Georg Wilhelm Friedrich HEGEL (1770-1831)
Principes de la philosophie du droit
Le stoïcisme: cette liberté de la conscience de soi,
émergeant dans sa manifestation consciente d'elle-même au cours de
l'histoire de l'esprit, s'est, comme c'est bien connu, nommée stoïcisme. Son
principe est que la conscience est essence pensante, et qu'une chose a pour
la conscience une valeur d'essentialité, ou est pour elle vraie et bonne,
uniquement quand la conscience se comporte à son égard comme essence
pensante.
Cette conscience se comporte négativement à l'égard de la relation
domination servitude; son opération n'est pas celle du maître qui trouve sa
vérité dans l'esclave, ni celle de l'esclave qui trouve sa vérité dans la
volonté du maître; mais son opération propre est d'être libre, sur le trône
comme dans les chaînes, au sein de toute dépendance, quant à son être-là
singulier; son opération est de se conserver cette impassibilité sans vie,
qui hors du mouvement de l'être-là, de l'agir comme du pâtir, se retire
toujours dans la simple essentialité de la pensée. L'entêtement est la
liberté qui se fixe à une singularité et se tient au sein de la servitude;
mais le stoïcisme est la liberté, qui sortant toujours de cette sphère,
retourne dans la pure universalité de la pensée. Comme forme universelle de
l'esprit du monde le stoïcisme pouvait seulement surgir dans un temps de
peur et d'esclavage universels, mais aussi dans le temps d'une culture
universelle, qui avait élevé la formation et la culture jusqu'à la hauteur
de la pensée. (…)
La liberté dans la pensée a seulement la pure pensée pour sa vérité, vérité
qui est ainsi sans le remplissement de la vie; elle est donc aussi seulement
le concept de la liberté, et non pas la liberté vivante elle-même; car
l'essence d'une telle liberté est seulement la pensée en général, la forme
comme telle, qui, détachée de l'indépendance des choses, est retournée en
soi-même. (…)
Le stoïcisme était donc mis dans l'embarras quand on l'interrogeait, selon
l'expression d'alors, sur le criterium de la vérité en général, c'est-à-dire
proprement sur un contenu de la pensée même. A la question: quelle chose est
bonne et vraie, il donnait encore une fois en réponse la pensée elle-même
sans contenu: c'est en la rationalité que doit consister le vrai et le bien.
Mais cette égalité avec soi-même de la pensée n'est de nouveau que la pure
forme dans laquelle rien ne se détermine; ainsi les expressions universelles
de vrai et de bien, de sagesse et de vertu, auxquelles le stoïcisme doit
nécessairement s'arrêter, sont sans doute en général édifiantes, mais comme
elles ne peuvent aboutir en fait à aucune expansion du contenu, elles ne
tardent pas à engendrer l'ennui.