Chronique du quinquennat

En demi-teinte

Un sondage pas très favorable, une polémique sur la Syrie, une droite qui taxe le gouvernement d'immobilisme tout en l'accusant, contradictoirement, de détricoter tout ce qui fut fait depuis 2007 : la confirmation en tout cas de l'inexistence de tout état de grâce. L'opinion de manière assez contradictoire, elle aussi, approuve à la fois l'essentiel des mesures prises mais en même temps estime que les choses ne vont pas mieux.

Au point, selon Libé, que l'on serait passé incontinent d'une présidence normale à une présidence pépère. 1

Doutes

Certes ce sont les vacances. Certes, le gouvernement n'a pas rien fait depuis sa prise de fonction mais les observateurs s'appuyant sur le récent sondage du Figaro se mettent à douter de la capacité du pouvoir à insuffler sinon une dynamique au moins une perspective. Mais l'opinion parfaitement consciente de la gravité de la crise, semble désarçonnée par une réalité sur quoi nul ne semble plus avoir prise et, sans doute, ce qui ne compte pas pour rien, par la certitude de catastrophes à venir. Pour autant le pouvoir semble ne pas avoir tout dit, cacher, ou pire, ne pas avoir prévu, les mesures drastiques à prendre demain. Pourtant à bien relire les discours tenus durant la campagne, réécouter les discours, et, notamment celui tenu à Des paroles et des actes, le 26 janvier, tout avait été clairement annoncé :

Souvenons nous : 3

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- la nécessité d'une perspective claire pour le pays qu'il résume sous le vocable de rêve français, et dont le manque aurait été la cause de cette contradiction si flagrante entre le pessimisme collectif des français et la confiance individuelle

- le découpage du quinquennat en deux périodes dont la première serait celle de la remise à plat des comptes publics, reportant à la seconde les perspectives plus heureuses autorisant une redistribution plus juste

- la condition de la croissance sans quoi aucune prévision ni aucun programme ne tiendrait, ni le sien ni celui des autres.

Or, c'est bien sur ces trois points que le pouvoir achoppe en cet été finissant :

- quand même serait-il effectivement parvenu à infléchir la position européenne sur la politique de rigueur et à adoucir l'intransigeance allemande, ce qui n'est pas si évident que cela, on peut néanmoins douter, crise grecque endémique et crise espagnole s'aggravant, qu'il fût parvenu à autre chose qu'à des effets de discours habillant avantageusement des dispositions déjà adoptées.

- pour réaliste que puisse paraître cette remise à plus tard des jours heureux - en tout cas moins difficiles - comment pourrait-elle ne pas sembler dilatoire tant elle ressemble au pont-aux-ânes du discours politique classique : au fond en trente années de crise, on sera simplement passé du demain on rase gratis à après-demain on rase gratis

- la perspective dessinée ressemble bien peu à un rêve et demeure en tout cas floue. La faute aux circonstances : la période estivale venant interrompre le premier élan donné par la session extraordinaire du Parlement et les premières mesures votées ? mais ce fut le lot de tous les nouveaux entrants depuis 74 ... La faute à la méthode adoptée qui, à coups de concertation, de commissions et autre états généraux semble toujours plus déplacer le problème et relever de la procrastination que du volontarisme politique ? mais tel n'était-il pas l'enjeu même de sa méthode ?

Qu'est ce qui ne fonctionne pas ?

Dans l'extrait ci dessus Hollande indique combien les français attendraient qu'on leur donne la direction, l'effort certes, mais aussi la réconciliation. Tout est là ! Tout est dit ! Sevrés de l'omniprésence présidentielle qui aura présidé aux cinq dernières années, nous paraissons désoeuvrés, seuls.

Ce que semble tout l'enjeu de cette présidence normale à inventer qui se veut retrouver les canons d'une démocratie apaisée et parlementaire, redonnant ainsi un territoire au parlement et au gouvernement, mais qui ne peut, ni ne doit, effacer pour autant la figure présidentielle. C'est peut-être à ceci que l'on peut mesurer la trace laissée par le quinquennat précédent ; à ceci aussi que l'on peut mesurer un grand président : dans sa capacité à imposer, pour lui-même et ses successeurs, une autre façon de faire vivre la constitution. Ce sera d'autant plus difficile pour Hollande que, d'une part, la crise fait rage ; que, d'autre part, la configuration qu'il dessine, est celle d'un rééquilibrage qui pourrait vite passer pour de l'effacement voire de la passivité.

