Elysées 2012

Etre de gauche

J'aime assez, à l'entendre, qu'il rappelle ne pas être d'extrême gauche,

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mais de gauche tout simplement. Il faut dire qu'en ces temps de désarroi et de libéralisme hégémonique, en ces temps de centrisation du PS qui donnent envie de ressortir les vieilles invectives de socio-traîtres, même n'être que de gauche paraît déjà à certains être extrémiste.

 

 

Dans ce qu'il nomme marqueurs de la gauche on trouve notamment :

- le primat du collectif sur l'individuel qui est bien ce que les trente dernières années aura systématiquement sapé. Où je vois l'enjeu de ces élections et la plus ou moins grande réussite de la tentative Mélenchon : s'il a raison en soulignant le grand mouvement de colère populaire en train de monter , ou bien en effet il s'agit d'une grande revendiquation à reprendre le pouvoir et à tenter d'imposer aux dirigeants un projet global, collectif où égalité et fraternité auraient leur part, ou bien, au contraire, il ne s'agit que d'un moment encore diffus de détestation centré contre la personne de Sarkozy mais ne poussant pas encore au terme de la radicalité jusqu'à la remise en question du capitalisme financier que le libéralisme aura installé. Mais alors, la candidature Mélenchon serait condamnée à un score médiocre, sans doute plus élevé que celui, confidentiel, du PC de 2007, mais pas beaucoup plus élevé que celui traditionnel du PC et de l'extrême gauche réunis. Mais alors ce serait au mieux les combinaisons PS-les Verts ou au pire PS/Modem qui l'emporteraient dans les préférences de l'électorat.

- la position claire vis-à-vis du FN : définitivement posé comme ennemi, mais surtout danger pour la république . Le rappel à l'histoire, ce rappel surtout, qu'en temps de grande

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montée brune, les partis traditionnels ont toujours défailli, n'est pas que de vaine et nostalgique invective jacobine. Rappeler le danger que représente le FN, surtout en cette période où il tente de se draper dans un costume de respectabilité bourgeoise que tout, de son histoire à ses membres dément, n'est pas hurler avec les loups non plus que hurler au loup pour affoler cyniquement les foules. La peste brune toujours monte en période de grave crise et il n'est qu'à se souvenir qu'après l'échec de coup d'état à Munich en 25, si la république de Weimar réussit à provisoirement endiguer la montée du nazisme, elle y échoua sitôt revenus les conséquences du krach de 29.
Le ventre est toujours fécond d'où surgit la bête immonde avait écrit B Brecht. Assurément ! Qu'à ce titre il soit légitime de s'inquiéter de la stratégie de l'UMP, de certains membres de l'UMP et jusqu'à la politique menée par le ministre de l'intérieur Guéant après Hortefeux ne fait aucin doute. Sarkozy avait, dit-on, siphonné en 2007, l'électorat de le Pen, mais ce fut au prix de contorsions programmatiques inquiétantes. Aujourd'hui, conq ans après, il faut bien admettre que cet électorat est toujours là, et que, déçu par le quinquennat, il pourrait bien revenir dans ses terres d'origine, renforcé par celui, plus classiquement droitier, qui aura été contaminé par l'air sulfurent qu'on lui aura entonné depuis 5 ans. Le grand risque pour Sarkozy est d'être demain pris à son propre jeu et de se faire doubler sur sa droite, un risque qu'il ne pourra endiguer qu'en droitisant encore plus son discours et sa démarche, la rendant, qui plus est, plus légitime encore pour la droite classique.

- une politique révolutionnaire : non pas au sens romantique et aujourd'hui inaudible d'un soir du grannd soir, mais au sens citoyen du terme. Qui suppose une conception résolument démocratique et non technocratique du pouvoir, le déploiement citoyen de tous les relais de pouvoir et le souci d'une harmonie sociale qui interdirait à tout dirigeant de se laisser enfermet dans les seules logiques économiques ou comptables. Qui interdit tout retour à une

