Elysées 2012

Eléments de langage (suite)

Nous y revoilà !

L'expression est entrée dans le logiciel de la presse : elle est révélatrice. Il en fut déjà question il y a quelques jours entre les deux tours de la primaire.

Qu'on se comprenne bien : la campagne a bel et bien commencé ; que l'UMP tente médiatiquement de reprendre la main après quelques semaines d'overdose primaires est logique, normal et légitime. Elle le fait d'ailleurs en ayant convoqué dès ce jour une convention, d'ailleurs retransmise par la Chaine Parlementaire, mais ceci fait partie des dispositifs logiques d'une riposte politique, d'un plan de communication électoral. Nous l'avons souligné déjà, il y a plus qu'un parallèle à dessiner entre un plan marketing et une campagne électorale et il n'est donc pas étonnant d'y retrouver certaines règles, certains truchements, les outils, les dispositifs.

La question n'est pas là !

Que dit-on de nouveau quand on parle d'éléments de langage
et non d'argumentaire ?

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La chose avait été soulignée déjà lors de cette émission de France Culture après les sénatoriales : ici cela venait de l'Elysée, là de l'UMP ... mais on n'y parle plus d'argumentaire mais d'éléments de langage.

D'abord ceci qui illustre, plus que de nécessité, l'affaissement de l'élu politique. Nous sommes désormais au plus loin de ces grands orateurs qui firent la gloire de la IIIe (pensons simplement à Jaurès, ou à Barrès à droite ; à Clemenceau ou à Briand ...). Il y a une raison simple à cela : depuis la Ve, le déclin indéniable du rôle du Parlement, les enjeux s'étant déplacé du côté de l'exécutif, l'élu de base n'est plus, sauf accident qu'une machine à voter ce qu'on lui dit de voter à moins que ce soit un jeune futur premier couteau en train de faire ses classes. Les discours prononcés le sont par d'autres, comment voulons-nous qu'une quelconque éloquence puisse éclore encore ? La scène politique n'est plus l'hémicycle mais la TV, les médias en général.

Cet évidement continu de l'élu, et parfois même du ministre - souvenons-nous d'un Sarkozy s'essayant en début de mandat de désigner son Premier Ministre comme un collaborateur - dessine une figure où l'action politique est confisquée, où ne demeure plus que la parole, où d'ailleurs, on le voit ici, cette parole est à son tour escamotée au profit d'un prêt-à-parler défini par d'autres. Quoiqu'elle n'ait sans doute rien fait pour arranger les choses, l'hyperprésidence n'en est pas la cause mais bien plutôt le basculement des pouvoirs du côté de l'exécutif, de l'exécution, de l'efficacité. En reste un exemple caractéristique : la manière si particulière dont de Gaulle mena ses Conseils des Ministres qui cessèrent, dès son retour au pouvoir, d'être le lieu où se débattait la politique pour ne devenir plus que le lieu solennel et passablement emprunté où chacun faisait sa communication mais d'où les enjeux politiques évacués avaient été dénoués ailleurs ; avant. Façon de procéder qui fut perpétué depuis par tous ses successeurs et qui, avec la dénégation des partis politiques, forme l'un des socles de la technocratisation du politique et à cette culture de l'efficacité qui transfigure (défigure) le politique en manager

Ceci ensuite que Breton nomme le déclin de la parole : nous ne sommes pas ici dans l'argumentation, même pas dans l'argumentaire. Il ne s'agit pas de convaincre ; encore moins de débattre ... juste de faire effet, de produire un éclat, de faire du bruit, éventuellement de la fureur. Dans le spectacle assurément, dans la simple performance de qui veut, non pas faire sens mais seulement sensation.

Un argumentaire est toujours composé d'une série de propositions liées logiquement entre elles par des règles précises qui sont celles de la cohérence et de la rigueur intellectuelle. L'argumentation renvoie à la pensée, à la déduction ; s'adresse à l'intelligence de l'interlocuteur, éventuellement à sa compréhension. Elle reconnaît l'autre comme autre mais comme semblable aussi qui peut entendre, répliquer, répondre et à qui on reconnaît un même entendement. Bref l'argumentation relève de la reconnaissance et de la tolérance.

Rien de tout cela ici : ce sont, bien nommés, des éléments, séparés, distincts, sans nécessairement de liens entre eux ; dont le seul objectif est de produire de la sensation, de l'émotion ; qui visent à persuader ; pas à convaincre. Nous ne sommes pas encore dans la démagogie, ce serait trop simple ; pas même encore vraiment dans la manipulation ; mais nous ne sommes en tout cas déjà plus dans le dialogue républicain. On ne s'adresse pas à l'autre ; en réalité, on l'a déjà nié ! on se contente de fournir un appareillage de flèches à sensations ... Ces éléments de langage, qui sont le contraire du discursif, juste des saillies, n'appellent pas l'interlocuteur, mais le nient. C'est le citoyen en nous qui y est nié ; bafoué !

J'ignore si c'est une habitude comme l'indique cet extrait. En tout cas elle est sinistre.

Breton en appelle à la réintroduction de l'enseignement de la rhétorique pour armer les citoyens contre ce déclin de la parole. Sans doute ! N'est-il pas déjà trop tard ?

Les seuls lieux de l'éloquence demeurant, mais qui ne sont pas non plus des espaces de dialogue mais bien plutôt d'incantation, sont les grands discours de meetings, où Sarkozy, sur des textes écrits pas Guaino, excella en 2007 ; où Hollande est loin d'être mauvais, sachant y alterner humour, causticité, sérieux et parfois lyrisme.

Mais justement ce ne sont pas non plus des dialogues ....


1) relire et surtout le document proposé et diffusé par la presse