Elysées 2012

Candidature

C'était la grande journée de Martine Aubry quoique perturbée, légèrement, par la visite en Sarthe des président et premier ministre, plus lourdement, par la désignation juste avant les JT de Ch Lagarde à la tête du FMI.

La voici désormais en piste dans ce jeu difficile qu'on peut comparer aussi avec la déclaration de candidature de F Hollande : difficile parce qu'il s'agit de s'adresser aux Français et donc de se donner une dimension nationale alors qu'en réalité il ne s'agit encore que d'une candidature à des primaires partisanes. C'est sans doute pour cela que Hollande commence par la Corrèze pour n'arriver à la France qu'ensuite.

On ne s'étonnera pas d'un contenu semblable ; des différences pourtant. Une critique d'emblée de la gestion sortante, de l'écart entre l'apparente action touche-à-tout et la réalité qui n'a rien réglé ; l'appel à l'avenir énergique, au courage, aux valeurs républicaines, certes, mais surtout le rappel que la France ce n'est pas la peur, le repli sur soi et quelques relents de cette philosophie du care à quoi elle avait déjà fait référence. Nul doute, en dépit des critiques surgies dès le début, en dépit de la crainte aussi que cette promesse ne soit finalement qu'une infernale machine à déceptions, nul doute que cette approche, humaniste évidemment, mais humaine surtout, ne soit sa marque de fabrique.

Ce soin de l'autre, ce souci de l'individu, présent à trois reprises dans sa déclaration a sans doute quelque chose d'apparemment contradictoire avec la tradition socialiste plus encline à embrasser le collectif que l'individuel, mais en même temps épouse si parfaitement les clichés nourris à propos de la manière féminine d'exercer le pouvoir que ce peut être l'ossature de l'image qu'elle cherche désormais à construire devant et pour les Français.

Cette femme que l'on dit colérique et autoritaire, mais que l'on reconnaît compétente, offre pourtant, ici, une image toute différente : maladroite, un peu, bafouillant à de multiples reprises un discours pourtant mesuré au millimètre, on peut le deviner; pas lyrique pour un sous contrairement à Hollande qui s'y essaie ains qu'au légendaire I have un dream, cette femme conjugue habilement force et faiblesse et ce qui pourrait apparaître à première vue fragilité est automatiquement compensé par ses assises autant que par cette humanité acceptant de laisser percer émotion et parfois larmes.

Remarquable à ce point de vue cet ancrage dans la famille aussi bien que cette référence génétique à l'Europe qui laisse poindre son père J Delors sans jamais le nommer et de le faire en même temps que la référence à Lille qui la rattache en même temps à la tradition ouvrière, au courage, à la filiation Mauroy - qui était d'ailleurs le seul présent ce jour-là et donc aussi toujours sur le mode de la suggestion à mai 81.

La promesse se présente comme un engagement de victoirece qui est assez habile dans la mesure où on sait son entêtement, son obstination même à tenir ses engagements ( voir par exemple son strict respect du calendrier ) .

Mise en scène sobre que celle de cette déclaration : tons pastel, vêture noir et blanc, les seules couleurs ressortant étant celles, à gauche, des drapeaux européen et français, tout ceci présente un dispositif ressemblant à s'y méprendre à celui des déclarations présidentielles, bien loin en tout cas du charmant désordre militant de la déclaration d'Hollande (1). La foule des militants applaudit identiquement à la phrase annonçant la candidature mais l'image est tellement différente. Chez Hollande les militants sont autour, derrière, comme pour mieux appuyer que cet homme n'est pas seul et, peut-être en réponse à Aubry, qu'il est l'homme de la base et non le candidat de l'appareil. Chez Aubry, ils sont hors champ, on les entend mais on ne les voit pas, non seulement pour mettre en avant la stature et la mise en scène élyséenne mais aussi pour désigner combien ses références, toujours suggérées on l'a dit, sa famille, son père, les valeurs, le parti, le passé victorieux, son expérience ministérielle, ne sont pas des racines identitaires mais des tremplins assurant une dynamique.

L'image ne dit pas tout mais la contre-plongée chez Aubry, et la plongée chez Hollande suggère néanmoins une envolée pour l'une, un écrasement au sol pour l'autre. Pour cela, manifestement Aubry a mieux réussi son coup. Ce que la presse semble au reste suggérer.

Rigueur, sérieux et expérience mais aussi engagement, humanité et moralité sont les ingrédients du personnage qui s'invente devant nous. Elle ne fait pas rêver- mais les autres non plus - elle a même un côté amateur de bonne volonté qui pourrait rebuter mais qui peut la servir si elle sait prolonger cette dialectique entre soin de l'autre, émotion et sérieux compétent. Cette dialectique-ci peut prendre mais aussi rapidement s'effondrer sur elle-même.

Son prochain challenge sera de filer cette métaphore dialectique mais aussi à l'issue des ultimes rebondissements de l'affaire DSK de prouver qu'elle n'est en rien une candidate de secours ...



Déclaration de candidature de François Hollande par blog_francoishollande


Martine Aubry candidate à la présidentielle par martineaubry 

voir texte de la déclaration

1) qui fait penser à celle de Bayrou en 2007