Elysées 2012

Escarmouche

Ce n'est pas la première fois mais il récidive contre les primaires socialistes. 1

On connaît la stratégie qui consiste à déstabiliser l'adversaire avant même que celui-ci ne tire ses premières salves. Elle est d'ailleurs passablement contradictoire.

D'un côté la droite se réjouit de ces primaires qui obligent les protagonistes à livrer bataille très tôt et risque de les épuiser avant même la confrontation générale, de l'autre cette critique qui laisse accroire que la droite craindrait ces primaires.

Le risque est pourtant grand pour la gauche : que les conflits d'appareil resurgissent, que la lutte des egos refleurisse et, au lieu d'un programme dynamique et d'alternance, ce sera la division des ambitions étriquées qui obèrera l'image de la gauche. La seule gêne pour la droite reste que la période des primaires, socialistes après celles des écologistes, ouvrira une fenêtre médiatique que la gauche occupera d'autant plus pleinement que la droite, faute d'un candidat déclaré quoique évident, ne manquera pas de laisser à ses adversaires.

Signe d'une fébrilité de la droite devant une élection qui n'est pas gagnée d'avance ? Sans doute ! On fera flèche de tout bois et le moins que l'on puisse dire est que le combat sera âpre.

L'argument utilisé est révélateur : on accuse la gauche, ni plus ni moins d'être liberticide. En jouant sur l'existence de fichiers d'électeurs on joue, sans le dire, sur le souvenir latent mais encore tellement présent du fichier juif de la police de Vichy : de la délation à la pression morale ou financière, voici le PS transformé en grand ordonnateur de la traque des opposants, de la rafle des votes.

L'antienne avait déjà servi en 2007 : celle d'une gauche infidèle à ses principes et qui eût trahi les travailleurs. D'où la référence réitérée alors à Jaurès. Aujourd'hui c'est celle d'une gauche prompte à enfreindre les principes qu'elle s'est donnés : la liberté. D'où encore cet agacement à plusieurs reprises affirmé d'une gauche aisément donneuse de leçons ; d'où également cet empressement, juste après l'éclatement de l'affaire DSK, à se réjouir qu'au moins la gauche ne pourrait plus jouer sur l'argument moral.

Il est encore trop tôt pour le dire mais je ne serais pas surpris que la campagne se joue aussi sur le terrain de la morale : ici on tirera vers le bas en se jouant des turpitudes sexuelles des uns et des autres, là on en appellera aux grands principes. Mais il ne fait pas oublier que la campagne de 2007 a laissé des traces que le quinquennat aura creusée. La captation des voix d'extrême droite autant que l'appel au rétablissement de la valeur travail se seront opérés selon des mots d'ordre simples qui se sont révélés n'être que des coups de communication. L'électorat ne l'a pas oublié.

C'est la grande faiblesse du candidat sortant. Qui n'a rien à voir avec ce que ne peuvent encore expliquer ces sondages prématurés. Chirac avait été supermenteur; Sarko est le super truqueur ! l'homme des coups de com, l'homme des mirages camouflant mal une politique récidiviste de régression sociale.

Il y a dans ce pays un sentiment qui n'est déjà plus diffus, d'avoir été floué, dupé ! La droite pourra malaisément jouer de l'argumentaire de la rupture; encore moins de celui de la morale sans risquer qu'il lui revienne à la figure.

Le poids le plus lourd : l'insincérité !


1) Libération 19/06/11

La primaire socialiste devient la cible de la droite. Le secrétaire général de l'UMP, Jean-François Copé a dénoncé la primaire PS comme "un gigantesque fichage politique" dans un entretien au JDD dimanche.

"Dans les villes socialistes, vous imaginez les conséquences pour les agents municipaux ou les présidents d'association qui ont des subventions, s'ils ne participent pas à cette parodie d'élection?", interroge-t-il. "Le PS, qui donne toujours des leçons, remet en cause la liberté individuelle et le respect des opinions politiques de chacun. C'est profondément scandaleux!", poursuit-il.

Il avait déjà fait part de ses inquiétudes sur les primaires et expliqué vendredi dans un entretien à La Dépêche du Midi que le PS était "en train de se constituer à travers ses primaires, un des plus grands fichiers d’opposants politiques jamais réalisé".

La ministre de l'Ecologie Nathalie Kosciusko-Morizet a jugé dimanche sur RCJ que les primaires organisées par le PS en vue de la présidentielle étaient une idée "tout à fait intéressante", mais qu'il y avait un "problème" avec les fichiers des votants. La ministre de l'Ecologie Nathalie Kosciusko-Morizet a jugé dimanche sur RCJ que "ce ne sont pas les primaires qui sont problématiques, chacun a bien le droit d'organiser sa vie partisane interne comme il le souhaite" mais que "le problème, ce sont les fichiers." "On nous dit que les listes seront détruites après, ça on n'en est jamais bien sûr. De toute façon, même si la liste est détruite après, sur le coup la liste a existé, donc on sait qui, dans sa collectivité, se déclare comme étant de gauche ou étant de droite. Je trouve ça assez problématique", a ajouté la numéro quatre du gouvernement.

Même critique pour le ministre de l'Intérieur Claude, qui pointe "un vrai problème" concernant "la possession de la liste d'émargement après la consultation, c'est-à-dire la liste de ceux qui se sont exprimés en affirmant une sympathie à l'égard du Parti socialiste", qui "va permettre d'obtenir une sorte de liste des opinions politiques de Français". Il réclame des "garanties" sur la destruction de ces listes.

La Cnil saisie

Vendredi, le député Edouard Courtial, en charge des Fédérations à l'UMP, avait saisi par courrier la Commission nationale informatique et libertés pour lui demander d'interdire la primaire PS "non prévue par nos textes". "Cette élection particulière" ne peut "en aucun cas être assimilée aux scrutins qui régissent le fonctionnement normal de notre démocratie: non prévue par nos textes, elle n'opposera que des candidats issus du même parti. Par conséquent, l'Etat n'a pas à apporter un quelconque concourt à son organisation", fait-il valoir dans son courrier au président de la Cnil dont l'AFP a eu une copie.

"Nombre de fonctionnaires territoriaux m'ont ainsi alerté sur les risques de fichage qu'entraineront de telles modalités de vote et sur les conséquences qu'elles pourront avoir directement sur leur situation personnelle et le déroulé de leur carrière", écrit encore M. Courtial.

Paranoïa

Dans la même édition du JDD, le porte-parole du PS, Benoît Hamon répond à à ces accusations: "On est dans la paranoïa sans aucun fondement et dans la peur panique de la droite de voir la gauche réussir ce vote populaire". Dans la soirée de dimanche, le candidat à la primaire -et inspirateur du processus- Arnaud Montebourg a précisé que "le fichier n'est pas à la disposition des maires". Il aussi ajouté que les fichiers seront détruits immédiatement, comme le préconise la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil). "Nous avons consulté la Cnil, il n'y aura pas de fichage, sauf des personnes -c'est pas un fichage- qui voudront donner leurs mails ou leurs adresses. Si elles veulent recevoir des informations du candidat désigné, (elles) pourront le faire, mais sur une base volontaire", a-t-il dit. "La droite et Jean-François Copé tentent d'empêcher une bonne procédure. Qu'ils laissent les Français décider eux-mêmes !", a déclaré pour sa part le candidat à la primaire François Hollande à des journalistes qui l'interrogeaient à la sortie d'une rencontre avec le Mouvement des jeunes socialistes à Asnières-sur-Seine (Hauts-de-Seine).