Elysées 2012

Les différentes facettes de la morosité

C'est ainsi la véritable fin d'un modèle à quoi nous assistons depuis une trentaine d'années. Tout à l'air de se passer comme si nous avions mis fin à un monde sans véritablement savoir quoi mettre à la place.

L'absence d'espoir

Elle en est le premier aspect que relève l'enquête : la sensation de vivre moins bien qu'avant, la conscience que les choses ne vont pas en s'arrangeant.

Ce qui ruine en principe les fondements du politique comme de la morale, d'ailleurs. Il n'est pas de politique en effet sans volonté de changement au moins d'amélioration de l'état actuel des choses comme le disait Blum. Il n'est pas de morale non plus qui ne suppose insoumission au fait, puisqu'au contraire de l'adaptation, il s'y agit de substituer à l'ordre spontané des actes humains des règles qui obéissent à des principes édictés.

On aura remarqué que la notion même de devoir est contraire à celle d'adaptation. On s'adapte en effet à ce qui est, non à ce qui devrait être. Aussi est-on d'autant plus capable de s'adapter qu'on est moins soucieux de son devoir. Sentir l'intense exigence d'un devoir, c'est déjà refuser de s'adapter aux circonstances. Ceux qui ne s'adaptent pas : les rebelles, les dissidents, les ci-devant, les insoumis (1)

Morale et politique sont bien intrinsèquement liées qui renvoient toutes les deux à cette constante humaine qu'avait repérée G Bataille : la double négation (de soi et du monde) qui produit éducation,morale religion, et donc interdits d'un côté ; technique, politique et donc travail, de l'autre . (2)

De ce point de vue la crise actuelle est peut-être plus profonde qu'il n'y paraît. Certains pourraient décèlent un prurit anti-élus dont il est de convenance de rappeler qu'il est d'autant plus dangereux que les stratégies fascistes et d'extrême-droite s'en nourrissent, d'autres y voient une profonde méfiance à l'égard du politique. D'autres y décèlent un désarroi confinant au fatalisme :

Nous avons rencontré un peuple français tétanisé, sidéré, au bout du rouleau. Conscient de l'exceptionnelle gravité de la situation, et du cycle infernal de sacrifices qu'on lui demande. Il y a un sentiment d'injustice insupportable, une perte totale de confiance envers le monde politique

indiquent Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon dans l'ITV qu'ils ont accordée au Monde qui ajoutent

l'individualisme est extrêmement présent dans les classes moyenne et populaire... Le capitalisme a détruit tout ce qui faisait la solidarité ouvrière. Ce sont des classes sans identité, contrairement à la bourgeoisie, qui forme un groupe soudé. Et, en arrière-fond, il y a cette idée que l'histoire est finie, que le capitalisme est la seule solution.

doutant à cause de cela que nous soyons à la veille d'une révolte sociale.

Toute la question est là : il est indéniable que l'évolution du capitalisme des trente dernières années, via notamment la désindustrialisation, mais aussi la disparition de la paysannerie, mais encore le chômage endémique, mais enfin la sururbanisation confinant à la ghettoisation, aura effectivement permis sinon la disparition de la classe ouvrière, en tout cas l'affaissement de la conscience de classe. Un discours idéologique convenu, venant des libéraux mais relayé par les sociaux-démocrates, visant à connoter péjorativement toute idée de lutte - et a fortiori de lutte des classes - aura légitimé avec l'aggravation des conditions de travail et de vie sociale, un individualisme forcené qui ressemble à s'y méprendre à l'isolement évoqué par Arendt.

Le capitalisme apparaît comme la seule solution, une solution que l'on croit tout au plus pouvoir tempérer de quelques régulations et ce n'est pas une moindre réussite de l'idéologie dominante libérale que d'avoir réussi à imposer le capitalisme comme un fait naturel en face de quoi il n'y a rien. Mais après tout, Marx l'avait bien repéré, le propre de l'idéologie dominante c'est qu'en dominant, elle ne laisse aucune place à une idéologie dominée.

