Hannah Arendt
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Vies politiques :
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solitude - esseulement | ||
extraits de Les Cahiers du GRIF, n°33, 1986. Annah Arendt. |
Journal de penséen 12 : sur politique impossibilité de définir l'homme sur histoire |
Textes completsvita activa (II- domaine public-domaine privé) vita activa (III - le travail)
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Correspondance
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Origine du totalitarisme |
Correspondance avec Jaspers |
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Présentation
Aménager, dans l’esprit de ses contemporains, un espace de mémoire pour la lumière oubliée du politique, tel est le souci ou l’ambition unique qui inspire l’œuvre de Hannah Arendt. Juive allemande et philosophe, née à Hanovre, formée par deux grands maîtres, Heidegger et Jaspers, elle a connu deux fois l’exil, en France (1933), puis aux États-Unis (1941), dont elle devint citoyenne.
Le titre de son premier livre, Les Origines du totalitarisme (1951), éclaire l’œuvre entière. De celui-ci à son dernier, Du mensonge à la violence (1972), en passant par ses deux ouvrages de 1963, Eichmann à Jérusalem et Essai sur la révolution , Hannah Arendt dresse la généalogie du monstre et de ses avatars. L’analyse de la réalité totalitaire, à savoir le camp de la mort concentrationnaire, la conduit à montrer qu’avec le totalitarisme on a affaire, nonobstant les différences idéologiques, à un «nouveau type de régime», irréductible aux formes traditionnelles d’oppression politique et caractérisé par la substitution à la loi positive d’une loi de mouvement prétendue naturelle, propre à justifier l’extermination des classes ou des races théoriquement «condamnées» par la nature et l’histoire. Dès lors, la terreur devient légalité et constitue l’essence même du régime en même temps que son principe, non pas d’action, mais de mouvement. Quant à l’idéologie, à savoir la logique de l’Idée (lutte des classes ou lutte des races) à laquelle le processus historique et naturel est censé correspondre point par point, elle constitue une préparation au déchaînement sans frein d’une telle terreur.
L’homme nouveau que souhaite produire le régime totalitaire, ce n’est point le fanatique, c’est l’homme générique, le pur et simple représentant de l’espèce, dépourvu de toute affectivité comme de toute initiative et de toute opinion ; la société qu’il prétend instituer, c’est une société privée de mémoire, agrégat d’individus interchangeables, sans appartenance et sans pouvoir. La faillite de la conscience morale et du sens commun — le sens du réel — que représente, à notre siècle, l’avènement d’un tel type de régime vient de loin. Celui-ci eût été impossible sans le «renversement des valeurs» qui est corrélatif de l’«émancipation politique» de la bourgeoisie. La confusion du domaine public et du domaine privé, la transformation des idées et des normes en «valeurs» sociales ont fait le lit politique et mental du totalitarisme. Au-delà, les analyses de Hannah Arendt font ressortir les implications historiques et philosophiques du phénomène totalitaire. La monstruosité empirique doit être comprise comme l’aboutissement d’une maladie de la pensée politique, d’une occultation de l’«esprit originel» des «mots clefs de la langue politique, tels que liberté et justice, autorité et raison, responsabilité et vertu, pouvoir et gloire».
Ainsi s’impose une lecture critique des textes de la tradition, dans un dessein qui n’est ni d’abandon, ni de restauration, mais d’appropriation créatrice. L’accès au sens, à l’esprit originel des concepts fondamentaux, a en effet en lui-même une vertu politique : ouvrir à nouveau l’«agora du sens», rendre possible la nomination d’une expérience dont l’avènement du totalitarisme a parachevé l’occultation, à savoir celle de l’action, de la liberté politique, du «bonheur public». Une telle expérience dont la cité grecque fut le lieu réel s’est plusieurs fois reproduite à l’improviste et fugitivement lors du déclenchement des révolutions, chaque fois que des hommes ont «commencé à créer cet espace public entre eux où la liberté peut apparaître».
Une telle approche,que l’on pourrait qualifier de libertaire, n’a cependant rien d’utopique. Ni optimiste, ni pessimiste, exempte de nostalgie et d’illusion, cette narration loyale, et d’autant plus provocante, d’une histoire qui est nôtre, et que nous pourrions croire «perdue», a, au contraire, la vertu d’un rappel au sens du réel.
© 1997 Encyclopædia Universalis