Elysées 2012

Fête de l'humanité
allumer le feu dans tout le continent

Il y a décidément quelque chose qui est en train de changer dans les discours, les postures.

Souvenons-nous : c'était en 2007 et F Hollande, alors premier secrétaire du PS avait animé le débat et choqué les bonnes consciences en affirmant qu'on était riche à 4000 € par mois. Tant exacerbé les passions qu'il fallut en rabattre. Voici qu'aujourd'hui un Mélenchon affirme sans barguigner au dessus de 4000, je prends tout ! qu'il faut allumer le feu dans tout le continent ou qu'ils s'en aillent tous !

Mais il n'est pas le seul.

Les écologistes affirment hautement leur ancrage à gauche quand il y a quelques années seulement ils se divisaient - ou s'épuisaient - à tenter d'affirmer que l'écologie était trans-courants politiques..

Un Montebourg peut clamer haut et fort la démondialisation quand il n'y a pas si longtemps que cela elle était présentée comme une fatalité dont on mieux l'on pourrait gommer les aspérités les plus tranchantes, voire comme une chance à saisir à quoi la gauche pourrait offor une connotation sociale.

C'en est au point qu'un Hollande peut, sans vraiment déclencher débat ni polémique, annoncer la création de 70000 postes d'enseignants sans que personne ne l'accuse vraiment de dilapider les comptes publics ou de proposer des mesures irréalistes.

Bien sûr c'est le contexte qui veut cela : Mélenchon accueillait ses ex-camarades socialistes sur ses terres (d'adoption). Et ceci valait bien un discours gauchisé...

Mais voici que soudain il n'y a plus si loin de la coupe aux lèvres.

Souvenons-nous : c'était il y a quelques mois à peine ... qui nous semblent des siècles. DSK faisait figure de candidat incontournable au point de susciter grincements et sous-entendus pour celui qui passait alors pour un grand banquier international, certes, mais pas très à gauche ; plus très à gauche, s'il le fut jamais. La candidature Hollande avait tout entière été pensée comme une candidature anti-DSK c'est-à-dire aussi une candidature anti-collusion avec le capitalisme financier.

La distance est impressionnante entre cette période pourtant pas si éloignée où la gauche se devait de paraître réaliste, rigoureuse, bien pensante et donc de faire des compromis avec le réel pour paraître seulement capable de gérer le réel, et aujourd'hui où c'est le propos radical qui paraît devoir l'emporter.

La distance est sidérante avec ce temps douçâtrement hérité de la SFIO où l'on conjuguait un discours fermement marxiste de rupture avec des pratiques on ne peut plus réformistes voire centristes (Mitterrand / Mollet) . Le gouffre est redoutable, même avec la période Jospin où l'on eut tôt fait d'abandonner le peuple, les classes populaires pour n'évoquer plus que les gens - vocable suavement asexué, si dangereusement dépolitisé, trahisant comme un lapsus freudien, la trahison qui ne manquerait pas de se commettre demain et que révélera bientôt l!impardonnable et maladroit l'Etat ne peut pas tout.

Tout semble désormais se passer comme si, à l'inverse, ce fussent plutôt des choix radicaux qui se tapissent sous des postures convenues, policées, qui fleurent bon la bien-pensance mais peut-être qu'en apparence.

Mélenchon évoque souvent les belles personnes (comme dans la vidéo ci-contre) pour désigner la bourgeoisie, les nantis, les possédants, la classe au pouvoir. Revoici revenir, ici sur le mode ironique, un discours qu'on aurait pu croire surrané et enfoui, il n'y a pas si longtemps que cela ; un discours qui retrouve les accents du front de classe, de la lutte.

Souvenons-nous de ces discours sur la pensée unique, de la crainte, justifiée d'ailleurs, que sous la forme fallacieuse d'un scientisme étriqué et d'un réalisme de bon aloi, l'on ne vise systématiquement à vouloir nous soumettre à la dictature du fait, du phénomène qui ne peut se passer autrement.

Au fond, le désaveu populaire à l'endroit de Sarkozy, doublé du suicide politique de DSK, semblent avoir produit peut-etre une défiance à l'égard des politiciens, mais pas nécessairement à l'égard du politique.

Ceci reste l'enjeu des présidentielles : l'affirmation du volontarisme politique qui apparaît désormais sous des formes radicales, pré-révolutionnaires semble la réponse du berger à la bergère. Sarkozy aura confondu agitation et action, mais sa promesse de réaffirmer la valeur du politique pourrait n'avoir pas été oubliée et ... se retourner contre lui.

Tous disent sentir gronder la colère, en tout cas l'impatience du peuple. Tous, mais évidemment ce peut n'être qu'une affèterie de style ou même une posture électorale, affirment l'imminence d'une rupture, d'une révolte qu'assurément ni les bouleversements géopolitiques, ni la crise financière endémique ne peuvent endiguer mais au contraire plutôt exacerber.

Une radicalisation du discours et des thèmes à surveiller, en tout cas.