Elysées 2012

La droite populaire récidive (1)

Et c'est reparti ! Cela s'appelle, je crois, faire flèche de tout bois. La droite populaire qui s'était déjà fait remarquer en Juillet avec son apéro saucisson vin rouge puis s'en être pris à Eva Joly à l'occasion de sa sortie sur le défilé ; puis encore à elle il y a quelques jours à propos des langues régionales (2) a organisé délégation pour faire retirer les manuels scolaires de SVT. Le prétexte ? Ils feraient référence à la théorie du genre selon laquelle le genre sexuel renverrait moins à un fait génétique qu'à une construction culturelle.

Objet prétendu de la polémique : on n'a pas à enseigner à de jeunes adolescents des théories qui ne sont que philosophiques et pas scientifiques. Objet implicite, presque avoué par certains des pétitionnaires : l'homophobie. (3) même si Copé s'en défend.

Trois aspects dans cette polémique :

Politique d'abord

C'est bien ici l'offensive très droitière d'un courant de l'UMP qui tente de renouveler en forçant le discours, le rapt des voix FN que Sarkozy avait réussi en 2007. Je veux bien que ce courant se veuille aiguillon mais décidément il y a ici bien peu de pensée et beaucoup de passions réactionnaires. Tout, des poncifs de la droite extrême s'y retrouve : nationalisme franchouillard ; plaidoyer entêté pour l'inné qui justifie si complaisamment les conservatismes de tout poil; rapport trouble à la sexualité, phobie invraisemblable de tout ce qui peut paraître déviant et notamment l'homosexualité ...

Philosophique et/ou scientifique

C'est le retour, par la bande de l'itérative question, toujours mal posée de nature/culture. Il serait bien long d'y revenir, rappeler simplement que ce qui y pose question dans ces deux termes ce n'est ni nature ni culture mais bien le et : la manière dont s'enchevêtrent - ou non - les données biologiques et historiques.

Ce n'est un secret pour personne que l'histoire des sciences aura oscillé constamment entre l'hypothèse du tout nature, aujourd'hui souvent du tout génétique, et celle du tout acquis ; ce n'est non plus un secret pour personne que de rappeler que tout rabattre sur le naturel revient toujours à justifier le maintien en l'état de l'ordre des choses (remarque judicieuse de Marx à propos de la propriété privée supposée naturelle pour en justifier le maintien ) . Un excellent exemple en fut donné par l'approche de l'autisme qui, avec B Bettelheim était plutôt entendue comme ayant une origine psychologique quand aujourd'hui l'approche organique est privilégiée via la génétique.

Il faut peut-être en revenir à la parution du deuxième sexe de Simone de Beauvoir. Parce que, derrière cette stupide polémique, se camouffle sans aucun doute une régression anti-féministe ; machiste. Outre la voie ouverte par cet ouvrage, paru en 49, vers une littérature féministe et, plus généralement, vers une prise de conscience de l'inégalité entre les sexes héritée des structures patriarcales des sociétés méditerranéennes mais aussi de la logique même du capitalisme industriel, cet ouvrage aura eu l'immense mérite de montrer que l'identité sexuelle n'est pas un donné mais une construction : on ne naît pas femme, on le devient. Que cette construction se fait sur fond de l'éducation, de l'idéologie donc, transmise à la fois par le milieu familial et le milieu social (école etc) *

Ici, au coeur de l'enjeu : qui me rappelle un texte de Langaney mentionnant que nous avons quatre sexes :

- le sexe génétique (XX ou XY) par quoi il rappelait que ce n'était pas la femme qui fut tirée de la côte d'Adam mais au fond l'inverse puisque le code génétique est plutôt du style arrêter le programme féminin

- le sexe physiologique : selon le premier l'organisme sécrète des hormones (oestrogènes ou progestrones ) ce qui est une autre façon de dire qu'il s'agit non pas d'un état mais d'un processus continu et qui en tant que tel peut connaître des crises, des irrégularités. Ici non plus on n'est pas une femme ou un homme, on n'arrête pas de le devenir

- le sexe social : à chaque sexe, une culture donnée associe valeurs, rôles, qualités, forces et faiblesses. Qui sont évidemment variables dans l'espace et dans le temps.

