Elysées 2012

Candidature

C'était la grande journée de Martine Aubry mais ce fut en même temps un cas d'école en matière de stratégie électorale ...

Diversion et autre diverse occupation de terrain

Sarkozy et Fillon complices dans la Sarthe par BFMTV 

Dans cette phase préparatoire où les différents protagonistes se mettent en place, on l'a déjà dit, le tout est d'occuper le terrain. Aisé pour la gauche à cause des primaires, la chose est plus délicate pour la droite. Sarkozy sait qu'il doit prendre de la hauteur et pour cela reconquérir cette stature qui lui manque, mais pour autant ne peut disparaître.

Par définition, nous rentrons ainsi dans la phase où règnera inévitablement la confusion entre le candidat et le président : confusion a priori favorable car les occasions réelles ou suscitées ne sauraient manquer pour un président d'apparaître sur la scène internationale ou nationale.

Cette visite dans la Sarthe, totalement inutile en soi, eut comme unique but de se montrer et la bonne santé du couple Sarko/Fillon. Le Monde ne lui consacre pas une ligne ( 1) mais les JT l'auront mise en avant. Télescopage politique ce fut aussi le jour de la nomitation de Ch Lagarde à la tête du FMI. Prudence du plan de communication cette visite visait à contourner l'incertitude d'une nomination qui n'interviendrait pas nécessairement assez tôt pout faire la Une des JT. Ce fut pourtant le cas !

Pauvre Aubry ! coincée qu'elle fut ainsi entre ces deux événements et qui la reléguèrent à la seconde place des unes. Mission accomplie. Mais de ce point de vue seulement. Le peu de couverture de ce déplacement d'une part, l'image relayée par les deux hommes ensuite, le fait enfin que la ficelle était décidément bien grosse, montrent qu'il fut contre-productif. Merci Mme Lagarde !

Regarder de près les photos suscite quelques réflexions :

- Fillon arc-bouté sur sa moue boudeuse n'a pas l'air à la fête. Celui que l'on disait grand vainqueur du remaniement de l'automne, et qui le fut effectivement pour avoir su assurer son maintien à Matignon ; celui qui, de toutes façons, égalera ainsi Jospin, mais dans des circonstances tellement différentes, d'avoir dirigé ainsi un gouvernement de législature, ne cesse pourtant d'être l'ombre atrabilaire de son mentor. Oui, l'homme est malin qui sait courber l'échine quand il le faut, et monter au créneau quand nécessaire, mais on attend toujours le rééquilibrage de cette dyarchie qu'on nous promettait lors du remaniement. La pré-campagne aidant, je ne vois pas comment il pourrait demain réhausser sa posture, lui qui devra servir de marche-pied, au mieux ; de repoussoir, au pire, si, comme il est prévisible, Sarkozy tentera comme il le faut de mettre l'accent de sa campagne plutôt sur la promesse d'avenir que sur le bilan.

- Le prétexte de la sécurité alimentaire cache malaisément le côté République aux champs qui vous a un relent IIIe République parfaitement anachronique. Poulet et cidre, avec cette moue mi candide mi dégoûtée du citadin qui n'a de la campagne que la rémanence maussade et consumériste du gîte rural un peu trop rustique pour ne pas être l'ennui de ses vacances adolescentes. Elevage trop industriel pour paraître écologique, paysage trop boueux pour un pays qui a depuis trop longtemps perdu ses sources paysannes.

- La ficelle est décidément trop grosse : elle est toujours vulgaire quand elle se voit. Il en va ici de la communication comme de l'art. Qui ne fonctionne pas sans technique (les fameux 95% de transpiration) mais qui ne produit d'effet que si elle disparaît sous l'originalité du regard, de la perspective offerte, de la sincérité du propos ( les 5% d'inspiration ) . Ce pourquoi, ici, il reste un point, intangible autant qu'insaisissable, précieux autant qu'imperceptible entre la platitude et le génie, la vulgarité et le beau. Ce pourquoi là demeure la même frontière entre la rhétorique habile et l'obscène coup de com. Il est toujours difficile de deviner mais aisé de comprendre a posteriori ce qui fit l'échec ou la réussite d'un propos ou d'une qéquence comme on dit désormais. Le contexte, assurément, mais on ne me fera pas croire que le contenu même du message à transmettre n'y a pas sa part. Or, ici, rien ou presque ; en tout cas rien qui méritât qu'on s'en souvînt ! rien qui fût à la mesure des autres événements du jour quand même on chercha ostentatoirement à les contre-balancer. Reste fascinant, demeure à interpréter cette frontière si étrange où subitement, l'art du propos, celle de la mise en scène, de l'argumentaire ou de a rhétorique, au lieu de favoriser la transmission la bloque ! Reste fascinant ce moment où le propos n'est plus entendu, est récusé non pas malgré son habileté mais précisément à cause d'elle. Ce sera tout le problème du président sortant dont tout le monde s'accorde à penser qu'il fit une excellente campagne en 2007 et qui est précisément perçu comme un activiste de la communication que son hyper-activité depuis n'aura fait que confirmer. Pour gagner demain, l'habileté ne suffira plus !

 

 


1) un article néanmoins dans le blog d'Arnaud Leparmentier

Lire le récit de la journée ici ou