secousse que ce rôle ! Quand à mon équipe de campagne elle souffre, elle aussi, sous le choc de l’effort à fournir si fort si vite et à une telle cadence. Certains ont à peine arrêté quelques jours. Il y a eu aussi quelques accidents de santé. Pour moi, c’est de nouveau peu de sommeil et une cavalcade qui fait d’une journée un parcours de saut d’obstacle. Cela ne me rend guère aimable, j’en conviens. Dans le monde normalisé de l’image souriante obligatoire je suis donc en danger quotidien de « buzz » négatif. D’autant que nous nous sommes interdit la méthode d’enfermement du candidat dans une bulle gardée par le service d’ordre et les cordes de confinement, comme le PS par exemple la pratique. Pour ne rien dire de Nicolas Sarkozy ! Je suis ainsi mis à vif par ma nature, et à cru par choix. La tension qui en résulte s’ajoute au reste de la fatigue et du stress. Dans cette ambiance, toutes les traditions de discipline et de cohésion de mon entourage s’avèrent tellement précieuses ! Moquées si souvent comme autant de symptômes d’esprit de clan, quand ce n’est pas de secte, elle fonctionne en réalité comme un esprit d’équipe de très haut niveau. Par contagion, de cercle en cercle toujours plus large, une belle machine militante se déploie, sans argent, sans logistique institutionnelle d’appui. Et sans verticalité puisque tout se met en place depuis chaque centre de campagne, au niveau local comme au niveau national.

Mélenchon


cette conférence de Myriam Revault d'Allonnes sur la perte du monde