Pour autant n'y a-t-il véritablement aucune perspective de révolte d'aucune sorte ?

Mécontentement

C'est bien le second aspect de la morosité si l'on en croit le dictionnaire: mauvaise humeur, mécontentement.

Une mauvaise humeur qui s'est déjà manifestée à plusieurs reprises par les alternances répétées depuis 81 et la litanie du sortons les sortants. A bien y regarder, depuis 81 seule deux exceptions émergent à ce jeu de massacre : la présidentielle de 95 qui reconduit la majorité RPR mais au prix d'une lutte fratricide entre Chirac et Balladur ; 2007 qui ne fonctionne que sous l'allure d'une véritable dissidence de Sarkory d'avec le passé chiraquien - le thème de la rupture.

De ce point de vue l'alternance l'année prochaine est une éventualité plus que probable : inscrite qu'elle est dans le profond sentiment d'injustice ressenti, et que relèvent les deux sociologues. En exacerbant les rapports de force, en bousculant ce pays avec des réformes à la hussarde, en lui donnant la sensation que les sacrifices sont toujours à assumer du côté des mêmes, et les avantages du côté des riches ; en apparaissant de plus en plus comme le président des riches ayant leurré le peuple par un illusoire travailler plus pour gagner plus ; en ayant dupé tout le monde par un revaloriser la valeur travail quand manifestement les fruits de la finance excèdent outrancièrement ceux que le travail pourra jamais produire, Sarkozy a suscité, sinon un mouvement de colère, en tout cas de profond rejet dont les sondages donnent l'idée depuis des mois en soulignant une cote de popularité qui ne décolle pas, en dépit de toutes les stratégies de représidentialisation entreprises.

A ce titre, une défaite au présidentielles pourrait être la traduction électorale de ce mécontentement, de ce mouvement de rejet.

L'analyse faite par E Rivière est tout à fait pertinente : ce qui se profile risque effectivement d'être une alternance sans espérance. La gauche n'enthousiasme pas, en tout cas n'apparaît pas comme pourvoyeuse de solutions aux problèmes qui se posent et plombent l'horizon : déficit notamment ; problèmes qui se révèlent désormais mondiaux, en tout cas suffisamment mondialisés pour que toute solution locale, hexagonale s'avère vaine, et que, et c'est sans doute ceci le plus préoccupant, les politiques en dépit de leurs bonnes volontés parfois reconnues, se révèlent impuissant à pouvoir y apporter réponse.

Ce n'est donc effectivement pas une crise anti-politique classique à laquelle nous assistons, ni un accès antiparlementariste aux accents fascisants, même si les scandales actuels permettent à l'extrême droite de surfer sur la vague du tous pourris, mais au contraire un véritable désarroi, quelque chose comme un fatalisme face à une situation qui semble bloquée, qui n'offre aucune perspective d'amélioration envisageable, accessible.

L'histoire a déjà montré, et l'exemple de la dissolution de 97 en est une illustration flagrant, que le corps électoral sanctionne toujours un exécutif qui se défausse sur la nécessaire adaptation aux mutations de l'économie sans offrir de perspective : ce fut bien le cas en 97 où Chirac n'a d'autre motif pour justifier sa dissolution que la mondialisation et le passge à l'euro à quoi le pays doit se préparer .... avec la sanction immédiate de la victoire de Jospin.

Même sans espérance, de ce point de vue, l'alternance en 2012 est une perspective plus que probable même si, évidemment, toute prudence s'impose, à six mois de l'échéance, dans la mesure où une présidentielle demeure une alchimie très particulière et où des événements extérieurs peuvent parfaitement en bouleverser la donne initiale. Mais c'est assez dire que le désamour dont souffre actuellement Sarkozy, loin d'être un simple rejet de sa personnalité, trouve des causes bien plus profondes.

Ce que nous voulions souligner.

Colère ?

