Elysées 2012

Arnaud Montebourg (1)

C'est un des plus jeunes parmi les prétendants, mais un vieux routier néanmoins. Pas du tout dans la même tonalité que Mélenchon qui affecte souvent de prendre la posture du sale mioche qu'on vient de surprendre les doigts dans le pot de confiture, il se place, lui aussi, pourtant, dans cette aile gauche qui ne se contente pas d'une gestion plus sociale mais revendique néanmoins une transformation radicale du système.

Profil lisse de gendre idéal, il sait jouer à la fois de son intégration en faisant référence à ses origines parentales - arabo-morvandiau, aime-t-il à rappeler - de sa réussite sociale - avocat - mais de son impertinence en même temps. N'oublions pas que c'est lui qui très tôt milita pour que Chirac fut pénalement poursuivi, que c'est lui qui mit les pieds dans le plat pour en appeler à une révision constitutionnelle de fond ; que c'est lui qui tint, presque le premier à gauche, un discours anti-mondialisation.

Ses deux axes principaux demeurent qu'ils a annoncés très tôt :

- la démondialisation

- la VIe République

A quoi il faut ajouter un projet industriel où l'insistance se fait forte sur le développement d'un capitalisme coopératif et mutualiste. (2)

C'est bien ici une autre de ses caractéristiques : la recherche d'une synthèse entre le passé et l'avenir ; la recherche d'une modernité qui à la fois invente le nouveau tout en puisant dans les vieilles recettes de la gauche. Il n'est, à ce titre, pas tout à fait hasardeux qu'il pose dans un bureau où est accrochée, en bonne place, la photo de Jaurès.

Partisan du non au référendum sur la constitution européenne, il se refusa néanmoins à participer à la campagne, se soumettant au verdict du référendum interne. Ceci aussi lui ressemble : Montebourg est policé, civil, il joue le jeu des institutions et des règles de la démocratie même si en même temps il ne répugne pas aux provocations voire aux bourdes. Il est d'abord un bourgeois, non pas parvenu mais arrivé, qui sut se jouer de l'ascenseur social et en fait une de ses marques de fabrique. Un petit qui monte !

Celui que l'on a appelé parfois le Saint Just de la gauche pour l'intransigeance, l'exigence de vertu et son combat scrupuleux contre tous les abus du système est révélateur de cette frange du PS qui ne s'est pas remise de la défaite de 2002 et l'interprète non pas comme une erreur tactique d'avoir laissé se disséminer les voix de gauche au nom de la pluralité, mais au contraire comme le résultat d'un parti qui se serait par trop centrisé et aurait oublié ses fondamentaux.

Mélenchon aujourd'hui ne dit pas autre chose : en appeler aux valeurs fondatrices du socialisme se retrouve ici dans la référence au mutualisme, au coopératif et même - au risque de paraître paradoxal - à F Mitterrand.

C'est tout le risque, le danger mais aussi la gloire d'une telle position : paraître ringard, s'attirer les foudres de la droite qui ne manque pas de relever cette gauche qui n'a pas compris, c'est apparaître iconoclaste.

C'est déranger le bien-pensant.

Mais cela montre combien aujourd'hui effectivement le pays n'a pas besoin de bon gestionnaires d'un système qui court à sa perte en tout cas à ses contradictions ; mais plutôt d'une radicale mutation. (3)

Si comme je le pense, le pays attend cela, et attend, outre son exaspération face à un Sarkozy qui l'aura dupé, une véritable option de changement, alors la campagne verra effectivement un retour du politique ; alors des hommes comme Montebourg compteront.

Pas plus que Mélenchon je ne le vois avoir quelque chance de l'emporter à ces primaires, dont il fut par ailleurs l'instigateur au PS mais autant que lui je lui vois le mérite de pouvoir tirer à gauche une Aubry et peut-être même un Hollande.

Y parviendra-t-il qu'il aura joué un rôle essentiel.

On verra.


1) son site de campagne ; son blog

2)

le texte de sa candidature ;

la vidéo

3) Vous l'avez compris, ma parole est celle d'un homme qui ne veut pas gérer l'effondrement du système. Je ne crois pas que la France a besoin de gestionnaires du moindre mal, car gérer un système, c'est retarder le moment de son affaissement qui se paiera très cher et trop tard pour en inventer un autre. Vous l'avez compris, je ne veux pas être l'un des gardiens de ces temples effondrés que sont devenus les systèmes politiques et économiques. Il ne faut pas gérer le système, il faut désormais le transformer. Je vous propose que nous soyons ensemble les ingénieurs de cette nouvelle France qu'il nous revient de bâtir à partir de maintenant.