Georg Wilhelm Friedrich HEGEL (1770-1831)
L’homme est un être doué de conscience; et qui pense,
c’est-à-dire que, de ce qu’il est, quelle que soit sa façon d’être, il fait
un être pour soi. Les choses de la nature n’existent qu’immédiatement et
d’une seule façon, tandis que l’homme, parce qu’il est esprit, a une double
existence; il existe d’une part, au même titre que les choses de la nature,
mais, d’autre part, il existe aussi pour soi, il se contemple, se représente
à lui-même, se pense et n’est esprit que par cette activité qui constitue un
être pour soi. Cette conscience de soi l’homme l’acquiert de deux manières:
Primo, théoriquement parce qu’il doit se pencher sur lui-même pour prendre
conscience de tous les mouvements, replis et penchants du cœur humain et
d’une façon générale se contempler, se représenter ce que la pensée peut lui
assigner comme essence, enfin se reconnaître exclusivement aussi bien dans
ce qu’il tire de son propre fond que dans les données qu’il reçoit de
l’extérieur. Deuxièmement, l’homme se constitue pour soi par son activité
pratique parce qu’il est poussé à se trouver lui-même, à se reconnaître
lui-même dans ce qui lui est donné immédiatement, dans ce qui s’offre à lui
extérieurement. Il y parvient en changeant les choses extérieures qu’il
marque du sceau de son intériorité et dans lesquelles il ne trouve que ses
propres déterminations. L’homme agit ainsi, de par sa liberté de sujet, pour
ôter au monde extérieur son caractère farouchement étranger et pour ne jouir
des choses que parce qu’il y retrouve une forme extérieure de sa propre
réalité. Ce besoin de modifier les choses extérieures est déjà inscrit dans
les premiers penchants de l’enfant; le petit garçon qui jette des pierres
dans le torrent et admire les ronds qui se forment dans l’eau, admire en
fait une œuvre où il bénéficie du spectacle de sa propre réalité. .