Journal de pensée

 

Septembre 52

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Madison dans The Federalist:« But what is government itself bti the greatest of ail refletcions on human nature ? If men were angels, no government would be necessary. If angels were to govern men, neither excernal nor internal controls on government would be necessary. »

La politique se présente toujours comme quelque chose qui existe «faute de mieux»* - parce que les hommes ne sont pas des anges ou parce que les dieux ne nous gouvernent pas ou bien parce que nous sommes liés les uns aux autres par la nécessité matérielle et la contrainte et qu'a insi, du fait que nous sommes «vraiment» déterminés pour l'autarcie, nous ne pouvons vivre ni sans les autres ni avec les autres.

La différence essentielle entre Platon et toute philosophie politique non grecque consiste en ce que Platon pensait encore que quelques-uns, peu nombreux, étaient encore des «anges» et qu'on n'avait par conséquent pas besoin du « government ». Du fait qu'ils se gouvernent eux-mêmes, ils n'ont besoin d'aucun gouvernement. On doit les contraindre à gouverner les autres car sinon ils seraient déchirés par ces autres «bêtes sauvages» qu'ils sont parvenus à mater en eux-mêmes.

Dans toute théorie «positive», dans toute théorie politique qui n'est pas complètement pessimiste, on retrouvera par la suite ce gouvernement de soi-même. On peut lui objecter ce qu'on doit incontestablement affirmer de la théorie rousseauiste du contrat, en tant qu' il est un contrat passé avec moi-même, et que lui-même cite: « Nul n'est tenu aux engagements pris avec luimême » ( Contrat social, livre I, chap. 7)*

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La «volonté générale»* de Rousseau est peut-être la plus meurtrière résolution de la quadrature du cercle, c'est-à-dire du problème fondamental de toute philosophie politique occidentale, à savoir comment constituer une singularité à partir d'une pluralité - c'est-à-dire, dans les termes de Rousseau: « réunir une multitude en un corps» ( Contrat social, I, 7). Ce qui rend cette solution si meurtrière, c'est le fait que le souverain n'est plus une personne ou une multiplicité que je commande, mais qu'il est pour ainsi dire installé en moi en tant que « citoyen » s'opposant à l'« homme particulier». Dans la « volonté générale», chacun devient en fait son propre bourreau.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 


 *en français dans le texte