Néanmoins, il faut toujours se méfier des réactions profondes du peuple, et surtout du peuple français qui a une longue expérience de deux siècles de démocratie, un peuple qui sut toujours envoyer des messages fins à l'occasion des consultations électorales, mais un peuple qui a montré qu'il est aussi capable de véritables coups de sang ! Ou, comme le dit l'adage populaire se méfier de l'eau qui dort !

Qui avait prévu 68 ? On se souvient tous du fameux éditorial de P Viansson-Ponté dans le Monde de mars 68 intitulé Quand la France s'ennuie : ce remarquable journaliste avait bien perçu un malaise - et en cela il était presque le seul - mais il n'avait pas entendu gronder l'orage imminent. Personne d'ailleurs !

L'analyse de Viansson-Ponté est évidemment très liée au contexte - celui des Trente Glorieuses - celui d'une société qui semble aller tellement bien qu'elle s'ennuie, faute de perspective, faute de rêve, faute de drame ! On ne peut pas ne pas penser à A de Tocqueville (4) qui avait bien entrevu combien, dans une société démocratique pacifiée, finirait par s'établir une sorte d'oppression bienveillante, une servitude douçâtre où seule prévaudrait la recherche de plaisirs, où l'individu, isolé du reste de la communauté mais lui ressemblant par l'identique quête hédoniste, s'affairerait sous la paternelle égide du souverain. Faut-il pour autant lui préférer des ères de turbulences ? Mais il est vrai, qu'on ne peut pas ne pas songer aussi à cette formule de Hegel : les peuples heureux n'ont pas d'histoire.

Ainsi, ce que vécut la France en 68, qui reste à ce jour, le dernier exemple, non pas d'une révolution, mais d'une révolte de fond contre l'ordre établi, aura-t-il été un des rares moments dans l'histoire d'un mouvement non pas négatif, mais en réalité foncièrement prospectif : un de ces moments insolites où le peuple dit son aspiration au bonheur - que Saint Just lui avait promis - et le fit de telle manière qu'il revendiqua le bonheur plutôt que des augmentations de salaires, laissant la classe politique totalement désemparée devant des revendications qualitatives qu'elle ne sut satisfaire que par un véritable hold up idéologique en accordant - pour la seule fois de notre histoire - des augmentations de salaire que personne n'avait demandées.

On peut suivre l'analyse de Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon, ou celle de Rivière et considérer que si effectivement les français ont besoin d'un cap, en réalité rien dans leur état d'esprit actuel ne laisse présager autre chose qu'une mauvaise humeur électorale sans illusion ; on peut encore rejoindre Arendt et considérer que l'écrasement est tel, par le biais de l'isolement de l'individu, que tout mouvement de révolte est impensable.

Et pourtant !

Précisément la période n'est pas une période de calme mais plutôt de tempêtes, sourdes, continues et promptes à se déchaîner.

Justement, si la période est encore celle de la jouissance, elle l'est plutôt d'une jouissance contrariée, frustrée et d'autant pus irritée qu'elle se produit dans un contexte d'exhibition insolente de quelques uns avec en conséquence un profond sentiment d'injustice.

Petit rappel historique : 1792

Comment ne pas songer, alors, à l'analyse faite par S Wahnich dans La longue patience du peuple (voir analyses) où deux points me semblent devoir être relevés :

- le peuple est toujours patient avant de se mettre en colère.

- quand il se met en colère c'est toujours pour suppléer la défaillance ou l'impuissance des élites.

Il est tout à fait remrquable de considérer que dans les cahiers de doléances de l'hiver 1788, n'émerge pas du tout, pas encore, un sentiment anti-monarchique. Le Roi n'est pas remis en cause, tout au plus regrette-t-on qu'il soit mal entouré, mal conseillé et, partant, les Etats Généraux sont perçus, précisément, comme la manière pour le peuple de jouer son rôle de conseil. Il faudra bien d'atermoiements, de renonciations, de comromis ou de trahisons pour que le peuple, déçu, se mette en marche et tente de prendre son des tin en main.

