palimpseste Chroniques

François ne nous fais pas regretter d'avoir voté pour toi, ne nous oublie pas

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Ce fut on le sait le cri d'ouvriers à Hollande lors de sa visite à Châlon .... La presse depuis quelques semaines déjà glose sur un été raté, sur une rentrée catastrophique, sur une normalité qui ressemble de plus en plus à de l'esquive, comme si la tête de l'Etat n'avait pas pris ni la mesure de la crise ni l'ampleur de la fonction.

Ne nous y trompons néanmoins pas ... les explications psychologiques ne sont jamais les bonnes ; en tout cas rarement suffisantes et il y a tout lieu de considérer qu'ici comme ailleurs c'est la fonction qui fait l'homme et non l'inverse - d'ailleurs Sarkozy paya cher d'avoir voulu le nier. La démocratie de toute manière est affaire d'équipe, de dialogue, de concertation qui peut parfaitement s'accommoder d'une tête faiblarde : l'entourage y pourvoit généralement assez bien. Que l'inspiration présidentialiste du régime se satisfasse mieux d'une tête brillante et charismatique est évident.

La question en réalité n'est pas là : la rentrée est mauvaise, certes, mais qui cela peut-il surprendre ? Les sondages sont détestables, mais ils reflètent en réalité le peu d'enthousiasme que depuis le début suscite sinon Hollande, en tout cas son programme : peu de promesses, peu d'attente ; une inquiétude réelle nourrie par une crise qui non seulement ne passe pas mais gronde à l'horizon. Alors inévitablement à droite on s'amuse, on critique sur l'air du on vous l'avait bien dit ; à gauche, du côté de Mélenchon, on vitupère ; du côté des écologistes on tempère mais on maugrée déjà ; sans même parler du PS où derrière les façades ripolinées d'une unité toute neuve, on se retient de plus en plus mal de fourbir les brandons de discordes.

Au fond, le seul vrai problème reste qu'on ne sait où l'on va et que le programme de Hollande, trop soucieux de jouer sur la raison et le possible, n'est pas vraiment là pour nous éclairer. Tout au plus sait-on que l'on demeure dans les eaux calmes de la gauche raisonnable, du social-libéralisme qui ne renversera aucune table, et restera dans le lit de moins en moins calme de l'orthodoxie économique du moment.

Oui mais jusqu'à quand ?

Comparaison n'est pas raison mais oui qu'il est tentant de comparer la période actuelle au Cartel des gauches d'H Herriot qui démarra dans l'enthousiasme et finit dans un désastre et ramena, deux ans à peine après, un Poincaré plus anguleux que jamais.

On sait que l'histoire de la gauche au pouvoir fut toujours tourmentée et subreptice avant que les institutions de la Ve ne lui donnent l'opportunité de la durée : Herriot capitula après deux années à peine ; Blum une année seulement ; Mendès huit mois seulement et si Mitterrand présida durant deux septennats ce fut quand même au prix de deux cohabitations et donc de deux échecs électoraux en 86 et 93. Au prix aussi d'une dérive centriste en 88 qui laissa des traces.

Ce qui est frappant en 2012 c'est combien le procès commence tôt, dès le début du mandat et qu'il s'agit pas d'un procès en illégitimité comme ce fut le cas en 81, où la droite désarçonnée par une défaite inédite pour elle, s'acharnait à parler d'expérience socialiste comme si la victoire de Mitterrand n'avait été qu'un caprice populaire et que son gouvernement dût s'effondrer, inévitablement, au bout de quelques mois.

Mais d'un procès en incompétence. Et les unes de la presse hebdomadaire ne font que le confirmer.

