Elysées 2012

Savoir prendre des coups

Nicolas Hulot hésite encore, joue moins sa diva qu'il ne boude .... bref ne se remet pas de sa défaite aux primaires écologistes. (1)

Celui qui croyait avoir marqué les précédentes élections de 2007 en enjoignant les candidats de signer son pacte écologique, celui qui crut sans doute longtemps pouvoir remporter les primaires sans coup férir, désormais conjugue son soutien sur tous les modes du verbe barguigner (2)

Il avait déjà distillé son fiel acrimonieux cet été; il récidive en cette rentrée en s'adressant à ses soutiens dans une lettre étonnante où il donne plus l'impression de ressasser son amertume que de faire une analyse politique.

Les limites du genre,
les contours du politique

Car on se trouve effectivement à la limite du genre. On a souvent dit que les grands leaders politiques étaient des tueurs et il faut bien admettre qu'on ne fait pas plus de politique que de littérature avec de bons sentiments.

Petit rappel

C'était au fond la même gêne ressentie le 21 avril 2002 quand Jospin annonça son retrait de la vie politique après son éviction du second tour : il était bien difficile alors - et on le lui reprocha - d'y distinguer ce qui s'y nichait de probité politique ou d'amertume devant un verdict dur et perçu comme injuste. Il n'y a qu'à écouter l'explication qu'il en donna à La Rochelle en 2006 et l'émotion qui perce sous les propos apparemment mesurés au cordeau pour comprendre que, même quatre années après, demeurait quelque chose de la douleur maussade.

Ce fut le même désagrément qu'avait provoqué Giscard d'Estaing avec son célébrissime Au revoir prononcé à la TV juste avant de quitter l'Elysée après sa défaite en 81 face à Mitterrand : la campagne était terminée, la messe était dite ; ce discours, de trop, donna vraiment l'impression d'un ultime règlement de comptes.

Pourtant ce fut le même Giscard d'Estaing qui aura, à l'orée de la campagne de 65, progressivement marqué sa distance avec de Gaulle en passant de la critique de l'exercice solitaire du pouvoir au rejet du référendum de 69, tout ceci théorisé par un oui mais qui lui valut la réplique non moins célèbre du on ne gouverne pas avec des mais. Mais critiques qui avaient néanmoins contraint de Gaulle à revenir sur sa conception de l'exercice du pouvoir.

Lecture politique plutôt que psychologisante.

Archaïque rémanence d'une formation où la dialectique hégélienne a sa part mais aussi les analyses qu'un Marx put faire en son temps du 18 Brumaire ou de la Commune de Paris ? toujours est-il qu'il me semble toujours qu'il faille donner à ces prurits une signification politique plutôt que psychologique.

Néanmoins on peut au moins avancer ceci : on peut, éventuellement, faire de la politique sans être un tueur, on ne peut assurément pas sans accepter au moins de recevoir des coups. La manière d'ailleurs dont se déroulent désormais les campagnes, longues, ultra médiatisées, suppose un tel rythme qu'on imagine mal un candidat ne pas y être puissamment aguerri, méticuleusement préparé et, sans doute depuis quelques années, savamment coaché.

Ces gens-là ont quelque chose du monstre - de celui qu'irrésistiblement on montre du doigt - : ce monde n'est pas fait pour les coeurs tendres.

Non ! il faut y voir plutôt un véritable enjeu politique que Hulot ne nie d'ailleurs pas :

Derrière cette attitude majoritaire, se dessine (...) une ligne politique avec laquelle je suis en profond désaccord

En réalité Hulot récuse l'ancrage résolument à gauche des écologistes. Vieux débat en leur sein ! mais débat tranché désormais. C'est cela sans doute qui valut à Hulot sa défaite : non pas sa proximité avec Borloo en tant que telle - ceci eût encore été une analyse trop courteet trop psychologisante - mais ce qu'elle signifiait politiquement. En choisissant Joly c'est l'option gauche que les écologistes ont choisie, et non celle d'une écologie qui fût apolitique ou trans-courants.

Fair-play

La médiatisation de la vie politique, la multi-diffusion de chacune des réactions, petites ou grandes, de chacun, sobre second couteau ou personnalité de premier plan, sans ordre, sans toujours d'analyse, la reprise en boucle de tout ceci sur les chaînes d'information comme sur le Net, la surenchère suscitée inévitablement par la prolifération hebdomadaire des sondages, tout ceci n'arrange évidemment pas les choses et donne l'impression d'un sordide combat de coq, au pire ; d'un duel sportif, au mieux.

Or, et pour une nation férue de foot, de rugby et parfois de tennis, savoir perdre demeure un des fondamentaux du challenge. Le fair-play demeure la règle non-écrite du sport au moins autant que de la vie politique. En être démuni ne pardonne pas.

Hulot se disqualifie pour longtemps au point d'ailleurs de gêner ses propres soutiens.


1) Libération du 14 sept 11

Hulot, le boulet vert d'Eva Joly?

Le perdant de la primaire d'EELV hésite toujours à s'impliquer dans la campagne de son ex-rivale. Sans l'attendre, la candidate trace sa route.

