palimpseste Chroniques

Le "Hollande bashing", une tendance éditoriale, et un filon, pour les hebdos
LE MONDE du 06.09.2012

janvier février mars avril mai juin juillet aoüt septembre octobre novembre décembre

 

Franz-Olivier Giesbert, le directeur du Point, va jusqu'à parler de "Hollande bashing" (dénigrement)... "Contre Hollande, c'est un procès en immobilisme qui est instruit aujourd'hui par la presse, y compris par les journaux de gauche", constate-t-il, mercredi 5 septembre sur Le Point.fr.

Pour la première fois cette semaine, en effet, les news magazines de gauche s'en prennent au président de la République. "Hollande, secoue-toi, il y a le feu !", titre Marianne. "Sont-ils si nuls ?", interroge Le Nouvel Observateur. "Cette couverture a fait l'objet de plusieurs tâtonnements, raconte un journaliste de L'Obs. On avait envisagé aussi "La déception" ou encore "Les amateurs". La rédaction a été très vigilante pour que la direction ne soit pas tentée d'édulcorer le titre..."

Laurent Joffrin, le directeur du Nouvel Observateur, assume cette couverture : "C'est le produit de notre indépendance, explique-t-il. Nous ne serons pas un Figaro de gauche." Pour autant, la critique reste mesurée : "C'est une formulation provocante, mais dont la réponse se trouve dans le récit, explique M. Joffrin. Ils ne sont pas nuls, mais trop lents ; les réformes ne vont pas assez vite..."

DES MOBILES COMMERCIAUX AUSSI

Ce changement de cap chez les hebdomadaires de gauche n'est pas seulement éditorial. Il a aussi des mobiles commerciaux. "Tous les titres qui cassent du sucre sur Hollande vendent mieux que les autres, raconte un journaliste de L'Obs. Il y a un effet de contagion..."

Claude Perdriel, le propriétaire du Nouvel Observateur, sait bien qu'il est risqué pour un journal de trop soutenir le pouvoir. Il a encore en mémoire l'aventure de son quotidien, Le Matin de Paris, trop proche du Parti socialiste, qui déposa son bilan en 1987. Ou encore celle du Nouvel Observateur qui faillit disparaître dans les années 1980, pour sa trop grande proximité avec le gouvernement.

Le filon du "Hollande bashing" a été exploité par Le Point dès le lendemain de l'élection présidentielle. Le 17 mai, il titrait "Fini de rire" avec un Hollande regardant son poignet avec sa montre à l'envers. Le succès en kiosques a été immédiat ; l'hebdomadaire est passé de 85 000 exemplaires vendus au numéro à 115 000. Il a récidivé au cours de l'été avec une couverture, le 5 juillet, montrant un président hagard et décoiffé, avec cette une : "On arrête avec les bêtises ?" Le 30 août encore, il titrait "On se réveille ?"

SURENCHÈRE

Franz-Olivier Giesbert se défend de faire du anti-hollandisme primaire. "Nos unes sont cohérentes avec ce que nous écrivons depuis des années sur la croissance, la réduction des déficits", insiste-t-il. Mais il se félicite d'avoir été le premier à lancer cette tendance. "Nous essayons toujours d'avoir un coup d'avance sur les autres", dit-il en riant.

Par une sorte de surenchère, Le Point s'est trouvé débordé par L'Express qui ose des unes de plus en plus incisives. Le 25 juillet, c'était "L'hypnotiseur". La semaine dernière : "Les cocus de Hollande". Cette semaine : "Et si Sarkozy avait eu raison ?"

"Ce n'est pas nous qui avons inventé le trou d'air politique actuel et le flottement autour de Hollande", se défend Christophe Barbier. En même temps, le patron de L'Express reconnaît que les unes anti-Hollande ont propulsé les ventes au numéro de 75 000 exemplaires à 95 000. A contrario, les couvertures sur le duel de chefs à l'UMP ne suscitent guère d'enthousiasme chez les lecteurs.

Le "Hollande bashing" n'est pas forcément l'assurance de bien vendre : Maurice Szafran, le directeur de Marianne – hebdomadaire plutôt classé à gauche, qui a soutenu François Hollande – en fait l'amer constat. "Nous avons fait cette semaine un numéro important, qui marque une prise de distance avec le pouvoir en place. Nous avons titré "Hollande, secoue-toi, il y a le feu !" Eh bien les ventes sont correctes, sans plus."

Xavier Ternisien