Georg Wilhelm Friedrich HEGEL (1770-1831)
Il faut distinguer droit et morale. Le droit peut très bien
permettre une action qu'interdise la morale. Le droit, par exemple,
m'autorise à disposer de mon bien de façon tout fait inconditionnelle, mais
la morale contient des déterminations qui limitent ce droit de disposition.
Il peut sembler que la morale permette bien des actions que le droit
interdit, mais la morale n'exige pas seulement l'observation du droit à
l'égard d'autrui, elle ajoute de plus au droit la disposition d'esprit qui
consiste à respecter le droit pour lui-même. C'est la morale elle-même qui
impose que, d'abord, le droit soit respecté, et que, là où cesse le domaine
du droit, interviennent des déterminations morales.
Pour qu'une conduite ait une valeur morale, il est nécessaire de discerner
si cette conduite est juste ou injuste, bonne ou méchante. Ce qu'on appelle
innocence des enfants ou des nations non civilisées n'est pas encore
moralité. Si les enfants ou les non civilisés s'abstiennent d'un grand
nombre de méchantes conduites, c'est parce qu'ils n'ont encore aucune
représentation de pareilles conduites, parce que les relations qui donnent
lieu à ces conduites n'existent encore d'aucune manière ; le fait qu'ils
s'abstiennent de ces conduites méchantes est sans valeur morale. Ils
accomplissent, d'autre part, des actions conformes à la morale et qui
cependant ne sont pas encore proprement morales, car ils n'ont aucun
discernement qui leur permettrait de savoir si, par nature, cette conduite
est bonne ou méchante..