Qui a commencé très tôt, durant la campagne ; les coups venant de partout : la gauche molle résonne encore à nos oreilles et le trait vint de son propre camp, personne ne l'a oublié ; autant que les Flanby et autres douceurs dont on affubla Hollande ; jusqu'à son incapacité présumée à dominer ses femmes qui est sans cesse remise sur le tapis avec la suspicion tacite d'un homme qui ne sachant dominer son entourage ne saurait dominer la situation et donc le pays. Et la presse, même celle dite de gauche, de s'en donner à coeur joie de cette querelle intestine qui prend des allures de grande tragédie antique où la querelle des jumeaux le dispute à la jalousie proustienne. On s'en prit d'abord à la normalité pour ce qu'elle pouvait supposer de banalité ; on la retoque désormais pour ce qu'elle suggère de faiblesse, de fatuité voire d'impuissance. Comme si le petit s'était faufilé dans la cour des grands dont bientôt sa naïveté bonasse finirait par l'exclure.

Il y a derrière tout ceci quelque chose de l'imputation ad hominem - plutôt détestable. Qui fleure non seulement sa misogynie ordinaire, mais un incroyable mépris.

Retour au politique

Et se souvenir avec Hegel ou Marx, que ce sont les circonstances qui font l'homme au moins autant que l'homme les circonstances.

Au fond, à gauche, mais ce fut toute l'histoire de la SFIO depuis le congrès de Tours, demeure la valse hésitation entre une aile gauche, révolutionnaire, autrefois, radicale aujourd'hui qui la tenaille de rompre avec le capitalisme et sa logique aliénante, et une aile droite qui lui fait lorgner du côté du centre et une simple adaptation sociale de la politique économique.

Même si en réalité c'est le même écartèlement qui agite la droite - entre un volant humaniste qui voisine les centres et une aile droitière, de plus en plus droitière d'ailleurs qui voue des yeux de Chimène à l'extrême-droite et ce d'autant plus qu'avec les années on y finit par reléguer le pacte républicain de la Libération au magasin des antiquités politiques ; même s'il est logique que dans chaque camp des nuances se fassent jour qui nourrissent le débat, il n'empêche qu'à gauche il demeure consubstantiel à la fois à sa difficulté de s'unir et de trouver - hors cas de crises graves du type de l'Affaire Dreyfus ou de la guerre de 14. Toute l'histoire de la SFIO est traversée par la concomitance d'un discours révolutionnaire avec une pratique souvent réformiste, dont le Front Républicain de Guy Mollet fut le point d'orgue sous la IVe mais aussi le célèbre discours de Mitterrand au Congrès d'Epinay où l'on déclara que ce qui faisait l'essence même du socialisme était la rupture avec le capitalisme. On sait ce qu'il en advint .... 1

C'est en réalité tout l'enjeu du mandat de Hollande et il semble bien qu'il n'ait pas d'autre alternative que celle-là :

- ou bien, il est amené à faire le chemin exactement inverse de celui de Mitterrand et lui, le plutôt centriste réformiste penchera insensiblement vers des solutions plus radicales - c'est la thèse de Todd.

- ou bien au contraire, à mesure que passera le temps et les crises, il inclinera vers le centre, mais il est tellement introuvable - et court invariablement au même échec que Blum, Mendès et Mitterrand - voire Jospin. C'est évidemment la thèse de Mélenchon qui ne cesse, par ses provocations, propositions et incantations, d'en rappeler la gauche à ses principes. Mais peut-il faire autrement ? Auquel cas Hollande courrait assez facilement le même risque que Herriot en 24 de voir le rêve - si mesuré pourtant - se terminer dans le cauchemar d'une politique déflationniste et de rigueur qui, de Poincaré à Laval mena, certes, provisoirement, à Blum, mais plus implacablement à Hitler en Allemagne et Pétain en France. 2

Pour autant qu'il soit vraisemblable que les politiques de rigueur financière qu'à courte vue Merckel impose à toute l'Europe ne puissent aboutir qu'à une catastrophe plus grande encore qui la plongera dans une récession plus pesante encore, il s'avère effectivement que la solution ne puisse être que l'adoption d'une autre logique, qui sans forcément avoir la radicalité d'un Mélenchon permettrait au moins de s'extirper de ce qui apparaît de plus en plus comme un cercle vicieux. De ce point de vue, il n'est pas tout à fait faux qu'à la même époque qu'Herriot, et dans un contexte politique bien différent qui est quand même celui du capitalisme et libéralisme triomphants, Roosevelt sut changer la donne et marquer une rupture. Et ce n'est peut-être pas tout à fait un hasard si, à plusieurs reprises, Hollande y fit référence durant la campagne électorale - notamment à propos du prélèvement de 75% .

