Elysées 2012

Cinq enquêtes ...

La plus récente (BVA) souligne l'effondrement de la popularité des personnalités de droite et notamment de Sarkozy et Fillon. Demeuré dans des eaux très basses, mais avec une remontée régulière depuis quelques mois, la cote de popularité de Sarkozy replonge. Les affaires doivent bien y jouer leur rôle mais au delà de la péripétie on peut néanmoins remarquer qu'en dépit de la stratégie de représidentialisation, mais aussi de ce qui, sur la scène extérieure, eût pu passer pour des succès ( Lybie), la cote de popularité du président non seulemment ne décolle pas mais tend, ponctuellement, à baisser ; bref reste fragile. Son socle électoral, surtout, semble devoir s'effriter puisque c'est dans son propre camp que Sarkozy perd le plus.

A gauche, une popularité toujours marquée pour Hollande et Aubry boostée par les primaires. Le débat télévisé a joué : Valls et Montebourg montent sans atteindre néanmoins les scores des deux premiers.

M VallsL'étude CSA confirme la nette avance de Hollande dont la dynamique de campagne semble faire effet. Ce que l'étude montre, avec toutes les nuances déjà repérées, c'est combien il porte la promesse d'une victoire plus sûre et plus confortable sur Sarkozy que M Aubry. Si, dans cette enquête également, Montebourg et Valls gagnent deux points, profitant sans doute du débat, il n'empêche que Hollande asseoit son avance jusque et y compris dans la stature de président.

Deux enseignements

MontebourgLe premier, trivial sans doute, reste décidément l'importance de la surface médiatique d'un candidat. La notoriété va à la notoriété, décidément, tout comme l'argent à l'argent. Et la télévision, en la matière, est la grande convoyeuse de fonds ! Ni Valls ni Montebourg ne sont de parfaits inconnus et pourtant, loin derrière les deux leaders, leur cote ne remonte qu'à l'occasion du débat où, de l'avis général, ils se sont montrés sous leur meilleur jour.

Preuve s'il en fallait, que la TV, si elle ne fait pas une élection, en revanche en fixe les marqueurs et, sans doute, amplifie les tendances. Ce qui fut énoncé déjà à propos des désormais traditionnels débats d'entre les deux tours qui ne font pas la victoire finale, mais consacrent indéniablement la prééminence du premier sur le second.

Le second concerne l'image : il est de tradition gaullienne, on l'a dit, et Guaino l'a rappelé cette semaine dans Mots Croisés lors de son face à face avec E Pleynel, d'affirmer que la présidentielle, contrairement aux législatives notamment, n'est pas un affrontement camp contre camp, gauche contre droite, n'est pas une élection de partis, mais au contraire la rencontre d'un homme avec le peuple, le dialogue d'un homme avec la Nation.

Je ne suis pas certain du tout que sur ce terrain-ci il reste encore grand chose du gaullisme tant les présidentielles ont acéré depuis 81 les lignes de front. Néanmoins il reste bien quelque chose de ce dialogue dans la métamorphose que chaque impétrant se doit de réaliser qui doive lui conférer cette énigmatique stature devant lui permettre de devenir le président non d'un camp mais de la nation entière, métamorphose qui doit envoyer les signaux de la capacité à rassembler sans quoi il n'est pas de victoire possible.

De ce point de vue est intéressant que Hollande semble lentement pouvoir compenser son retard en terme de compétence ( lui qui ne fut jamais ministre) même si l'enquête BVA souligne qu'en terme d'autorité, de dynamisme mais surtout de proximité avec les gens, Aubry le devance.

Ces enquêtes soulignent des tendances lourdes, profondes (cote faible de l'exécutif, avance à gauche de Hollande) mais invariablement aussi des prurits ponctuels. Le dire et le répéter, rien n'est joué, tout se jouera vraisemblablement entre janvier et février, et la bataille ne commencera vraiment que lorsque Sarkozy aura annoncé sa candidature. Tout ce que l'on peut dire c'est que, pour l'instant, la stratégie présidentielle ne porte pas ses fruits : la logique du Président travaille pendant que d'autres font campagne qui le pousse, à l'instar de tous ses prédécesseurs, à annoncer sa candidature le plus tard possible, ne serait-ce que pour faire campagne courte et capitaliser sur l'expérience, cette logique porte d'autant moins ses fruits que les divisions semblent s'aiguiser à droite que la défaite aux sénatoriales ne peut qu'aiguiser. La dynamique, pour l'instant, est à gauche, mais n'oublions pas qu'elle est portée par les primaires elles-mêmes qui nécessairement projette la lumière sur les différents candidats, quand, malencontreusement, l'actualité de la droite est grevée par les affaires, les dissensions et l'échec.

Sans pour autant accréditer la thèse du storytelling, force est d'admettre qu'une présidentielle fonctionne avec une réelle dramaturgie, un peu comme une tragédie grecque au risque parfois de sombrer dans une farce à la Feydau. Au gré des meetings, des discours, des plateaux télévisés, lentement l'image du candidat de construit et se défait, où le moindre faux pas compte qui risque de ruiner l'édifice. L'épisode initial du Fouquet's et des vacances sur un yacht de Bolloré est un magnifique exemple à cet égard de parasitage lourd d'une image lentement construite au gré de la campagne de 2007 et si vite détricotée en bling bling dès les débuts de mandats. Il n'est pas sûr d'ailleurs que cette image-ci ne lui colle désormais à la peau.

Il m'arrive parfois de penser que c'est sur ce point-ci que l'on peut véritablement avancer que notre société s'est faite a-religieuse : là où l'on s'efforça patiemment, besogneusement et parfois violemment à défaire les idoles, et les représentations, là où l'on alla jusqu'à interdire la représentation ou à empêcher le prononcé même du Nom, ici, l'on exacerbe l'image.

Les médias ont tué les iconoclastes.

En quête de sacré, au moins d'idoles, le pays regarde et se regarde regarder. Demain il investira, il procédera à l'acte sacré de l'incarnation. Une campagne électorale est peut-être le moment de l'idolâtrie; l'élection celui du sacré !

C'est bien pour cela qu'une campagne n'est pas qu'une affaire de communication et que celui qui l'imagine invariablement perd, qui prend le moyen pour la fin et la technique pour la recette miracle.

 


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