Emmanuel KANT (1724-1804) Critique de la Raison Pure, Esthétique transcendantale.
a) Le temps n'est pas quelque chose qui existe en soi ou
qui soit inhérent aux choses comme une détermination objective, et qui, par
conséquent, subsiste, si l'on fait abstraction de toutes les conditions
subjectives de leur intuition ; dans le premier cas, en effet, il faudrait
qu'il fût quelque chose qui existât réellement sans objet réel. Mais dans le
second cas, en qualité de détermination ou d'ordre inhérent aux choses
elles-mêmes, il ne pourrait être donné avant les objets comme leur
condition, ni être connu et intuitionné a priori par des propositions
synthétiques ; ce qui devient facile, au contraire si le temps n'est que la
condition subjective sous laquelle peuvent trouver place en nous toutes les
intuitions. Alors, en effet, cette forme de l'intuition intérieure peut être
représentée avant les objets et, par suite, a priori.
b) Le temps n'est autre chose que la forme du sens interne, c'est-à-dire de
l'intuition de nous-mêmes et de notre état intérieur. En effet, le temps ne
peut pas être une détermination des phénomènes extérieurs, il n'appartient
ni à une figure, ni à une position, etc ; au contraire, il détermine le
rapport des représentations dans notre état interne. Et, précisément parce
que cette intuition intérieure ne fournit aucune figure, nous cherchons à
suppléer à ce défaut par des analogies et nous représentons la suite du
temps par une ligne qui se prolonge à l'infini et dont les diverses parties
constituent une série qui n'a qu'une dimension, et nous concluons des
propriétés de cette ligne à toutes les propriétés du temps, avec cette seule
exception que les parties de la première sont simultanées, tandis que celles
du second sont toujours successives. Il ressort clairement de là que la
représentation du temps lui-même est une intuition, puisque tous ses
rapports peuvent être exprimés par une intuition extérieure.
c) Le temps est la condition formelle a priori de tous les phénomènes en
général. L'espace en tant que forme pure de l'intuition extérieure, est
limité, comme condition a priori, simplement aux phénomènes externe. Au
contraire, comme toutes les représentations, qu'elles puissent avoir ou non
pour objets des choses extérieures, appartiennent, pourtant, en elles-mêmes,
en qualité de déterminations de l'esprit, à l'état interne, et, comme cet
état interne est toujours soumis à la condition formelle de l'intuition
intérieure et que, par suite, il appartient au temps, le temps est une
condition a priori de tous les phénomène intérieurs (de notre âme), et, par
là même, la condition médiate des phénomène extérieurs.