Elysées 2012

Roud 1

Premier à sortir ses gants de boxe : Hollande à la Une de Libé présente son adresse au français. 1e acte de la campagne qui commence, sortie, enfin, de ce faux plat qu'aura représenté l'après-primaire, qui aura été désastreux pour lui - surtout après l'accord avec les Verts - mais qui ne semble pas avoir brouillé véritablement son image, à en croire les enquêtes de décembre.

Stratégie

On l'a plusieurs fois souligné, une campagne présidentielle est une véritable épreuve qui passe tout candidat au laminoir des médias, des déplacements, des meetings, des petites phrases, de celles que l'on distille savamment à celles qui vous échappe et que l'on regrette sitôt prononcée et sans conteste la visibilité accrue qu'Internet offre devient autant un formidable moyen qu'un redoutable obstacle puisque désormais plus rien n'échappe à personne et que n'importe qui peut à l'instant se faire l'écho de ce qu'il a vu avec une probabilité forte que ce soit relayé pour autant que le post fasse choc, scoop ou scandale.

Retraite

On utilise souvent la métaphore du marathon : il est vrai qu'il y faut donner de sa personne et s'y préparer savamment. Hollande, de ce point de vue, a montré l'exemple tant son régime d'avant-campagne est emblématique de cette ascèse à quoi tout candidat doit se livrer pour montrer qu'il est digne d'être candidat.

On aurait tort de négliger la dimension sacrale d'une élection, ce qui se joue de métaphysique dans cette incarnation qui va avoir lieu - qui relève à plus d'un titre d'une réelle transubstantiation. Passage quasi mystique qui d'un homme ordinaire va faire le symbole d'une Nation ! non décidément le processus n'est pas anodin qui va au delà de l'épreuve et qui mérite bien que l'impétrant, préalablement, montre qu'il en est capable certes, cela relève du côté entraînement physique et sportif - mais qu'il en est digne et ait vécu quelque chose comme une métamorphose intérieure, une conversion qui devrait finir par se voir, demain, sur son visage. Hollande, lui aussi, à sa façon, s'est préparé, sinon une traversée du désert ( ceci c'est plutôt Bayrou) mais une retraite dans le désert.

L'homme lentement se métamorphose et si nous n'observons pas encore la gloire illuminant son visage c'est bien que la métamorphose n'est pas encore achevée, qu'elle n'a pas atteint la transfiguration encore, qui serait le signe même de son élection d'entre les hommes.

Mais après la retraite, la mission d'évangélisation peut débuter : ce matin il vient avant que d'entrer en Jérusalem pour faire ses Pâques en Avril, de reprendre son bâton de pèlerin, et s'en va quérir, là où ils se trouvent, ses disciples. Et nous délivrer quelque apophtègme.

Sans doute cette retraite, à peine interrompue par la crise de la dette sur quoi il lui fallut bien intervenir, lui a-t-elle réussi.

Il apparaît désormais prêt, prompt au combat et s'il a encore une tête de président radical de la IIIe, en tout cas désormais sait-il déjà dire je et surtout je veux. Lui n'a pas besoin de dire j'ai changé cela s'entend à défaut de se voir déjà.

Prudence

Il est au moins une erreur qu'il se sait ne pas devoir commettre et dont apparemment il sait se prémunir : celle que commit Jospin en 2002 de croire le premier tour plié et donc de faire d'emblée une campagne de second tour ! La logique binaire d'une élection à deux tours demeure incontournable : rassembler son camp et jouer la différence avec les autres dans un premier temps ; rassembler au delà de son camp ensuite. Permettre à l'électeur d'éliminer d'abord, de choisir ensuite. En réalité l'élection relève peu ou prou de la quadrature du cercle et il vaut mieux en l'affaire souffrir d'un peu de mégalomanie neurasthénique pour y parvenir dans la mesure où il y faut à la fois diviser et rassembler, successivement et en même temps !

Il en est une seconde qui serait de croire que l'élection est gagnée d'avance. Il sait que ses scores avantageux dans les sondages ne veulent pas dire grand chose sinon une tendance et que tous se jouera dans les semaines à venir : vraisemblablement dans le tournant de la fin janvier - mi février.