- le sexe individuel : qui représente la manière dont chaque individu, en raison de son histoire, de son caractère etc gère les trois premiers et, notamment, parvient à se reconnaître, ou non, bien ou mal, dans l'image sociale de son sexe.

Approche intéressante m'a-t-il semblé en ceci à la fois qu'elle ne tombe pas dans un réductionnisme qui consisterait à n'envisager que soit le donné génétique soit le processus social mais tente au contraire de donner un sens à ce et que nous évoquions plus haut ; mais qu'aussi - et en cela on n'est pas si loin que cela de l'existentialisme sartrien effectivement - la réalité humaine est un processus toujours en train de se construire, de se définir ... et de se perdre.

Ce n'est un secret pour personne

Epistémologique

L'argument utilisé par ces messieurs est stupide : sous prétexte qu'il n'y aurait pas de certitude en la matière on aurait affaire à des théories idéologiques, philosophiques au mieux, que les manuels de SVT n'auraient pas à relayer.

Outre le fait que le libellé de ces manuels est on ne peut plus prudent, c'est en réalité supposer que l'on aurait, de part et d'autre d'une ligne de partage parfaitement tranchée, d'un côté la certitude scientifique, de l'autre les extrapolations philosophiques. C'est à l'évidence méconnaître la réalité de la recherche scientifique.

Une des conséquences de l'exigence de preuve et de vérification reste quand même qu'il ne peut y avoir de certitude que sur la fausseté d'une théorie, jamais sur sa vérité. Qu'en la sorte est vrai, ce qu'on a vérifié et prouvé ... tant qu'on n'a pas prouvé le contraire.

On retrouve ici le même stratagème que celui utilisé par les born again aux USA concernant l'enseignement de la théorie des espèces dans les manuels américains et exigeant que la théorie créationniste fût enseignée en parallèle. Au nom d'une conception naïve de la science, et erronée de la certitude, on met sur un même plan théorie scientique et idéologie pour en un tournemain pouvoir récuser n'importe quelle théorie, représentation etc. Et pour peu qu'on y rajouteet ils n'y manquent pas - l'argument du bon sens - un homme est un homme, non ? - le procédé semble imparable.

Au bilan

Une provocation - il y en aura d'autres -

Une idée sans doute aussi de ce que sera la grande tentation de la droite à mesure qu'elle se sentira plus en danger.

Un excellent texte de P Picq dans le Monde du 3 qui illustre joliment ce que hauteur de vue et rigueur scientifique peuvent vouloir dire.


1) Le Monde du 30/08

Cette fois-ci, c'est au tour de plusieurs manuels scolaires de déclencher l'ire des parlementaires de la majorité. Quatre-vingts députés UMP ont demandé, mardi 30 août, à Luc Chatel, le retrait de manuels qui expliquent "l'identité sexuelle" des individus autant par le contexte socio-culturel que par leur sexe biologique. Ces parlementaires, conduits par Richard Maillé, député des Bouches-du-Rhône, font écho aux critiques exprimées sur le même sujet au printemps par la direction de l'enseignement catholique.

LA "THÉORIE DU GENRE SEXUEL"

Dans une lettre au ministre, ils estiment que ces manuels de SVT (Sciences de la vie et de la Terre) de classe de première font référence à "la théorie du genre sexuel". "Selon cette théorie, les personnes ne sont plus définies comme hommes et femmes mais comme pratiquants de certaines formes de sexualités : homosexuels, hétérosexuels, bisexuels, transsexuels", écrivent-ils. Il s'agit selon eux d'une "théorie philosophique et sociologique qui n'est pas scientifique, qui affirme que l'identité sexuelle est une construction culturelle". Les signataires citent un passage d'un manuel publié par Hachette selon lequel "le sexe biologique nous identifie mâle ou femelle mais ce n'est pas pour autant que nous pouvons nous qualifier de masculin ou de féminin. Cette identité sexuelle, construite tout au long de notre vie, dans une interaction constante entre le biologique et contexte socio-culturel, est pourtant décisive dans notre positionnement par rapport à l'autre".

