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François Hollande se plie à un tempo sarkozyen
Le Monde du 30/08

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Un président normal, en 2012, peut-il résister aux cadences infernales ? La question de l'occupation de l'espace et du temps se pose à François Hollande. "Il a sans doute été un peu surpris de la rentrée, concède un poids lourd du gouvernement. En tout cas, il constate que les messages de fond que le gouvernement essaie de diffuser ont du mal à se faire entendre."

Un autre confirme que le chef de l'Etat "a compris qu'il avait sans doute un problème de lisibilité" et que, si "aucune mesure ne provoque un rejet, il y a eu un déficit d'explication".

A l'Elysée, où l'on a discrètement reçu ces derniers jours des représentants des instituts de sondage, on en convient volontiers. "Il y a une forme d'impatience, diagnostique un conseiller du chef de l'Etat. Les gens n'attendent pas des choses extraordinaires, mais une très grande rapidité et une efficacité. Ils sont en attente de réassurance de l'Etat, d'action de l'exécutif."

UN DÉBUT DE PANIQUE ?

Ce constat explique la mise en scène d'un net regain d'activité présidentielle. Au plus vite. Après avoir décidé, la veille, de convoquer le Parlement en session extraordinaire deux semaines plus tôt que prévu, pour adopter d'abord les emplois d'avenir, M. Hollande a décrété, mercredi 29 août, en conseil des ministres, une "mobilisation générale" pour l'emploi.

Le président a demandé que les premiers emplois d'avenir puissent être mis en place avant la fin de l'année, puis d'"avancer très vite sur les contrats de génération", une des mesures phares du candidat. "L'affolement n'est pas l'action, mais il y a nécessité de réaliser le plus rapidement possible des choses sur lesquelles il s'était engagé", explique Kader Arif, ministre délégué aux anciens combattants, proche du président.

Y aurait-il, dans les allées du pouvoir, un début de panique sur fond de déflation sondagière ? "Il n'y a pas de rejet, pas de rupture, pas de déception, veut croire le ministre de l'intérieur Manuel Valls. Il reste une sympathie, une confiance à l'égard de François Hollande. Mais ce que les enquêtes d'opinion disent, c'est que les Français veulent des résultats ou, du moins, une volonté et un cap."

 

M. Valls assume ce changement de vitesse : "Si nous constatons des attentes, des inquiétudes, des interrogations quant à notre action, il faut y répondre. Il n'y a pas une minute à perdre."

PEILLON : "UN BESOIN D'EXPLICATION ET D'ACCÉLÉRATION"

Même diagnostic chez le ministre de l'éducation nationale, Vincent Peillon, pour qui "il y a un besoin d'explication et d'accélération". "On a trouvé une situation économique et sociale très difficile. On a engagé des changements, mais ça met du temps. Donc il peut y avoir, effectivement, une certaine déception", a admis de son côté Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, mercredi 29 août, sur France Inter.

Le rythme auquel Nicolas Sarkozy avait habitué ses concitoyens semble peser plus que prévu sur l'appréciation de l'action de l'exécutif. Dans sa volonté de rupture affichée avec la méthode de l'ancien président, le nouveau pouvoir n'en avait pas pris la mesure.

"Cinq années de Sarkozy n'ont pas pu ne pas laisser quelques traces, admet un conseiller de l'Elysée. On ne peut exclure que Nicolas Sarkozy, avec tous ses excès, ait imprimé dans l'inconscient collectif le sentiment que l'exécutif est à la disposition des Français, tout le temps."

Après une rencontre avec le chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy, à Madrid, jeudi 30 août, le président inaugurera, le lendemain, la foire de Châlons-en-Champagne, où il prononcera son discours de rentrée.

SÉQUENCE STAKHANOVISTE

Il sera à Trappes, le 3 septembre, pour une visite consacrée à l'école avec M. Peillon. Le 4, il s'entretiendra à Rome avec le président du conseil italien Mario Monti, puis recevra, le 5, Herman Van Rompuy, président du Conseil européen. Le 6, il ira à Londres à l'occasion des Jeux paralympiques. Le 7, il prononcera un discours à la Cour des comptes.

Cette séquence stakhanoviste se poursuivra avec le salon de l'élevage de Rennes, le 11 ou le 12 septembre, la conférence environnementale le 14, les Nuits de nacre, à Tulle, puis les Journées du patrimoine, les 15 et 16 septembre, et la réception des athlètes français le 17 septembre.

L'agenda diplomatique est aussi chargé : les Nations unies (New York) du 24 au 27 septembre, La Valette, les 5 et 6 octobre, pour le sommet méditerranéen ; celui de la francophonie à Kinshasa et, peut-être, Dakar, du 12 au 14 octobre ; voire le Laos, du 5 au 7 novembre, pour le sommet de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (Asean).

Un calendrier des plus institutionnels, comme s'il s'imposait à François Hollande, quand son prédécesseur à l'Elysée, par son activisme, semblait imposer le sien. Outre le discours de Châlons-en-Champagne, deux moments d'expression directe y figurent aussi : le "20 heures" de TF1, le 9 septembre, et une conférence de presse autour du 20.

"Le président observe, il attend que les choses se dessinent pour prendre sa décision", observe un ministre, pour qui l'accélération observée aujourd'hui résulte de la volonté de M. Hollande de "reconstruire sa séquence". Le président n'est pas aussi maître de son temps qu'avait pu l'être le candidat.

David Revault d'Allonnes et Thomas Wieder