Georg Wilhelm Friedrich HEGEL (1770-1831)
Propédeutique philosophique
Pour se faire valoir et être reconnue comme libre, il faut
que la conscience de soi se représente pour une autre comme libérée de la
réalité naturelle présente. Ce moment n’est pas moins nécessaire que celui
qui correspond à la liberté de la conscience de soi en elle-même. L’égalité
absolue du Je par rapport à lui-même n’est pas une égalité essentielle
immédiate, mais une égalité qui se constitue en supprimant l’immédiateté
sensible et qui, de la sorte, s’impose aussi à un autre Je comme libre et
indépendante du sensible. Ainsi la conscience de soi se révèle conforme à
son concept et, puisqu’elle donne réalité au Je, il est impossible qu’elle
ne soit pas reconnue.
Mais l’autonomie est moins la liberté qui sort de la présence sensible
immédiate et qui se détache d’elle que, bien plutôt, la liberté au sein de
cette présence. Ce moment est aussi nécessaire que l’autre, mais ils ne sont
pas d’égale valeur. Par suite de l’inégalité qui tient à ce que, pour l’une
des deux consciences de soi, la liberté a pus de valeur que la réalité
sensible présente, tandis que pour l’autre, cette présence assume, au regard
de la liberté, valeur de réalité essentielle, c’est alors que s’établit
entre elles, avec l’obligation réciproque d’être reconnues dans la réalité
effective et déterminée, la relation maîtrise/servitude, ou, absolument
parlant, servitude/obéissance dans la mesure où cette différence d’autonomie
est donnée par le rapport naturel immédiat.
Puisqu’il est nécessaire que chacune des deux consciences de soi, qui
s’opposent l’une à l’autre, s’efforce de se manifester et de s’affirmer,
devant l’autre et pour l’autre, comme un être-pour-soi absolu, par là même
celle qui a préféré la vie à la liberté, et qui se révèle impuissante à
faire, par elle-même et pour assurer son indépendance, abstraction de sa
réalité sensible présente, entre ainsi dans un rapport de servitude.