Palimpsestes

Georg Wilhelm Friedrich HEGEL (1770-1831)
Principes de la philosophie du droit 

La liberté de la volonté n'est, d'après cela, que le libre arbitre (WillkÜr), qui contient ce double aspect, d'être d'une part réflexion libre s'abstrayant de tout et, d'autre part dépendance à l'égard d'un contenu ou d'une matière, qu'ils soient donnés de l'intérieur ou de l'extérieur. Parce que ce contenu, nécessaire en soi comme but, est en même temps déterminé comme un simple possible par rapport à la réflexion, le libre arbitre est la contingence, se manifestant comme étant la volonté.
Rem. - La représentation la plus courante que l'on se fait de la liberté est celle du libre arbitre - un moyen terme que la réflexion introduit entre la volonté uniquement déterminée par les penchants naturels et la volonté libre en soi et pour soi. Lorsqu'on entend dire que la volonté consiste à faire ce que l'on veut, une telle représentation témoigne d'un manque total de formation intellectuelle, car, dans cette représentation, il n'y a pas trace de ce qu'est la volonté libre en soi et pour soi, le droit, la vie éthique, etc. La réflexion, l'universalité formelle et l'unité de la conscience de soi constituent la certitude abstraite de la liberté, mais pas encore la vérité de celle-ci, parce qu'elle ne se prend pas encore elle-même comme but et comme contenu. Le côté subjectif est donc encore autre chose que l'aspect objectif. Pour cette raison, le contenu de cette autodétermination reste simplement quelque chose de fini. Au lieu d'être la volonté dans sa vérité, le libre arbitre est, tout au contraire, la volonté en tant que contradiction. Du temps de la métaphysique wolfienne, lorsqu'on discutait pour savoir si la volonté était effectivement libre ou si le savoir qu'on avait de sa liberté n'était qu'une illusion, c'était, en réalité, le libre arbitre qui se trouvait au centre de cette célèbre querelle. C'est avec raison que la thèse du déterminisme a opposé le contenu à la certitude de cette autodétermination abstraite - un contenu qui, étant donné d'avance, ne se trouve pas dans cette certitude et s'impose donc à elle de l'extérieur. Quoique ce facteur extérieur soit constitué par le penchant, par la représentation et, en général, par ce qui remplit la conscience, de quelque manière que ce soit, le contenu n'est pas le produit de cette activité d'autodétermination, en tant que telle. Puisque seul l'élément formel de l'autodétermination est présent dans le libre arbitre et que l'autre élément est un donné, on peut considérer le libre arbitre comme une illusion, s'il prétend être la liberté. Pour toute philosophie de la réflexion, - qu'il s'agisse de celle de Kant ou de celle de Fries, qui est une édulcoration de la philosophie kantienne, la liberté n'est rien d'autre que cette activité autonome formelle
§ 16
Ce qui a été choisi dans la décision, la volonté peut tout aussi bien l'abandonner à nouveau. Mais, si elle use de cette possibilité de ne pas s'en tenir à ce choix et d'y substituer un autre contenu et ainsi, indéfiniment, elle ne sort pas pour cela de la finitude, parce que chacun de ces contenus est quelque chose de différent de la forme, par conséquent quelque chose de fini, le contraire de la déterminité, l'indétermination - l'indécision ou l'abstraction donc n'est que l'autre moment, tout aussi limité.
§ 17
La contradiction incluse dans le libre arbitre se manifeste, comme dialectique des penchants et des inclinations, dans ce fait qu'il se font tort les uns aux autres, que la satisfaction des uns entraîne la subordination ou l'abandon de la satisfaction des autres et ainsi de suite. Comme le penchant suit la direction de sa déterminité et ne possède pas en lui sa propre mesure, il appartient à la décision contingente du libre arbitre de déterminer ce qui est à subordonner ou à sacrifier. Il cherche donc, par un calcul de l'entendement ou par n'importe quel autre système de référence, à déterminer par quel penchant on peut obtenir le plus de satisfaction.