Elysées 2012

Un titre ... une interview

Les marchés sont-ils contre la démocratie ? s'interroge, faussement naïf, en bandeau de Une, le Monde daté du 20 janvier pour annoncer une interview de l'économiste A Orléan, intitulée plutôt le marché gouverne - ce qui ne dit pas tout à fait la même chose.

Ici, une affirmation que tout l'entretien étaye et qui forme la thèse de l'économiste. Là un titre sous forme de question qui joue sur la sensation, voire la provocation comme pour mieux souligner l'insidieux ennemi et le docte rôle d'éclaireur que remplit dès lors le journal de bien vouloir révéler aux masses le danger qu'elles n'avaient pas vues ...

Ficelles du métier, bien sûr ; petits arrangements de com, évidemment !

Un sujet évident : et c'est tout le problème que sous-tend la technocratisation de notre vie politique. Qu'on le veuille ou non la finance est un moyen qui n'a de sens qu'en raison du but et ce but est la rentabilité, le retour sur investissement. Il en va de même finalement dans la vie de l'entreprise où l'on peut bien aisément entendre que la direction choisie, la stratégie déterminée quand bien même serait-elle le résultat de concertations, de négociations, n'en demeure pas moins le fait d'un décideur. La technique n'est pas affaire de liberté, mais d'efficacité ; pas plus qu'il n'est de liberté de conscience dans les sciences.

C'est bien tout le problème de la construction européenne, de cette gouvernance mondiale qui revient insidieusement, mais systématiquement, à confier la réalité du pouvoir à des techniciens, hauts fonctionnaires, des experts, qui pour compétents qu'ils puissent être, n'en sont pas pour autant élus. C'est la même logique, libérale, qui vise à déposséder l'état de toute réelle prérogative pour s'étonner avec une naïveté feinte de leur impuissance. C'est la même logique que celle, militaire et maurrassienne, qui veut bien entendre le peuple mais seulement pour le voir se soumettre au chef, au guide !

Non ! ce n'est pas que les marchés soient contre la démocratie, c'est plus simplement qu'ils lui sont totalement étrangers. Les marchés c'est une logique de la ruse, de la feinte, parfois de l'intox, c'est surtout la loi du plus fort et de l'écrasement des faibles.

Les marchés c'est le déni du politique. Tout simplement.

C'est que laisser les marchés déterminer la marche des sociétés revient ni plus ni moins à la plus formidable régression sociale, et démocratique jamais vue depuis 1789.