Elysées 2012

La rentrée de Le Pen

Comment être certain de passer au JT : monter un petit coup médiatique rapide, à la bonne heure, au bon endroit. C'est ce que Marine Le Pen aura fait aujourd'hui, 6 Septembre

Meute de journalistes qui offre l'occasion de cette photo très révélatrice du barnum journalistique : perspective tout entière tournée vers l'héroïne du jour, micros tendus et airs sévères, Marine toute de noir vêtue comme pour mieux souligner la gravité du propos, les illusions dont il faudra faire le deuil. Tout ceci non loin de l'Assemblée Nationale où, au même moment Baroin enjoignait les députés de voter au plus vite le plan d'aide à la Grèce, non loin aussi rappelle l'article de Libé des bureaux parisiens du Parlement européen.

Puis, joignant le geste à la parole, des militants FN jettent par dessus le pont de la Concorde des (faux) euros à l'eau .

Métaphore implicite : on jette l'argent par les fenêtres. Signification manifeste : on jette l'enfant avec l'eau du bain.

Cela s'appelle un plan de com, à l'évidence. Celle qui fut plutôt discrète durant l'été, orchestre sa rentrée politique. Les Rencontres d'été à Nice ce week-end en marqueront le temps fort, ainsi que l'occasion d'une couverture médiatique assurée. Il fallait une mise en bouche : la voici.

Qui illustre à l'envi, je devrais écrire à satiété, combien la presse loin de se contenter de relayer l'événement et, éventuellement, de l'expliquer, a d'abord besoin de spectaculaire. Une position économique n'est pas en soi suffisante pour faire événement. Encore faut-il qu'elle soit montrable. Ce qu'on a bien vu aussi avec l'affaire DSK et, dernièrement, avec son retour en France. Toute la question des relations de la presse et du politique tient ici : dans cette mise en scène de la vie politique dont inévitablement elle se fait acteur, ou complice complaisant.

En soi, rien de bien neuf dans le discours tenu sur l'euro : on sait qu'elle en veut la sortie. Il lui faut marquer les critiques habituellement faites sur son programme économique : irréaliste, infaisable, absurde, dangereux. Elle le fait par un geste qu'elle veut symbolique mais qui ne l'est pas.

Le rapport à l'argent est toujours trouble, celui entretenu avec la monnaie par conséquent : point de repère social autant qu'économique, la monnaie fait partie de ces objets qui, parce qu'ils sont des jokers, peuvent circuler, mais qui, précisément parce qu'ils circulent, dessinent l'espace social et politique.

Jouer avec la monnaie c'est jouer avec les fondements, avec les fondations. L'acte se veut ainsi moins symbolique que radical : nous, soyez en sûrs, nous irons jusqu'au bout. Façon patente de se démarquer de ce qu'elle nomme l'UMPS, que son père appelait l'établissement.


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