Par LAURE EQUY, JONATHAN BOUCHET-PETERSEN

Ce n’est pas la première fois qu’il joue avec la patience des écologistes. Il s’est tâté, longtemps, avant de se jeter à l’eau en se présentant à la primaire de juin. Eva Joly l’a emportée, les vacances ont passé, puis la rentrée. Et Nicolas Hulot hésite toujours à soutenir la candidate d’Europe Ecologie-Les Verts.
Après avoir annoncé, mi-août, vouloir garder une «distance bienveillante» avec le mouvement, l’ex-animateur télé a séché les Journées d’été de Clermont-Ferrand. Puis à l’approche d’une réunion avec ses soutiens prévue fin septembre qu’il a préféré reporter, il leur a adressé une lettre, reprise lundi sur Lemonde.fr. Toujours dans le brouillard, Hulot qui reste l’écologiste le plus populaire de France, avoue «n’avoir pas de réponse» sur son implication dans la campagne d’Eva Joly. Mais à force de ne pas l’épauler va-t-il finir par l’handicaper?

«Confessionnal»

Yves Cochet, l’un des anciens soutiens d’Hulot, a reçu ce courrier «comme une lettre de confessionnal où la dimension affective et personnelle est très présente». Et le député, qui avait fait une croix sur sa propre candidature, de regretter «une lettre où la politique n’est pas présente et qui ne fait pas beaucoup avancer les choses». L’ex-conseiller social d’Hulot, Serge Guérin, se creuse la tête: «Quand il parle de "distance bienveillante", c’est une jolie trouvaille sémantique mais on ne voit pas bien vers quoi il penche, la distance ou la bienveillance?»
«Je comprends sa vision un peu idéaliste d’une campagne présidentielle. On peut tous y aspirer mais faute de mieux, il faut savoir se contenter de ce qu’on a», lâche le conseiller de Paris, Denis Baupin.
«Depuis l’issue de la primaire, il n’est pas un instant où je ne me pose la question de l’après», avoue Hulot dans sa lettre, pressé par ses amis d’aller de l’avant. «D’autant que chacun autour de moi relaie et répète cette interrogation: que faire maintenant? Rebondir, me dit-on comme un ultime espoir! Pour mieux me cogner encore au plafond?, ai-je envie de répondre par humour du désespoir», rumine-t-il, concluant amèrement qu’EELV ne lui a «rien» apporté «de bénéfique».

«Le sens de la parole donnée»

Du côté de la candidate EELV, désignée à 58,16% des voix au second tour de la primaire, on est bien décidés à avancer. Avec ou sans lui. Ce week-end, la formation écologiste, réunie en conseil fédéral, devrait dévoiler son organigramme de campagne. «Elle trace sa route, elle construit son équipe, pour cela on n’a pas besoin d’Hulot», assure le député François de Rugy, pro-Joly de la première heure.
«On ne réussira cette campagne que si tous les ténors de l’écologie s’y impliquent, prévient Yannick Jadot, principal lieutenant d’Eva Joly. Nous ne croyons ni à l’homme ni à la femme providentiels. Il va nous falloir Dany, mais aussi José, Cécile, et, bien sûr, Nicolas.» Tous sont logés à la même enseigne, histoire aussi de se prémunir en cas de faux bond définitif du perdant de la primaire. Jean-Vincent Placé rafraîchit la mémoire de celui qui s’était engagé pendant la compétition à soutenir Joly en cas de défaite. «J’attends qu’il reste fidèle à ses convictions, qu’il garde le sens de la parole donnée», prévient le conseiller politique de Cécile Duflot.
Dans tous les cas, personne n’aurait imaginé Hulot intégrer l’organigramme. Le promoteur du Pacte écologique de 2007 derrière son ex-rivale? «Non, à côté», corrige Christophe Rossignol, qui exhorte son ami: «qu’il prenne son temps s’il le veut, mais qu’il s’engage, qu’il donne un coup de main dans cette campagne.»

Premier pas

Mais à qui de faire le premier pas? Chaque bord se renvoie la politesse. «S’il est là, tant mieux, la balle est dans son camp», maintient Placé, tandis qu’Yves Cochet suggère: «Eva Joly pourrait le rencontrer ou lui faire parvenir une sollicitation amicale, ça pourrait servir de déclencheur.» «La balle est aussi dans le camp de Joly. A eux de trouver un cadre pour que la mouvance Hulot (41,84%) se sente portée et représentée par la candidate», souhaite Denis Baupin.
Sans attendre la fin des états d’âme de leur champion ni une réunion des plus fidèles – maintenue – autour du 20 septembre, certains hulotistes ont déjà franchi le pas. Pascal Durand, son ancien directeur de campagne, tout comme Denis Baupin, font partie du conseil politique autour de la candidate et devraient intégrer son équipe. Yves Cochet «aura aussi sa place», promet Jadot, tandis que Serge Guérin dit être «en cours de discussion».
Ses soutiens assurent, comme Denis Baupin, que Nicolas Hulot n’a en tout cas pas l’intention de plomber la campagne d’EELV, qu’«il souhaite le meilleur score possible à Eva Joly». Réponse du tac au tac de Yannick Jadot: «A lui de décider si la responsabilité majeure des écologistes prend le pas sur sa rancœur personnelle.»


La lettre de N Hulot

Lettre de Nicolas Hulot 

 


 

2) Marchander plus ou moins longtemps
Hésiter, ne pas arriver à se décider, mettre du temps à agir. Il n'y a pas à barguigner
CNRTL