"MIEUX CONTRÔLER LE CONTENU DES MANUELS SCOLAIRES"

Jugeant "du devoir de l'Etat de mieux contrôler le contenu des manuels scolaires" et ajoutant que "la 'théorie du genre sexuel' n'apparaît pas stricto sensu dans les programmes d'enseignement de SVT" définis par le ministère, les députés concluent à l'adresse de Luc Chatel : "Nous comptons sur votre action afin de retirer des lycées les manuels qui présentent cette théorie". Figurent parmi les signataires : Christian Vanneste, Lionnel Luca et Jacques Myard, fondateurs du collectif de la Droite populaire, ainsi que Bernard Debré, Eric Raoult et Hervé Mariton. Si cette requête émanant des bancs de l'Assemblée reste dans le cadre du débat d'idées et pourra sembler légitime à certains, le curriculum de certains de ses signataires témoignent d'une véritable passion pour le thème de l'homosexualité.

"PERVERSION SEXUELLE"

Parmi eux, Christian Vanneste s'est ainsi fait remarquer à de nombreuses reprises pour ses prises de position sur l'homosexualité. En 2005, cet ancien professeur de philosophie avait déclaré que l'homosexualité était "inférieure à l'hétérosexualité" et que les comportements des homosexuels étaient "inférieurs moralement". Sa condamnation pour injure homosexuelle avait été annulée en 2008 par la Cour de cassation.

lire aussi L'Express

2) La droite populaire s'en prend à E Joly Le Monde du 30 Août

La droite populaire lance une nouvelle offensive contre Eva Joly, candidate écologiste à la présidentielle. Nicolas Dhuicq, secrétaire national de l'UMP et membre du collectif, a accusé, mardi 30 août, l'ancienne magistrate d'avoir pour "ambition la dislocation de l'unité nationale" quand elle dénonce "la volonté hégémonique d'imposer l'unique langue française".

La candidate Europe Ecologie-Les Verts a promis, samedi 27 août, de défendre les langues régionales menacées. Elle a dénoncé notamment "la volonté hégémonique d'imposer l'unique langue française" et "les poursuites contre des maires qui s'expriment dans une autre langue".

Selon Nicolas Dhuicq, "les propos de Mme Joly dévoilent une vision dans laquelle la France disparaîtrait dans un conglomérat de régions européennes semi-autonomes, inégales en taille et en richesses, peuplées d'habitants séparés par d'innombrables barrières linguistiques". Le parlementaire estime que les propos de l'élue écologiste dessine un projet politique ayant "pour but la remise en cause systématique de l'édifice patiemment construit par tant de générations successives". Or pour lui, si "personne ne nie l'existence, la richesse et le patrimoine des langues" régionales, il ne saurait être "question de remettre en cause la place de la langue française".

C'est la seconde attaque de l'été de la droite populaire visant Eva Joly. En effet, après avoir proposé le 14 juillet dernier de supprimer le traditionnel défilé militaire sur les Champs-Elysées, pour le remplacer par "un défilé citoyen", Eva Joly s'est trouvée sous le feu de la critique de l'UMP et du FN.

Lionnel Luca, cofondateur de la Droite populaire, avait été particulièrement violent en accusant l'écologiste de confondre "le 14 juillet et le 1er avril". "Ce serait bien qu'elle apprenne l'histoire de France, je pense que cela lui serait utile. (…) Je ne sais pas ce qu'elle aurait fait en 1944 ou 45", avait-il déclaré sur Europe 1.

3) lire notamment ce texte de F Jacob


UMP - "Ce n'est pas la compétence des politiques... par ump 

Les petits délires de Ch Vanneste


Christian Vanneste par GayClic 

Simone de Beauvoir (extraits )

 

 

 

 

 

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