palimpseste Chroniques

Dans la Marne, Hollande tente de reprendre l’offensive
JONATHAN BOUCHET-PETERSEN
Libé 1 sept 2012

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Pour François Hollande, plus question de donner le sentiment qu'il regarde dans le rétroviseur. «Je ne reviendrai pas sur les responsabilités d'hier ou d'avant-hier, a-t-il assuré vendredi lors d'un discours à la 66e foire de Châlons-en-Champagne (Marne). J'ai pris la situation de la France en toute connaissance de cause, telle qu'elle est. Je n'ai rien ignoré de la réalité.» Une réalité qui s'assombrit chaque jour un peu plus, alors que le chômage s'envole et que la croissance a disparu. «François ne nous fais pas regretter d'avoir voté pour toi, ne nous oublie pas», lui ont lancé des salariées de la société Sodimédical, qui n'ont pas été payées depuis onze mois.

Plusieurs sondages ont récemment sanctionné l'action de l'exécutif, contraignant le chef de l'Etat à changer de braquet pour son passage à Châlons. Lui, qui avait prévu de parler territoires, a longuement évoqué le mauvais état du pays et le «cap» qu'il entend tenir, autour de trois urgences : la croissance, l'emploi et la compétitivité. «Mon devoir, c'est de dire la vérité aux Français, a-t- il revendiqué. Nous sommes devant une crise d'une gravité exceptionnelle, une crise longue.» Un travail d'explication loupé par Jean-Marc Ayrault, comme le lui a signifié en privé le président de la République.

«Les Français sont impatients -il faut donc préciser le calendrier des réformes- et inquiets, ce qui nécessite qu'on concrétise le changement», analyse le ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, du voyage en Champagne. Et pour Hollande, en pleine tournée européenne entre Berlin, Madrid et Rome, il y avait urgence à atterrir sur la scène nationale. Tout l'enjeu était de trouver les mots qui calment les inquiétudes du présent et redonnent foi en l'avenir. Ou comment tenter de se poser en pompier autant qu'en architecte, exercice d'autant plus ardu que les marges de manœuvre budgétaires sont jugées inexistantes.

Choisissant de justifier son rythme, jugé trop pépère par de nombreux Français au regard de leurs difficultés quotidiennes, François Hollande a assumé le temps long qui caractérise son début de quinquennat: «L'action que je conduis s'inscrit dans la durée du mandat qui m'a été confié: non pas sur trois mois, pas davantage sur douze mois mais sur cinq ans.» Et le Président d'assurer que les décisions seront prises «dans un calendrier ordonné, en respectant les rythmes du Parlement et le dialogue social». Manière aussi de tacler son prédécesseur: «Le changement, ce n'est pas une somme d'annonces sans lien les unes avec les autres, c'est une force qui sait où elle va, qui donne une direction susceptible de rassembler le pays.»

Plaçant l'emploi des jeunes au sommet de la pile des urgences, le chef de l'Etat a rappelé que 150000 emplois d'avenir seraient créés en 2013 et 2014, promettant que le texte serait adopté «d'ici la fin du mois» et les premières conventions signées début octobre. «Mon pari, a-t-il expliqué, c'est que si la confiance revient dans la jeunesse, c'est la confiance dans le pays qui de nouveau sera confortée.» Un pari donc. Deuxième axe pour booster l'emploi des jeunes, comme celui des plus de 50 ans, le contrat de génération. Un texte sera présenté «dans les jours qui viennent» aux partenaires sociaux pour qu'ils se mettent d'accord. Et pour s'attaquer à la précarité dans le monde du travail, le gouvernement va leur transmettre le 10 septembre «un document d'orientation» sur la sécurisation de l'emploi.

Mais alors que la croissance est nulle, Hollande a martelé que «le chômage ne sera vaincu que si l'activité reprend». Et dans ce combat, «car c'est un combat», le chef de l'Etat compte en particulier sur les collectivités locales, qui représentent 70% de l'investissement public, et sur les PME. Le gouvernement présentera ainsi «d'ici octobre» des propositions sur le financement des collectivités, tandis que les régions (dont les présidents seront reçus à l'Elysée le 12 septembre) se verront confier la gestion des «fonds européens consacrés à leur territoire». Pour soutenir les PME en mal de financement, la création d'une Banque publique d'investissement interviendra, elle, «dans les jours qui viennent». Une accélération, alors qu'Ayrault avait évoqué un délai en «semaines». Le crédit d'impôt recherche, création du précédent pouvoir, sera, lui, «préservé et élargi».

Appelant chacun à «prendre sa part du destin de la nation», le chef de l'Etat a reconnu que le «redressement» visé allait demander de sérieux efforts. Sur l'épineux dossier du financement de la protection sociale, Hollande a donné le sentiment de pencher pour une hausse de la CSG, quand le gouvernement précédent avait opté pour une TVA sociale, abrogée depuis: «Des choix courageux seront faits en 2013, a-t-il assuré. Ils seront durables, justes et stables.» Autrement dit, lui n'attendra pas «la fin de [son] mandat pour faire adopter une disposition à l'application différée». Et s'il n'a pas explicitement réaffirmé l'engagement de la France à respecter un déficit de 3% du PIB l'an prochain, Hollande a fait du «sérieux budgétaire» la condition «pour ne pas être dans la main des marchés financiers». La rigueur, c'est pour bientôt.