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stratégie de troisième force et donc toute alliance avec le centre, aussi respectable qu'il puisse sembler. A ce titre, Mélenchon n'a pas de mal à rappeler combien fut victorieuse la stratégie d'union de la gauche, qui permit 81, mais qui permit aussi 97, quand toutes les tentatives d'alliance avec le centre furent vouées à l'échec (Mollet etc ) et récusées depuis la lamentable tentative de 69 avec la candidature couplée de Deferre et Mendès-France qui ne recueillit que 5% et laissa Pompidou seul face à Poher ... Une politique clairement d'union de la gauche. Même s'il est vrai que le contexte a fondamentalement changé depuis 73 et la signature du Programme Commun, qu'évidemment le bloc soviétique s'étant effondré la question du communisme se pose en des termes tout-à-fait différents ; même s'il n'est pas faux que l'union aura été pour le PC un marché de dupe au moins en ceci qu'avec elle et l'arrivée de la gauche au pouvoir il aura vu son influence et son poids électoral considérablement réduit, il n'empêche que ce qu'il représentait, une gauche jacobine, certes, mais avec un projet politique et social de rupture avec le capitalisme, continue à exister et à représenter pour une frange non négligeable de l'électorat un espoir, une ambition.
On pourrait croire, et d'aucuns l'ont dit, que la stratégie du Front de gauche aura été pour le PC une manière de camoufler une audience désormais confidentielle. Il faut surtout comprendre que le sens de cette démarche, pour un parti qui a souvent renoncé à présenter un candidat (notamment en 81) consiste en réalité à ramener au bercail de cette gauche-ci cette part de l'électorat qui, insatisfaite de la politique menée par le PS et ne trouvant plus d'écho au PC s'était égarée du côté de l'extrême-gauche. Quand on comptabilise ensemble les suffrages recueillis lors des précédents scrutins par l'extrême-gauche, on voit bien qu'élevé, il contient pour une part cet électorat qui autrefois trouvait sa place autour du PC. Ce qui est en train de se reconstituer autour du Front de Gauche, n'est ni plus ni moins que ce deuxième volet d'une gauche qui sans lui ne marche que sur une jambe, claudique et bégaye : cette gauche jacobine qui avec la girondine forme l'horizon traditionnel de la gauche.

- une politique industrielle écologique : on devrait presque écrire une politique d'abord qui soit et industrielle et écologique tant ici on se démarque de la litanie libérale pour qui tout interventionnisme équivaut à dirigisme et dirigisme à dictature soviétique. L'orthodoxie libérale aura si bien vidé la mémoire qu'on en oublierait presque que du Concorde au TGV en passant par la filière nucléaire ou Airbus, tout ce dont l'industrie française s'enorgueillit encore aujourd'hui demeure le fruit d'une intervention forte de l'Etat parfois ancienne puisque datant de la période gaullienne des tout débuts de la Ve. Qu'on prendrait presque interventionnisme pour un gros mot. Oui, évidemment à gauche, à cete gauche-ci, politique industrielle signifie grands travaux, intervention directe, planification. Que tout soit à reprendre vu la désindustrialisation à marche forcée de ces dernières années - ce dont presque tous les concurrents conviennent - suppose l'intervention d'autant plus massive de l'etat que cette crise est structurelle et non seulement le énième soubresaut cyclique du système ; que les périls environnementaux soient désormais à ce point avérés et menaçants invitent à une reconversion radicale de notre appareil productif qui ne se fera pas sans incitation forte voire contrainte, en tout cas pas sans une planification et une volonté politique puissante, déterminée et contraignante. a ce titre, paradoxalement ou dialectiquement, on pourrait presque dire que la désindustrialisation est une opportunité à saisir qui oblige à tout reprendre mais surtout à tout reprendre dans une voie moins désastreuse pour l'environnement.

Demeurent les relations avec le PS

Difficile de se passer de lui, il demeure quand même le pivot de toute majorité de gauche éventuelle. Difficile non plus de ne pas remarquer que l'exercice du pouvoir l'aura rendu bien timide parfois, en tout cas bien oublieux de ses origines au point que certains à Terra Nova en vinrent même à se demander s'il ne valait pas mieux se concentrer sur les classes moyennes et délaisser les classes populaires définitivement perdues pour lui. Le Ps en trente ans se sera bien assagi, bien centrisé. Patri social-démocrate au point d'insister fortement sur le second terme, d'être presque oublieux du premier.

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Son avenir dépend au fond largement de l'attente de gauche qui demeurerait encore, de la nature même de cette colère qui monte et que tout le monde sent. Que l'électorat, contrit et contraint, désarmé et craintif, n'en soit plus qu'à attendre de vagues réformettes ou que les choses ne s'aggravent pas trop, qu'il soit convaincu qu'il n'est effectivement pas d'autre issue que celle courageuse de se serrer la ceinture et de résoudre d'abord la dette avant de pouvoir espérer quoique ce soit, et alors c'en est fini d'un PS de gauche et l'on verra invariablement surgir un parti démocrate doublure à peine rosie d'un centre à la Bayrou. Qu'au contraire le vent qui monte soit plutôt cette sainte colère que suggère Mélenchon, ou, au moins, cette exigence de respect et de solidarité que mentionnait l'étude de la fondation Jaurès, et alors, oui, ce pourrait être, non tant la victoire de Mélenchon, à laquelle je ne crois pas et sans doute même pas lui-même, mais en tout cas un rééquilibrage des forces à l'intérieur de la gauche, qui reviendrait à casser le quasi-monopole du PS à gauche, et pourrait ramener à une situation qui fut la sienne dans les années 70.

