Elysées 2012

Bayrou surfe sur la vague de l'indignation

Il fait sa rentrée lui aussi dans un long discours où il aura égréné ce que seront ses thèmes de campagne que l'on a déjà repérés dans son dernier ouvrage Etat d'urgence.

Produire : ce qui signifie réindustrialiser , et, en cela, il rejoint finalement pas mal de candidats, dont Montebourg. Le constat est qu'en quelques années à peine, on a laissé la France se désindustrialiser au motif de la mondialisation, ne réalisant pas que ce faisant, non seulement on détruisait plus d'emploi que le tourisme ou les services ne pouvaient en créer, mais que de surcroît on aggravait plus encore le déficit du commerce extérieur. L'argument que Bayrou utilise souvent, que l'on retrouve dans l'émission ci-contre, est que l'Allemagne, elle, a réindustrialisé depuis dix ans, et qu'elle se porte mieux que nous.

Instruire : parce que c'est là le soubassement de toute république et la condition de l'avenir. Celui qui fut ministre de l'éducation nationale (sous Balladur et Juppé)

Construire : il vise ici la démocratie à reconstruire. Digne de ce nom, affirme-t-il. Preuve, au fond, qu'il n'est pas le seul à mesurer que quelque chose ne fonctionne plus dans la Ve République dont Sarkozy n'est pas le seul responsable.

Souvenons-nous, en effet, c'est lui, Bayrou, qui tôt, avait alerté contre le calendrier dingo qui, logiquement, aurait fait précéder les présidentielles par les législatives. Mais à ce titre, et en tant que partisan du quinquennat, au même titre que les autres, il est responsable de la concommittance des deux élections présidentielle et législative, et donc aussi de la présidentialisation du régime qui n'avait pas besoin de cela.

Une majorité centrale

Pas centriste, on l'aura remarqué mais centrale. Il est dans son rôle. Le slogan est ternaire ce qu'on sait tous et qui sied parfaitement à ce centriste qui n'affectionne rien tant que de férir ses coups tantôt à gauche et tantôt à droite. Il se veut délibérément l'homme de la réconciliation, du rassemblement et prend, paradoxalement, des tons gaulliens pour le promouvoir.

Les deux majorités classiques souffrent de deux défauts rédhibitoires. Elles coupent le pays en deux et sont coupées en deux en leur sein. Au sein de la gauche et de la droite, il y a deux thèses qui s'affrontent. Sur leurs ailes, il y a deux forces qui prétendent que les problèmes viennent de l'extérieur, soit des immigrés soit du capitalisme international. Notre conviction à nous, c'est que les problèmes viennent pour l'essentiel de chez nous.

L'homme ne manque pas de bon sens ni de conviction, ni de courage. Il se croit un destin : pourquoi pas ? Mal aimé des sondages, on l'écoute peu, on l'entend encore moins. Ce fut déjà le cas en 2007 où les journalistes subitement se tournèrent vers lui quand les sondages commencèrent à révéler qu'il serait sans doute le troisième homme de l'affaire. Et il le fut. Courage que le sien, d'affronter tout le monde à la fois, et de subir les critiques autant que les trahisons. Il faut dire qua sa strat"gie, pour le moment est tout, sauf payante. Lui qui porta l'héritage de l'UDF de Giscard porte en même temps le triste bilan d'un courant qui fit presque jeu égal avec les gaullistes dans les années Giscard, et qui, désormais ne compte presque plus. Le rassembleur aura bougrement divisé et il porte cela comme une croix que la force de ses convictions n'allège pas vraiment.

Toute la question reste de savoir s'il n'est pas intempestif. Entre un Sarkozy qui fait porter par les siens la radicalité de positions sécuritaires qui n'ont plus grand chose à envier à celles du FN, et une gauche qui cesse de vouloir paraître sage, et semble bien elle aussi devoir épouser des positions tranchées en même temps que se réconcilier avec son histoire, reste-t-il vraiment une place pour le modéré Modem quand même son discours ne manque pas de pertinence.

Lui reste, comme le souligne Le Monde, le rôle de M Propre.

Fustiger les scandales, les financements occultes

Affaire Djouri, affaire Bourgi, affaire Tapie, affaire Guérini, Takkiedine et compagnie (…), tout cela nous fait honte, et c'est à ceux là en vérité qu'il faut en premier lieu passer le Karcher ! On prétendait que les voyous étaient dans les cités (…). On découvre qu'en réalité les voyous, les truands, les trafiquants, on les a installés au cœur de l'Etat

Mais ceci fait-il un programme ?

Cessez de m'interrompre !

J'aime assez que cet homme ose ce que plus personne ne se permet désormais à l'égard des journalistes. Dans le document ci-dessus, tout à coup Bayrou demande simplement à son interlocutrice de cesser de l'interrompre. Bayrou veut finir ses phrases ; prendre son temps.

Péché mignon des journalistes, péché agaçant : tous ou presque ont désormais cette propension à parler parfois plus que leur interviewé, à prendre toute la place, et à vouloir les contraindre à des réponses brèves, de préférence saillantes qui pussent faire événement.

Le journalisme, si souvent servile ou complaisant à l'égard du pouvoir croit sans doute se donner des gages de liberté en procédant de la sorte. Mais cette impertinence sotte n'est en réalité que cuistrerie. Rocard déjà, dans ses années de Matignon, se plaignait que les journalistes ne lui laissaient que quelques minutes pour expliquer ce qui selon lui eût exigé beaucoup plus de temps. Le rythme de la presse n'est décidément pas celui des lentes transformations de la société ; est encore moins celui du débat politique. Il est juste celui de l'événement, du scoop, du mot vachard, de la saillie qui pourrait être reprise dans les éditions ultérieures. En vingt ans, tout ce que l'on a gagné c'est que les trente secondes de réponse se sont transformées en répliques coupées.

La presse n'est toujours pas pertinente ! juste impertinente.


1) on retrouve un rappel des faits ici