Elysées 2012

Eva Joly (1)

Ce sera donc elle qui aura donc réussi à évincer le trop médiatique Hulot.

On peut évidemment faire de cette victoire plusieurs lectures et on les retrouve ça et là dans la presse :

Une fermeture politique des écologistes sur ses valeurs par opposition à l'ouverture politique qu'était supposé représenter Hulot ?

Un raidissement face au diktat médiatique ou ce qu'on a appelé la peopolisation ? Il est vrai que la presse avait proclamé par avance la suprématie d'Hulot ce qui souligne les conclusions toujours précipitées, souvent péremptoires de la presse. les vacances de M Hulot

J'y devine bien autre chose.

L'affirmation d'un projet écologique global : c'est bien ce que signifie le concept d'écologie politique. Il ne s'agit pas de saupoudrer ici et là de quelques préoccupations environnementales les projets politiques traditionnels, il s'agit au contraire d'inventer face aux stratégies productivistes qui sont communes à la gauche et à la droite, une nouvelle manière de promouvoir le développement économique et social. Même s'il est évident que c'est ici une candidature de premier tour qui suppose une alliance électorale avec le PS pour le second tour - et surtout pour les législatives suivantes - l'essentiel se joue bien dans la capacité à promouvoir une radicale alternative entre le libéralisme de la droite et le productivisme de la gauche. * Cette radicalité-là, que les médias n'entendent pas encore, trop embourbés dans les canons politiques classiques, est l'enjeu de cette candidature : le corps électoral l'entend-il ? la désire-t-il ? Après une quinzaine d'années de gouvernements de gauche (Mitterrand puis Jospin) et la douzaine d'années de droite (Chirac avec Juppé puis Raffarin, puis Sarkozy), l'électorat sent, plus ou moins confusément que les solutions traditionnelles ne fonctionnent plus, que nos politiques perdent la main et que tout se passe comme si le réel désormais leur échappait. Le temps semble venu, l'imminence des périls environnementaux aidant, pour que devienne audible une autre façon d'envisager la politique mais en même temps de conduire le développement économique et social. A ce titre, l'anaphore de son discours est loin d'être anodine qui en appelle à la fois à une société plus républicaine, plus juste, plus ouverte. Et à ce titre au moins, la victoire de Joly est tout le contraire d'une fermeture politique.

La figure d'E Joly ensuite : bien plus que son image médiatique d'ailleurs. Son origine norvégienne d'abord, son passé de juge impartiale et intransigeante face aux affaires financières (ELF), la connotation morale, presque austère, que suggère cette double référence, à la fois nordique et juridique, renvoient à une autre manière de concevoir la politique - à l'antithèse évidente d'un Sarkozy tapageur - à une figure plus classique du politique où, derechef, la stature a son rôle à jouer. Je ne crois toujours pas que la campagne se fasse demain sur un retour à la morale dans ce qu'elle pourrait avoir d'étriqué et de réactionnaire, mais je suis de plus en plus convaincu en revanche qu'elle se fera aussi sur le registre de la dignité, de la hauteur. Qu'elle soit de surcroît une femme, et pas une politique professionnelle, ne fait qu'ajouter à l'inédit de cette victoire. Loin de tout faire-savoir médiatique, à l'opposé de la sophistication affichée des spécialistes de la communication et autres coachs vernaculaires, elle a de son passé judiciaire l'art de parler net, et de dénouer les fils sans trop de moyens mais avec une ténacité exemplaire. Ah cette monture rouge... il fallait l'inventer. Ce quelque chose d'in, de jeune, et dont elle se joue, qui en même temps souligne et gomme les rides de cette jeune retraitée. Ce cheveu en bataille, aussi, savamment négligé (2) , qui lui confère ce côté vieille dame indigne à qui on ne la fait pas - ou plus. Tout ici entremêle le respect de l'ordre et la révolte, la sérénité de l'âge et l'impétuosité de la militante. Jusqu'à ce douçâtre chuintement qui chante les origines jamais oubliées mais l'amour de la France comme le refrain d'une intégration à toujours recommencer. Oui, décidément, cette femme est un poème, quelque chose comme l'ultime tercet dont on espère l'envolée ; est la dialectique incarnée, quelque chose comme le troisième terme tant attendu qui dépasse les affres contradictoires et ouvre sur un ailleurs ; est un paradoxe mais pour une fois, ce n'est pas celui du menteur.

La demande de dignité enfin : après les obscénités ancillaires des uns, les prévarications financières des autres, et la vulgarité tapageuse du sortant, E Joly - comme sans doute M Aubry d'ailleurs - incarne un souci de clarté, plus que de pureté; de sincérité, plus que de vérité. La morale y a sa part, mais justement ce n'est pas celle ultra-montaine de je ne sais quel délire sécuritaire et réactionnaire ; ni celle du discours creux et si vague sur les valeurs.

Il faudra y revenir.

 


1) Libération du 12/07/11

sur le site d'E Joly , son premier discours : en intégralité

Je représenterai la France de l’écologie. La France qui travaille pour les générations futures. La France qui place l’intérêt général au-dessus de celui des lobbies et du profit immédiat. La France qui change de modèle, qui retrouve le souffle de l’avenir.

L’écologie, c’est l’économie au service de l’homme et non l’homme au service de l’économie.

La croissance sans fin qui serait le remède à nos maux est une chimère. Non, la croissance n’est pas la réponse au chômage et à la pauvreté.

Nous sommes pour la redistribution des richesses. Nous sommes pour la modération énergétique et la sortie du nucléaire.

Nous devons engager la conversion de l’économie, passer d’une société jetable à une société durable. Nous ne pouvons continuer à enfouir dans nos campagnes des machines à laver et des frigos qui sont fabriqués pour tomber en panne au bout de 3 ans. Forêt amazonienne qui devient une savane où pousse le soja transgénique qui va être transporté à travers les océans pour nourrir le bétail. La savane africaine qui devient un désert. Ou la pêche industrielle qui anéantit les fonds marins.

Je représenterai la France qui n’accepte pas les discriminations et les ghettos.

La France du XXIème siècle, dont l’identité n’est pas la nostalgie d’un âge d’or imaginaire, mais un projet ouvert, riche de ses différences. Je représenterai la France des régions souvent niées dans leurs traditions. La France des accents et des sangs mêlés. La France des banlieues, des chômeurs, et des petits salaires.

Je représenterai la France qui pense que la fraternité est notre bien le plus précieux. La France qui refuse de vivre sous le régime des privilèges. Celle qui désire de toutes ses forces retrouver l’esprit de la République.


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2) Il fallait oser proposer une telle image comme photo officielle au parlement européen