Elysées 2012

Règle d'or

Martine Aubry après sa tribune du 5 Août renouvelle l'exercice par un Point de vue : Contre la dette, pour l'emploi : ma "règle d'or" paru le 12 Août

C'est que la chose est d'importance vues, à la fois la crise financière en cours, l'impuissance de l'Europe à parler d'une voix, mais aussi l'offensive de l'exécutif pour faire passer dans le texte même de la constitution l'impératif de l'équilibre budgétaire. Où certains ne voient qu'une manoeuvre politicienne pour piéger la gauche, d'autres, un engagement moral à la rigueur budgétaire d'autant plus sain dans ce pays qui n'a pas voté de budget en équilibre depuis 1975.

Mais parler de règle d'or n'est pas anodin : c'est à la fois faire référence à la morale puisqu'aussi bien c'est sous le vocable de règle d'or que l'on désigne le principe de la réciprocité qui est au fondement de toute morale, qui en représente la valeur fondatrice ; mais c'est aussi connoter le nombre d'or où géométrie, algèbre le disputent à l'esthétique voire à la mystique où le sulfureux Pythagore a sa part.

Paradoxe

Vouloir inscrire la règle de l'équilibre budgétaire a quelque chose de la méthode Coué et c'est manifestement sombrer dans le fétichisme le plus pur que de croire que l'ayant inscrite dans le marbre de la constitution le problème serait réglé. C'est encore prendre le mot pour la chose, ou sacrifier aux délices de la com, comme Sarkozy le fit si souvent.

En même temps, après tout, ce n'est pas adopter d'autre démarche que celle des constituants de 89 ou des conventionnels de 93 qui précisément conçurent la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen non comme une solution en soi mais comme un point de repère qui fixerait à la fois les objectifs que tout exécutif doit se donner et respecter, mais aussi les moyens pour tout citoyen de juger et éventuellement de censurer les actes de l'éxécutif :

Les Représentants du Peuple Français, constitués en Assemblée Nationale, considérant que l’ignorance, l’oubli ou le mépris des Droits de l’Homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des Gouvernements, ont résolu d’exposer, dans une Déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l’Homme, afin que cette Déclaration, constamment présente à tous les Membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs ; afin que les actes du pouvoir législatif, et ceux du pouvoir exécutif, pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés ; afin que les réclamations des Citoyens, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la Constitution et au bonheur de tous. (3)

Piège

C'est surtout un piège car graver dans le marbre et donc figer une politique économique et monétaire ; faire comme s'il n'était qu'une solution, qu'une politique économique possible. Or, on sait bien que la stratégie Keynes est possible, qui fut réalisée déjà, faisant de la dette publique un moyen de relancer l'économie.

Le piège est d'autant plus cru que la règle semble de bon sens : ne pas dépenser plus que ce que l'on gagne ! que chacun peut, en comparant avec ses propres finances, mesurer les frasques et dangers d'un surendettement.

C'est oublier deux choses :

- Le long passé de la dette publique : elle est aussi ancienne que nos Etats modernes. Ce qui l'abonde : outre le financement des conflits, le soutien de l'activité économique et la politique sociale. Ce qui est plus récent : le soutien des banques.

- L'aggravation de la dette lors de la précédente crise de 2008. Il y a quand même quelque cynisme de la part des banques, des agences de notation, des investisseurs de fustiger aujourd'hui les dettes publiques quand on aura, il y a deux ans, joué d'un fabuleux tour de passe-passe qui aura consisté à mutualiser la dette privée. Ceux-là même qui profitèrent manifestement de l'absence de régulation, sont ceux-là même qui aujourd'hui, non seulement refusent toujours toute régulation stricte des échanges financiers mais surtout font la moue contre les Etats, et jouent, via notamment la vente à découvert, contre les Etats, contre l'euro ...

Pour débarrasser le secteur privé de ses mauvaises dettes, on a alors surendetté... le secteur public. "C'était la seule chose à faire mais on a déplacé le problème", commente Jean-Paul Pollin, professeur à l'université d'Orléans. A fin 2010, l'endettement public des pays développés représentait 92 % de leur produit intérieur brut (PIB), contre 78 % avant la crise, explique-t-il. Aujourd'hui il faut désendetter les Etats mais sans la croissance, l'équation est difficile à résoudre. (5)

Propositions ?

