Elysées 2012

Stature présidentielle

Celle que mesure donc les sondages (1) sans qu'on définisse pour autant de quoi l'on parle. En réalité il s'agit de l'adéquation de la personne et de la charge, de la capacité de celle-là à se mettre à la hauteur de celle-ci. Qu'on le veuille ou non, on parlera de hauteur, de dignité presque autant que de capacité. Ce type de concept est ambigu, flou qui désigne plus une image, une impression qu'il ne renvoie à des attributs clairement définis. (suite)

Dimension, élévation, valeur que présente sur le plan moral une personne, une collectivité. Synon. carrure, classe, envergure. Un peuple qui aurait Tacite pour évangile politique grandirait au-dessus de la stature commune des peuples (Lamart., Raphaël, 1849, p. 257). Wagner est le contraire de l'homme qui en réduisant sa stature rejoint la grâce: il lui faut l'ampleur illimitée des mouvements; et, de tous les genres, celui qui lui est le moins naturel est l'idylle précisément (Du Bos, Journal, 1927, p. 383). 3

La présidence, vue du côté de la Ve république souffrira toujours de l'ambivalence de qui est à la fois arbitre et acteur de plein droit. Du premier il doit tenir la logique du symbole, de l'image, la fonction de rassemblement et de guide. Du second celle de l'efficacité, de la réussite et de l'engagement. ** Du premier quelque chose comme de la distance, de la hauteur qui se conjugue ici en rareté ** ; du second, de la présence, du discours, de l'explication, de la justification. (ce qu'en disait de Gaulle en 65 )

D'avoir sciemment rabattu le premier sur le second, d'avoir contrejoué la proximité par l'usage d'une langue sinon vulgaire en tout cas relâchée alors même que sa politique visait objectivement à réduire les acquis de ses électeurs populaires et apparaît nettement comme la défense des nantis, il n'est pas étonnant qu'il le paye en ce moment par ce qui s'avère plus que du désenchantement, plus profond que du désamour : du rejet. Ce qu'illustre ce paradoxe que le président sortant se voit dénié la stature présidentielle.

Qu'on le veuille ou non il y a du sacré dans le politique et quelque chose comme une symbolique de l'incarnation. La représentation politique n'est pas théâtrale mais métaphysique ; n'est pas symbolique mais eschatologique. (4)

De Gaulle l'avait compris qui tirait sa légitimité de l'histoire, de son ancrage dans les entrailles de la nation. Qui sut conjuguer austérité avec faste du rituel, hauteur avec présence tutélaire : ce qui en réalité signe les qualités de ce que l'on nomme un grand homme. Progressivement, avec Pompidou un tout petit peu, avec Giscard beaucoup, avec Sarkozy à en vomir, la légitimité se sera transformée en gesticulation et la représentation en communication. Pompidou se savait en deçà de de Gaulle et joua, comme il put, de sa qualité de français ordinaire, tout en investissant la grandeur de sa fonction. (5)

C'est bien en cela qu'Hollande sans doute se trompe, même si l'on peut comprendre ce qu'il voulut dire en évoquant un président ordinaire. S'il s'agit de récuser cette hyperprésidence brouillonne, bavarde, ostentatoire, pour ne pas dire exhibitionniste, on ne peut qu'être d'accord. Mais, non vraiment, un président faute de s'y perdre ne saurait être ordinaire. Un président ordinaire est un président en échec.

L'hyperprésidence n'est jamais que la psychose d'un hyperactif, et revient sinon à un viol en tout cas à une dérive de la constitution qui malheureusement laissera des traces. Hollande pose un véritable problème constitutionnel mais rate l'enjeu politique.

C'est bien tout le drame de la gauche qui, depuis Mitterrand, ne sut sécréter d'homme d'exception. Celui-ci avait un indéniable charisme quand même son byzantinisme aura pu agacer. Nous manquent des Jaurès, des Blum, des Mendès : des hommes qui sachent à la fois faire rêver et penser, et qui donnent envie, besoin de se mobiliser et d'agir.

De Gaulle a voulu cette grande rencontre mystique d'un homme avec le peuple : la vulgarité est toujours le prix à payer d'une rencontre qui ne se fait pas. Ou mal.

Hollande ? Aubry ? Font-ils rêver ? Ont-ils ce charisme qui vous pousse à vous dépasser ?

J'en doute encore ! Il le faudrait pourtant.


1) L'autre différence entre François Hollande et Martine Aubry tient à leur stature présidentielle. Le premier devance assez nettement la seconde (63% contre 54%) auprès de l'ensemble des Français, et il jouit d'une légère avance auprès des sympathisants socialistes, qui sont 38% à penser qu'il a "tout à fait" une telle stature, contre 32% pour elle.

(...)

De façon plus préoccupante, Nicolas Sarkozy accuse un fort retard en termes de stature présidentielle. Moins d'un Français sur deux (49%) l'en estime doté, et il est même devancé sur ce plan par Dominique de Villepin – qui plafonne pourtant à 4% dans les intentions de vote. "Le fait qu'un chef d'Etat en exercice ait une stature présidentielle si basse est inédit: en général, ce sont les prétendants qui ont du mal à acquérir une telle stature, observe Brice Teinturier, directeur général délégué d'Ipsos. Le rejet de Nicolas Sarkozy est tel que sa position institutionnelle ne compte pas et que les efforts qu'il fait pour se “présidentialiser” ne paient pas." Ce rejet est-il durable? Pour Brice Teinturier, la réponse est oui. "Les Français jugent insuffisants les résultats de Nicolas Sarkozy. Il n'y a aucune raison qu'ils changent d'avis dans les prochains mois. Seule l'entrée dans la vraie campagne électorale, après la primaire socialiste du mois d'octobre, redistribuera les cartes."

Le Monde enquête ipsos

2) voir ce que nous écrivions sur le temps long du politique 

3) définition

4) relire ce que nous en écrivions ici et

5) relire l'interprétation que nous faisions de cette représentation électorale


Le contenu de cette page nécessite une version plus récente d’Adobe Flash Player.

Obtenir le lecteur Adobe Flash