Elysées 2012

Royal et le gaullisme

Dans un texte paru le 23 juillet dans le Monde, S Royal fait suite à ses voeux d'ouverture large jusque vers les gaullistes, confirmant en cela les surprises qu'elle avait annoncées.

Référence y est ainsi faite à Jean-Marcel Jeannenay, décédé depuis, qui lui aurait envoyé un courrier de soutien en 2007, qu'elle cite largement.

Gaulliste historique, plusieurs fois ministre sous de Gaulle, dans le gouvernement Debré (59-62) puis de 66 à 69, retiré après le départ de de Gaulle, il a cette particularité d'avoir appelé à voter Mitterrand en 74 et 81 et soutenu Royal en 2007.

Il est fils d'une grande famille républicaine : son père Jules fut président du Sénat de 32 à 42 ; il est aussi le père de Jean-Noël fut à deux reprises (* et **) secrétaire d'Etat sous la présidence de Mitterrand dans les années 90 puis président de Radio-France.

Il représente, sans jamais avoir été baron, une des hautes figures du gaullisme historique, qui, un peu comme Malraux, n'imaginait pas l'avenir du gaullisme sans de Gaulle. Sans doute avait-il aussi cette fibre sociale qui lui fit en son temps soutenir les projets de participation, et rejoindre les Réformateurs centristes dans les années 70 puis soutenir la gauche.

Il est en même temps caractéristique de ce que fut le gaullisme : moins une théorie, encore moins une idéologie, non un très brillant pragmatisme politique doublé d'un très haut sens de l'Etat Républicain, une sensibilité politique pour période et homme d'exception, qui ne tarda pas à se commettre avec les affairismes de notable, les intérêts classiques et se fourvoyer dans une gestion très classique, pour temps ordinaire avec un Pompidou ; souvent gâché en même temps par un fourre-tout partisan qui y plaça à peu près tout ce qu'on voulut, tout ce qui arrangeait. Jusqu'en 68 la division du travail semblait bien fonctionner entre les deux têtes de l'exécutif : à de Gaulle la grandeur, le souffle et l'Histoire ; à Pompidou la gestion quotidienne du banquier qu'il n'a jamais oublié d'être, même s'il fut agrégé de grammaire de formation. A l'un, les sommets ; à l'autre, l'ordinaire trivial de l'économie. Après sa démission en 69, il était temps d'en revenir aux choses sérieuses et de cesser de rêver au-delà de ses moyens. La victoire de Pompidou en 69, et l'exil des gaullistes historiques ne s'explique pas autrement. Non plus que l'éviction de Chaban du gouvernement en 72, ou sa défaite au premier tour et la victoire de Giscard en 74.

Au fond, le gaullisme fut une transition exceptionnelle. Un temps, un tout petit temps, il donna l'illusion de pouvoir dépasser les clivages politiques traditionnels et les intérêts particuliers. Sans doute le voulut-il, en en finissant avec ce qui est nommé le régime des partis. Très vite, en tout cas à partir de 62, la fin de la guerre d'Algérie et la nomination de Pompidou, les jeux classiques de la droite reprenaient leur force, à peine camouflés par les bénéfices économiques et sociaux des Trente Glorieuses.

Une certaine idée de la France et ses rêves de grandeur se sont achevés avec la Realpolitik qui fit la France accepter de n'être qu'une puissance moyenne de seconde catégorie, et ses ambitions politiques s'effondrer vulgairement dans l'exorde des privilèges des classes possédantes durant le quinquennat sarkoziste.

Jean-Marcel est une figure de ce rêve vite avorté : lui s'est retiré, son fils est allé voir ailleurs. Sarkozy, mais avant lui Chirac, sont les figures - et les acteurs - de son décès.

Référence lointaine pour temps d'élections - encore que Sarkozy lui préféra la référence goguenarde à Jaurès - le gaullisme est devenu une référence vide, au mieux ; une référence au passé, au pire.

 

 

 


 

A cette sortie du Conseil d'Avril 68 on le voit à 1:08