Ce qui se passe entre 91 et 93, qui préside aux journées révolutionnaires, ce n'est justement pas l'irruption d'un peuple brutal, ignorant, immature mais au contraire, selon Wahnich, le relai que prend le peuple d'une classe politique défaillante, l'obligation où il met cette dernière de prendre ses responsabilités. Ce serait justement après la déception de la constitution de 91, censitaire, après les blocages provoqués par les vetos de Louis XVI, au moment même d'une grave crise de subsistance, que le peuple se lève, et somme les élus d'entendre sa voix. C'est le silence des lois qui ainsi aura provoqué la montée du peuple.

C'est ainsi, et pas autrement, que l'on peut comprendre la réaction de Danton, la création de la justice révolutionnaire :

Soyons terribles, pour dispenser le peuple de l'être ( Danton)

Tout ce discours du 10 Mars de Danton témoigne de la même préoccupation : c'est au élus de prendre le relai, c'est leur rôle ; ceci seul permettra de préserver la souveraineté populaire. Mais c'est reconnaître en même temps le dispositif de médiation qu'en politique on nomme représentation ; mais c'est dire aussi que le peuple, principe, doit être en dehors du politique pour que celui-ci puisse fonctionner, que donc la présence du peuple revient toujours à une crise politique grave ; que donc la seule manière de terminer la révolution revient à reprendre la main et donc à prendre le relai du peuple qui avait lui-même relayé la défaillance du politique.

A ce titre effectivement la révolution fut à la fois le paroxysme et le contraire du politique. C'est ceci même que l'on nomme crise.

Comparaison n'est pas raison

Nous le savons tous. Mais le moins que l'on puisse dire c'est qu'il existe effectivement une analogie entre la situation actuelle et 1792 : la défaillance du politique. Que celle-ci s'explique par trahison ou impuissance ne change pas grand chose.

Oui sans doute si la déception populaire ne n'expliquait que par la médiocrité des choix politiques, alors oui, effectivement, la réaction populaire pourrait se satisfaire d'une simple alternance politique. Mais si au contraire, comme il le semble bien, cette déception s'accompagne du sentiment de l'impuissance des politiques comme le soulignent à la fois les enquêtes et les analyses sociologiques, alors l'alternance ne suffit pas, et l'on ne saurait plus exclure, comme impossible, l'irruption du peuple dans le jeu.

Qu'on ne se méprenne pas : je n'affirme pas son imminence ; pas plus sa probabilité, évidemment impossibles à anticiper. J'affirme seulement qu'il est faux d'en proclamer l'impossibilité.

Nous savons tous, puisque nous nous situons aussi sur le registre de la pychologie que ce qui distingue la peur de l'angoisse c'est que celle-là connait ce qui la provoque ou en tant cas sait le nommer - quitte à ce que ce ne soit qu'une stratégie de bouc émissaire - quand celle-ci demeure paralysante précisément parce qu'elle ne sait pas nommer son objet.

Toute la question reste donc simplement de savoir si le peuple a peur ou est angoissé. Or l'objet de l'appréhension populaire est parfaitement défini : un système capitaliste financiarisé, un mode de développement économique qui désocialise autant qu'il produit d'injustices ; un système qui met la planète en péril. Tout ceci converge dans un sentiment assez bien défini désormais de l'urgence.

Une urgence, précisément, à quoi le politique ne peut répondre.

Colère peut-être

J'en vois les prémices : une tendance à la radicalisation des discours ; des mouvements d'opinion plutôt amples ; des déplacements de voix assez importants.

Non décidément cette élection ne sera pas comme les autres. Elle est, à la croisée, l'occasion pour le peuple de tracer une perspective qui ne saurait en tout état de cause être seulement le prolongement de ce qui fut fait.

La rupture c'est le système financier qui l'a provoquée lui-même.

La rupture c'est notre mode de développement dévastateur des hommes comme de l'environnement qui l'aura suscitée.

Rupture, urgence : non décidément je ne suis pas du tout certain que le peuple en reste ainsi sur son quant-à-soi ! Le sentiment majoritaire que ça ne peut pas continuer ainsi de toute manière finira par produire une rupture profonde. Les crises la rendent nécessaire. Le peuple la veut impérieuse.