C'est d'ailleurs le sens d'un numéro du Nouvel Obs dès la fin juin : De l'audace ! Et si Hollande faisait comme Roosevelt... Celui aussi d'un collectif qui s'est formé à ce moment là où l'on retrouve Hessel, Morin etc .... mais aussi Montebourg et Ayrault .... O tempora o mores .... Mais c'est d'ailleurs tout le dilemme, classique, de la gauche au pouvoir, confrontée aux réalités du terrain et si vite encline à l'abdication en rase campagne ....

Faut-il pour autant aller chercher toujours dans les figures du passé les solutions de demain ? Hegel n'avait-il pas relevé combien la grande leçon de l'histoire tenait à ce qu'on n'en retînt jamais aucune leçon .... En tout cas, pour en demeurer à cette manière hégélienne d'approcher la question, se souvenir qu'un grand homme est peut-être moins celui qui forge l'histoire que celui qui sait saisir les occasions et qui se trouve, à un moment donné, au croisement que l'histoire offre, entre le destin individuel et le souffle des événements : ce qu'il nommait ruse de l'histoire ...

Hollande est-il l'homme de la situation ? Comment savoir ? Il fera l'histoire mais il ne saura sans doute pas l'histoire qu'il sera en train de faire. Il sait trop combien on l'attend au tournant de la crise ; il sait trop le mépris où on le tient pour n'avoir pas envie de détromper tout le monde. En a-t-il les moyens ? l'envie ? Todd estime qu'il n'aura pas le choix : c'est possible et ce serait la meilleure espérance. Cet homme a su détromper tout le monde durant la campagne ; il peut récidiver. Certes les conditions d'accès et d'exercice du pouvoir sont très différentes et, à plusieurs aspects, même contradictoires. Pour autant je n'imagine pas cet homme qui n'ignore pas combien la gauche parvient difficilement au pouvoir et sut toujours malaisément s'y maintenir, ne pas désirer marquer son époque et réussir où les autres grands échouèrent. Le risque, oui, c'est toujours un peu celui du réalisme ou du compromis - celui de la politique du chien crevé au fil de l'eau telle que l'évoquait Mendès en 81 dans ce plateau avec Lacouture à l'occasion de la biographie que ce dernier fit paraître alors sur lui.

Le contexte s'y prête, qui est celui d'une impasse et pousse de toute manière à la rupture.

A lui, à nous de savoir si ce sera une rupture que nous subirons ou porterons.

Ce qui reste sûr, c'est qu'après le faux plat de l'été, après aussi l'intervention ratée, en tout cas plan plan d'Ayrault, l'autre soir, Hollande est désormais en première ligne, contraint d'accelérer le mouvement.


1) relire le débat sur la méthode entre Jaurès et Guesde ; relire aussi l'intervention de Blum au Congrès de Tours où ce dernier met l'accent sur l'indéniable rupture que représentèrent en son temps les 21 conditions de Lénine.

Relire aussi cet article de M Winock : le PS entre rupture et intégration

2) Todd

En revanche, la France peut à nouveau émerger comme le pays de l'égalité, capable d'utiliser l'État de façon originale pour mettre à bas les puissances financières. Souvenons-nous des suites de la crise de 1929, quand l'Allemagne produisait Hitler, la Grande-Bretagne des conservateurs asthéniques et l'Amérique Roosevelt: la France a élu le Front populaire...

3) lire le manifeste