Elysées 2012

Haraut sur le collège unique.

C'est la nouvelle croisade de notre président : le collège unique.

Après la mise en place de l'école obligatoire et gratuite, après l'installation du collège unique, dans les années 1970, cette personnalisation des parcours scolaires doit constituer "la troisième révolution à mettre en oeuvre" dans l'éducation.
Le président et son ministre de l'éducation nationale réfléchissent notamment à une multiplication des "passerelles entre enseignements général, technique et professionnel, entre filières littéraire et scientifique". "Nombre de familles voient l'orientation comme une sanction et pas comme un choix. Il faut absolument que l'excellence soit déclinée dans toutes les filières", a affirmé M. Sarkozy. "Le processus d'orientation doit être plus progressif et réversible", a renchéri M. Chatel. (1)

Aplomb

Le moins que l'on puisse dire est qu'on ne manque pas d'aplomb de ce côté-ci. Au moment même où on dégraisse à tout vât les effectifs enseignants, où l'on ferme des classes quoiqu'on dise, où des copies de philosophie de bac restent sans correcteur - et je ne parle pas des fuites - au moment précisément où la politique drastique de compression budgétaire fait au mieux sentir ses dégâts, on proclame la nécessité d'un parcours personnalisé qui, si les mots avaient un sens, supposerait nécessairement des moyens supplémentaires.

1e interprétation : des mots, comme toujours, des effets d'annonce qui ne seront suivis d'aucun effet.

2e interprétation : l'assaut effectivement contre le collège unique lequel a certes des défauts mais renvoyait quand même à quelque chose qui ressemble à l'égalité. (2)

Une logique de la performance

Sous des allures de bon sens (plutôt que de répartir également les aides au risque de les disséminer, concentrons-les là où elles sont les plus utiles) , sous l'égide de l'efficacité, la mise en place par exemple de laboratoire d'excellence, d'initiatives d'excellence.... : partout en réalité il s'agit de favoriser les meilleurs, les plus rentables, les plus prestigieux.

La logique managériale est une justice de la performance pas une justice sociale.

Derrière le prétexte du parcours individuel, qui après tout pourrait être entendu positivement comme une réponse ajustée aux besoins et aspirations de chacun, se niche en réalité une véritable politique pour les nantis, pour les élites.

Mais se cache aussi une sournoise distribution des tâches.

On n'a pas assez remarqué, par exemple, que la manière libérale d'entendre la décentralisation aura consisté à transférer tout ce qui est social aux régions, aux départements et ce - d'ailleurs - sans en transférer pour autant les moyens budgétaires. A l'Etat le régalien, le prestige, la réussite; aux régions les basses oeuvres, la glaise, le social, les pauvres.

C'est exactement ce qui risque de se passer ici. De la même manière que l'on a déjà délégué aux municipalités la garde des enfants durant les jours de grève, de la même manière que, sans moyens, on a délégué à la bonne volonté des enseignants, voire aux initiatives des parents, l'organisation du soutien scolaire, sans affectation d'aucun moyen je dis bien. C'est la même répartition : globalement on supprime des postes, des classes, on bloque les salaires le tout sous le prétexte de financer quelques initiatives d'excellence; localement on laisse aux initiatives le soin de gérer la pénurie.

Tous, nous savons que le collège est le maillon faible de l'éducation nationale. Et ne peut que l'être vu la tranche d'âge difficile qu'il couvre. En réalité derrière cette ultime offensive contre le collège unique, se joue une privatisation camouflée. Il n'y a qu'à reprendre les arguments utilisés lors du vote de la LRU : au nom de l'autonomie et des moyens supposés supplémentaires accordés (aux meilleurs s'entend) s'anoncera bientôt la sanction qui permettra de distribuer entre les meilleurs et les plus mauvais des moyens différenciés. C'est cela qui s'annonce pour les universités dont on évoque déjà le classement en universités de proximités et universités d'excellence. C'est cela que la disparition de la carte scolaire réinvente pour le lycée. C'est cela qui arrivera au collège bientôt.

Derrière cette révolution scolaire que pompeusement on nous annonce, une prodigieuse régression sociale. Une de plus !

Reste à savoir ce qu'électoralement un tel thème peut produire. Certes, l'école est génétiquement associée à la république, mais l'électorat se laissera-t-il encore une fois prendre au piège d'une telle annonce ? Elle télescope tellement la réalité du terrain que j'en doute.

A surveiller !

 

 


un excellent dossier quoique ancien (2001) de la Documentation Française qui met en évidence que déjà le RPR désirait sa suppression à l'époque.

1) voir article du Monde :

2) voir ici ou ici ou encore

Dans le Monde du 25/06/11 Sarkozy raille le programme économique du PS

"Le rapport de la Cour des comptes, j'y attache un grand intérêt mais je n'ai pas cru qu'il m'était adressé", a-t-il ironisé. "Je pense que le premier président de la Cour des comptes, M. Migaud, s'est souvenu de ses amitiés et qu'il a voulu adresser un message à ceux qui pensent qu'il ne faut pas respecter le rendez-vous de 2013, qu'il faut s'exonérer de la règle du 'un sur deux' [le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite], qu'il faut refuser de voter la 'règle d'or' et qu'il faut remettre en cause la réforme des retraites pour revenir à la retraite à 60 ans", a-t-il souligné