Il n'empêche qu'il n'est plus tout à fait un candidat comme les autres et il le sait. D'abord il est, sauf bouleversement radical des équilibres politiques, le candidat de l'alternance par définition parce qu'il est celui porté par le plus gros des partis d'opposition. Ensuite, et ce n'est pas rien, pas tout à fait rien en tout cas, il est non pas un candidat élu par un congrès, mais issu d'un premier adoubement via les primaires ouvertes. Enfin, et c'est important, sauf à insulter l'avenir, il lui faut à la fois s'imposer à gauche sans pour autant paraître hégémonique parce que précisément il lui faudra - c'est le moins - réunir l'ensemble des voix de gauche pour avoir une chance raisonnable de l'emporter au second tour.

C'est le sens du :

Enfin, je respecte profondément toutes les candidatures de la gauche comme celle des écologistes. Elles peuvent marquer des orientations, affirmer des exigences, ouvrir des alternatives, susciter des débats, mais ce n’est pas faire preuve d’une quelconque prétention hégémonique que de penser qu’il sera difficile pour l’une d’entre elles d’être présente au second tour. Dès lors, il me revient d’incarner l’alternance et de permettre le changement.

Drôle de paix ou drôle de guerre ?

Drôle de guerre c'est bien ainsi que l'on appela cette période où, guerre déclarée, on ne la fit point. A l'inverse de quoi une drôle de paix serait un conflit ouvert qu'on n'eût pas déclaré !

Or, après la période de faux plat évoquée, il en est une autre qui débute où le président sortant qui se déclarera tard et qui y a sans doute intérêt, empêche que la lutte soit tout à fait à armes égales puisqu'elle contraint Hollande à être dans l'attaque et donc à monopoliser le registre du négatif alors même que Sarkozy lui, serait dans l'acte et donc dans le registre positif de la reconstruction d'un monde en friches.

C'est d'ailleurs tout le sens du titre de l'adresse aux français :

Ces cinq années auront été la présidence de la parole

qui vise à redistribuer les cartes et à tenter de ne pas se laisser enfermer dans l'impossible dilemme parler v/s agir.

Par ailleurs, il n'est peut-être pas si évident qu'une déclaration tardive soit un avantage pour Sarkozy. Les vents sont tellement contraires. Certes, comme tout président en exercice, il est maître du temps et peut se donner l'allure de l'altitude et la posture de l'homme rompu aux responsabilités, écrasé par les lourdes charges mais actif à la barre cependant ; pour autant le non encore candidat-président est dès lors contraint de laisser ses lieutenants parler, répondre à sa place avec tous les risques de dérives ou de dérapages que ceci suppose et qu'amplifie assurément la dérive droitière de l'UMP.

Pas certain non plus qu'une campagne courte lui laisse le temps de renverser une tendance qui lui est pour le moment défavorable. !

En tout état de cause, dans ce jeu de faux-fuyant, chacun des deux protagonistes tentera inévitablement d'être là où on ne l'attend pas ; obliger l'autre à sortir du bois pour le prendre de revers. C'est indéniablement le sens du sommet social de Janvier qui veut effectivement fonctionner comme un piège ! A l'inverse, on remarquera que Hollande, feignant de prendre de la hauteur présidentielle, n'annonce aucune mesure concrète et laisse déclarer dans son entourage que son programme de mesures ne sera dévoilé que progressivement, laissant dès lors peu le flan à l'attaque hormis celle d'être creux, vide ! 3 En même temps il illustre la nécessaire répartition des tâches entre un président dessinant des perspectives et un gouvernement les traduisant en actes, au même titre que ceci redistribue les tâches entre le candidat et son parti. On remarquera, à ce titre, que le terme socialiste n'est même pas employé. Finalement comme dans n'importe quel conflit mimétique, les deux protagonistes se ressemblent furieusement de vouloir le même : le candidat contrefait le président ; le président cache mal le candidat.

Et sur le fond ?


1) le texte se trouve ici

on lira aussi l'article accompagnant cette publication ainsi que l'édito de Demorand

2) le commentaire du Monde

3) le commentaire du Figaro

4)