Comment ? Bien malin qui pourrait le prédire !


1) Nicolas Grimaldi L'individu au 21e siècle

2) G Bataille

3) Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon, Enquête sur l'oligarchie dans la France de Nicolas Sarkozy, Zones

4) A de Tocqueville De la démocratie en Amérique

Je pense donc que l'espèce d'oppression dont les peuples démocratiques sont menacés ne ressemblera à rien de ce qui l'a précédée dans le monde; nos contemporains ne sauraient en trouver l'image dans leurs souvenirs. Je cherche en vain moi-même une expression qui reproduise, exactement l'idée que je m'en forme et la renferme , les anciens mots de despotisme et de tyrannie ne conviennent point. La chose est nouvelle, il faut donc tâcher de la définir, puisque je ne peux la nommer. Je veux imaginer sous quels traits nouveaux le despotisme pourrait se produire dans le monde: je vois une foule innombrable d'hommes semblables et égaux qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs, dont ils emplissent leur âme. Chacun d'eux, retiré à l'écart, est comme étranger à la destinée de tous les autres : ses enfants et ses amis particuliers forment pour lui toute l'espèce humaine; quant au demeurant de ses concitoyens, il est à côté d'eux, mais il ne les voit pas; il les touche et ne les sent point , il n'existe qu'en lui-même et pour lui seul, et, s'il lui reste encore une famille, on peut dire du moins qu'il n'a plus de patrie. Au-dessus de ceux-là s'élève un pouvoir immense et tutélaire, qui se charge seul d'assurer leur jouissance et de veiller sur leur sort. Il est absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux. Il ressemblerait à la puissance paternelle si, comme elle, il avait pour objet de préparer les hommes à l'âge viril; mais il ne cherche au contraire, qu'à les fixer irrévocablement dans l'enfance; il aime que les citoyens se réjouissent, pourvu qu'ils ne songent qu'à se réjouir. Il travaille volontiers à leur bonheur, mais il veut en être l'unique agent et le seul arbitre; il pourvoit à leur sécurité, prévoit et assure leurs besoins, facilite leurs plaisirs, conduit leurs principales affaires, dirige leur industrie, règle leurs successions, divise leurs héritages ; que ne peut-il leur ôter entièrement le trouble de penser et la peine de vivre ?

C'est ainsi que tous les jours il rend moins utile et plus rare l'emploi du libre arbitre; qu'il renferme l'action de la volonté dans un plus petit espace, et dérobe peu à peu chaque citoyen jusqu'à l'usage de lui-même. L'égalité a préparé les hommes à toutes ces choses : elle les a disposés à les souffrir et souvent même à les regarder comme un bienfait.

Après avoir pris ainsi tour à tour dans ses puissantes mains chaque individu, et l'avoir pétri à sa guise, le souverain étend ses bras sur la société tout entière; il en couvre la surface d'un réseau de petites règles compliquées, minutieuses et uniformes, à travers lesquelles les esprits les plus originaux et les âmes les plus vigoureuses ne sauraient se faire jour pour dépasser la foule; il ne brise pas les volontés, mais il les amollit, les plie et les dirige, il force rarement d'agir, mais il s'oppose sans cesse à ce qu'on agisse; il ne détruit point, il empêche de naître; il ne tyrannise point, il gêne, il comprime, il énerve, il éteint, il hébète, et il réduit enfin chaque nation à n'être plus qu'un troupeau d'animaux timides et industrieux, dont le gouvernement est le berger.

J'ai toujours cru que cette sorte de servitude, réglée, douce et paisible, dont je viens de faire le tableau, pourrait se combiner mieux qu'on ne l'imagine avec quelques-unes des formes extérieures de la liberté, et qu'il ne lui serait pas impossible de s'établir à l'ombre même de la souveraineté du peuple.

5) sur 68

quelques photos

quelques vidéos dont ITV de G Pompidou et du Général de Gaulle

Les Unes du Monde en mai 68

6 ) sur le concept de révolution lire