La désignation pépère n'a pas d'autre sens.

Où l'on retrouve le dilemme classique de la démocratie : l'efficacité qui suppose un leadership implacable et une structure hiérarchique pyramidale de type militaire ou la concertation, le débat, la réflexion et l'amendement qui supposent tous le temps et donnent assez facilement l'impression d l'impuissance ou de la passivité.

C'est ce que souligne Denis Muzet : ce sentiment de passivité est amplifié pour une large part aux médias dont le métier, après tout, est de traiter de l'immédiat qui a besoin d'être nourri par des faits et pas par des commissions et des temps de réflexion. Mais pour que la normalité puisse ne pas s'effondrer en escamotage complet, encore faudrait-il que l'enchainement entre court et moyen terme fût mieux souligné, mis en évidence. Effet sans doute aussi de la logique libérale, qui est entrepreneuriale, l'époque a besoin d'un chef, d'un leader, d'un directeur - celui qui étymologiquement dit la ligne, le droit ; le cap.

Hollande est trop fin politique pour ne pas s'en rendre compte : il interviendra à la rentrée ; sans doute.

Au fond, désigner par interlude la période qui allait de l'élection du 6 Mai aux législatives était une erreur : l'interlude se sera prolongé en fin de compte jusqu'à la fin de l'été. Mais ce qui est évident, d'ores et déjà, c'est la nécessité pour lui, de redorer sa normalité de quelque signe positif qui lui permette à la fois de fixer le cap pour la nation et de contre-carrer l'offensive de la droite :

Ainsi Fillon :

Que notre président normal comprenne qu'il n'y a rien de normal dans le monde dont il est désormais l'un des principaux responsables ! Qu'il prenne des risques, qu'il abandonne ses postures bourgeoises et atlantistes version guerre froide ! Qu'il parle avec la Russie !

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Ah ! ce reproche de posture bourgeoise adressé par Fillon ! au delà du fait qu'il est de bonne guerre de pourfendre Hollande sur sa politique étrangère, on voit où part le trait. Ni la gauche molle, ni l'indécision supposée n'auront été oubliées. Et même s'il est vrai qu'une posture, non plus qu'une méthode ne fait une politique, elle peut néanmoins s'avérer un angle d'attaque tout particulièrement dévastateur.

On est en Ve République * : la présidence ne saurait se contenter de symboles, fussent-ils forts. Hollande n'en a décidément pas fini d'inventer son costume ....

 


1)Torpeur
Edito Libé

100 jours après l’élection de François Hollande, une étrange torpeur enveloppe la France. Que l’on revienne de Rome, de Madrid ou de Berlin, le contraste est saisissant. Dans toute l’Europe, les débats n’ont jamais été aussi nombreux, aussi denses, aussi vifs sur les effets d’une crise historique aux répercussions multiples et, surtout, sur les choix souvent dramatiques auxquels sont confrontés les responsables politiques et les peuples. En France, plus rien, ou presque, depuis l’élection. Comme si une bulle avait soudain avalé l’Hexagone, dès lors qu’aucune des catastrophes annoncées par l’opposition ne s’est produite depuis le 6 mai. Comme si la France se réfugiait derrière une nouvelle ligne Maginot. Comme si la présidence «normale» de François Hollande se transformait en présidence «pépère». Non que le gouvernement ait été immobile : il applique scrupuleusement le programme du candidat socialiste, a pris de premiers décrets et lancé moult concertations. Mais, de même que l’antisarkozysme ne fait pas un programme, un changement - fut-il radical - de style ne suffit à imposer une vision, un dessein, une dynamique, sans lesquels aucun sursaut, aucun succès n’adviendra. Les Français peinent toujours à comprendre où François Hollande et son équipe les emmènent vraiment. La récession approche à grands pas, de nouvelles catastrophes sociales s’annoncent. Il n’a jamais été aussi urgent de donner du sens à l’effort collectif demandé aux Français. Une cinquantaine de jeunes, réunis dans un tout nouveau think tank a justement choisi cette période incertaine pour tenter de réveiller la gauche avec 100 propositions. Libération leur donne la parole. Cet exemple parmi d’autres confirme que c’est à l’extérieur des appareils et au sein de la société civile que peuvent émerger enfin des idées nouvelles à la hauteur du moment.

lire aussi Denis Muzet

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2) IFOP Figaro : bilan des cent jours

3) revoir


 

 

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