Au delà des réformes proposées - retour sur la défiscalisation des heures supplémentaires, retour sur les niches fiscales en général - par delà la promesse d'une politique industrielle vigoureuse remarquons surtout ceci :

- le paradoxe d'une droite au pouvoir qui n'a pas été particulièrement le grand défenseur de la rigueur budgétaire - même si 2008 peut apparaître comme un des arguments de sa défense - mais qui quand même vient donner des leçons de riguer budgétaire.

- le piège d'une gauche qui ne peut rester silencieuse sur la question sans passer soit pour pusillanime, soit pour incompétente, soit, pire encore, pour victime de prodigalité chronique et irresponsable.

 

D'où ces interventions des uns et des autres, au creux de l'été.

D'où le dilemme de la gauche :

jouer sur le registre même de la rigueur budgétaire et risquer de sombrer dans le discours technocrate, inintelligible et donner des gages incessants à la droite ;

ou bien changer de registre.

Mais là, manifestement ce serait plus du Mélenchon que du Aubry voire du Hollande !

 


1) Point de vue : Contre la dette, pour l'emploi : ma "règle d'or"

2) L'express du 8/08/11

L'Elysée entend profiter de la crise financière pour contraindre le PS à voter la "règle d'or" budgétaire.

Plus la crise européenne s'avance, plus l'opposition des socialistes français à la "règle d'or" telle que la prône Nicolas Sarkozy paraît intenable.

Manuel Valls, candidat à la primaire PS, réputé pour incarner l'aile libérale du parti, a admis "ne pas être hostile sur le principe", avant de vivement critiquer la méthode du Président sur son projet d'inscrire la "règle d'or" budgétaire dans la Constitution.

"Il doit discuter avec les dirigeants de l'opposition" a estimé le maire d'Evry au micro d'Europe 1. "Elle [cette mesure, ndlr] ne peut pas être adoptée de façon politicienne en imposant (...) une réforme", a-t-il poursuivi.

"Piéger le parti socialiste"

La question d'une convocation du Parlement en Congrès sur ce sujet devrait être débattue à la rentrée. Le projet de loi a été adopté par l'Assemblée et le Sénat avec les seules voix de la majorité. Or, sans le PS, le gouvernement ne pourra pas réunir la majorité des 3/5èmes requise au Congrès.

Fidèle à sa réputation de trublion du PS, Manuel Valls s'est ainsi démarqué des autres responsables socialistes, qui ont indiqué qu'ils ne voteraient pas cette réforme, dénonçant une "opération de communication" du chef de l'Etat sur le sujet.

Le candidat a tout de même conclu avec une charge en règle dirigée contre l'Elysée: "Le président de la République, qui a dilapidé les finances publiques, veut à quelques mois de l'élection présidentielle, apparaître comme celui qui est capable d'imposer cette règle d'or (...) (et) piéger le Parti socialiste".

Tollé à gauche

La lettre adressée le 26 juillet dernier par Nicolas Sarkozy à tous les parlementaires, les invitant à "se rassembler" en votant cette proposition, a provoqué un tollé à gauche.

Hollande, Aubry, Ayrault et Royal, avaient signifié leur opposition ferme à cette proposition. Mais les rebondissements internationaux de ces derniers jours et le contexte de crise de l'Eurozone compliquent leur posture. L'accord de principe arraché le 25 juillet à François Bayrou par l'Elysée isole de plus en plus les socialistes.

A quelques mois de la présidentielle, l'enjeu est plus que pour Nicolas Sarkozy est d'apparaître comme "responsable", face à des socialistes qui ont toutes les peines du monde à s'émanciper de leur réputation dépensière.

3) lire

- le texte entier de la déclaration de 89

- le préambule de celle de 93 :

Le peuple français, convaincu que l'oubli et le mépris des droits naturels de l'homme, sont les seules causes des malheurs du monde, a résolu d'exposer dans une déclaration solennelle, ces droits sacrés et inaliénables, afin que tous les citoyens pouvant comparer sans cesse les actes du gouvernement avec le but de toute institution sociale, ne se laissent jamais opprimer, avilir par la tyrannie ; afin que le peuple ait toujours devant les yeux les bases de sa liberté et de son bonheur ; le magistrat la règle de ses devoirs ; le législateur l'objet de sa mission. - En conséquence, il proclame, en présence de l'Etre suprême, la déclaration suivante des droits de l'homme et du citoyen.

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4) lire article de G Béaur

5) Cécile de Corbière et Claire Gatinois Ressemblances et dissemblances des crises
Le Monde du 14/08



La règle d'or, c'est une règle de bon sens"... par FranceInfo