On en est encore loin ! Nul doute d'ailleurs que cette éventualité fait plus peur à droite que la montée du FN avec quoi celle-là finirait bien par s'arranger.

Mais ce qui se joue, ouvertement, c'est un rapport de forces à instaurer pour la période à venir. Plus ses vos seront nombreuses et plus le PS sera contraint à tenir compte de sa gauche, plutôt que de lorgner sur sa droite.

Paysage

Quand j'écrivais que cette élection pouvait réserver des surprises - et de multiples commentateurs l'envisagent également - ce n'est pas simplement pour constater qu'à 100 jours de l'échéance, elle reste encore ouverte ; ce n'est même pas pour souligner qu'un 21 avril reste possible.

C'est surtout pour supposer que le paysage politique français est en train de changer ; qu'en tout cas il est à la croisée. Que des recompositions sont à l'oeuvre autant à gauche qu'à droite.

Au fond un choix et un seul s'offre aux français :

- soit bien continuer, à marche forcée ou de bon gré, le chemin qui mène vers cette modernité libérale qu'on nous vante tant et surtout comme étant la seule possible, et alors, inéluctablement, le paysage ira s'américanisant plus encore en laissant se construire quelque chose comme un bi-partisme séparant d'un côté une droite dure mais libérale (à la sauce républicaine telle qu'on peut l'observer aux USA en ce moment) et de l'autre une gauche molle mais libérale aussi .

- soit retrouver ce qui fait son histoire depuis 89 à savoir la savoureuse contradiction de ce peuple à la fois conservateur et révolutionnaire qui entremêle constamment sa fierté citoyenne avec son goût de l'ordre. Ce qui produit une gauche distribuée en jacobin et girondins face à une droite distribuée en césarisme, légitimisme et orléanisme.

Nous avons hérité d'un paysage, formé sous Mitterrand et avec le passage de la gauche au pouvoir, d'une époque largement structurée par l'offensive libérale et mondialiste qui en avait fini avec l'équilibre politique hérité du gaullisme des années 60.

Sarkozy aura vraisemblablement accélléré la décomposition de cet équilibre-ci. L'extrême-droite se banalise au moment où la droite s'extrémise : comment ne se rejoindraient-ils pas demain ? Mais, surtout, la terciarisation de l'activité économique, la disparition des agriculteurs, la perte d'influence de la classe ouvrière auront ouvert grand la voie des pulsions contradictoires d'une classe moyenne ambivalente, embourgeoisée mais déchirée entre la crainte de son déclin et l'appel de la modernité.

La quasi-faillite du capitalisme financier ajoutée aux périls environnementaux suffisent à bouleverser complètement la donne. Pourraient totalement redistribuer les cartes.

Et j'imagine le rééquilibrage de la gauche d'autant plus vraisemblable que ce que représente Mélenchon prenant fortement en compte les perspectives écologiques au moment où la candidature Joly devient de moins en moins lisible, pourrait s'en voir sensiblement renforcé.

J'ai plaisir à penser que l'expérience démocratique de la nation l'aura toujours poussé à donner des réponses intelligentes : je n'en veux pour preuves récentes que 88 où Mitterrand est réélu mais sa majorité au parlement n'est pas absolue comme si le corps électoral avait voulu signifier à la gauche que ce n'était pas un blanc-seing. Que 97 où il n'a pas admis qu'on lui indique qu'il n'y avait pas d'autre choix que de se soumettre aux impératifs de la mondialisation ; que 2002 où il renvoya dos à dos les deux principaux protagonistes, quitte à fausser le débat, en leur octroyant moins de 20% comme pour mieux leur signifier qu'il ne se reconnait pas dans les projets qu'on dessinait pour lui ; que 2007 où, séduit par le volontarisme de Sarkozy il entendit d'abord mettre un terme à l'immobilisme patelin de Chirac.

Je ne vois pas ce pays revoter Sarkozy sinon par résignation. Je le sens mûr pour une radicalisation qui ne sera pas suffisante pour l'emporter, mais assez substantielle pour imposer au gagnant d'en tenir compte ; assez puissante pour faire renaître des courants qu'on croyait morts.

Ce pays a l'art des surprises ! On verra bien !


sur le 21 avril et ses paradoxes, ce texte d'Alain Garrigou

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