Georg Wilhelm Friedrich HEGEL (1770-1831)
La Raison dans l'Histoire, (cours professé en 1830), trad. Kostas Papaioannou,
coll. 10/18,1965, p. 201.
Le côté négatif de ce spectacle du changement provoque
notre tristesse. Il est déprimant de savoir que tant de splendeur, tant de
belle vitalité a dû périr et que nous marchons au milieu des ruines. Le plus
noble et le plus beau nous fut arraché par l'histoire : les passions
humaines l'ont ruiné. Tout semble voué à la disparition, rien ne demeure.
(...)
Après ces troublantes considérations, on se demande quelle est la fin de
toutes ces réalités individuelles. Elles ne s'épuisent pas dans leurs buts
particuliers. Tout doit contribuer à une oeuvre. A la base de cet immense
sacrifice de l'Esprit doit se trouver une fin ultime. La question est de
savoir si, sous le tumulte qui règne à la surface, ne s'accomplit pas une
oeuvre silencieuse et secrète dans laquelle sera conservée toute la force
des phénomènes.
Ce qui nous gêne, c'est la grande variété, le contraste de ce contenu. Nous
voyons des choses opposées être vénérées comme sacrées et prétendre
représenter l'intérêt de l'époque et des peuples. Ainsi naît le besoin de
trouver dans l'Idée la justification d'un tel déclin. Cette considération
nous conduit à la troisième catégorie, à la recherche d'une fin en soi et
pour soi ultime. C'est la catégorie de la Raison elle-même, elle existe dans
la conscience comme foi en la toute-puissance de la Raison sur le monde. La
preuve sera fournie par l'étude de l'histoire elle-même. Car celle-ci n'est
que l'image et l'acte de la Raison.