Elysées 2012

Démondialiser

Bigre bigre !

Décidément, l'homme du franc-parler et, d'ailleurs, du parler pas toujours correct, n'y va pas de main morte !

On voit bien l'enjeu, on devine la posture, pour autant la question ne semble pas pouvoir être ainsi évacuée en un tournemain.

Alter-mondialisation
ou démondialisation ? *

Il est manifeste que la petite diatribe de Valls l'autre soir contre Montebourg aura au moins servi de marqueur : derrière ce vous n'avez pas le monopole de la gauche se cachait l'affirmation que l'on pouvait rester de gauche et néanmoins se situer à l'aide droite du parti, du côté des socio-libéraux, ce qui pour un adulateur de DSK n'a finalement rien d'étonnant.

Les trois termes du problème

- la crise actuelle, notamment dans son volet financier, est-elle due à la mondialisation elle-même ou à la manière libérale de la laisser se propager ?

- l'affaissement des Etats, le déficit démocratique qui s'en suit, sont-ils, ici encore le fait de la mondialisaton elle-même ou de son approche ultra-libérale?

- Cette phase est-elle irréversible ? Le protectionnisme est-il une alternative crédible, possible ? Sommes-nous nous-mêmes victimes de la pensée dominante en supposant que le protectionnisme ferait partie des recettes archaïques et faut-il véritablement entendre le libre-échange comme la voie naturelle de développement ?

Quelques éléments de réponse ... en tout cas quelques pistes pour bien poser le problème

Ce serait faire injure à Montebourg ** que de laisser accroire que ce dernier désirât en revenir aux territoires fermés d'autrefois, aux nations jamouses de leurs prérogatives, arc-boutées derrière leurs frontières. A bien l'entendre, ce qu'il envisage d'abord et surtout, c'est casser le rôle prépondérant des banques en matière de spéculation et ceci, en scindant rigoureusement banques de dépôt et banques d'investissement.

Effets de langage

Derrière le positionnement antimondialisation, il y a un positionnement politique, radicalement à gauche faute d'être gauche radicale qui prolonge un débat centenaire au sein de la SFIO puis du PS entre les réformateurs et autres modernistes qui s'accommodent du système capitaliste, et les marxistes, guesdistes, blumistes qui veulent rompre avec la société bourgeoise ; querelle que l'on retrouva entre 78 et 81 dans la percée ratée de Rocard fustigeant l'archaïsme d'un Mitterrand ... Ne nous y trompons pas modernité rime toujours à gauche, avec compromis et réformisme au même titre que réformes signifient toujours réglession sociale dans le vocabulaire de droite.

Ambivalence conceptuelle

Il n'est pas certain du tout que tous entendent la même chose sous les mêmes mots. Se situer dans le cadre de l'antimondialisation ou pas, rappetasse le débat sur le seul registre économique. Or la question est bien plus vaste qui englobe à la fois le sociétal, l'environnemental et sans doute, via la nécessité d'un nouveau rapport au monde, le philosophique. En bon disciple de DSK et des experts de son temps, Valls essaie d'enfermer Montebourg dans un débat strictement économique tout en le marquant politiquement.

Ici Cohn-Bendit joue à contre-emploi : en choisissant Joly plutôt que Hulot les écologistes ont clairement choisi un ancrage à gauche et la nécessité d'inventer un autre mode de développement économique en s'en donnant les moyens politiques. En jouant de l'argument du réalisme économique Cohn Bendit use d'arguments vieux de trente ans, propices à l'impératif catégorique du libéralisme. Qu'il le veuille ou non. Or l'heure est au politique, à la volonté politique.

Le déficit politique

L'exemple de l'Europe est pourtant patent : la libéralisation forcenée des échanges, la marche forcée vers la réduction du poids de l'Etat dans le développement économique, aura produit des institutions manchottes, incapables de réagir aux empiètements des finances et des spéculateurs ; la délégation de pouvoir à des instances falottes, à des experts politiquement irresponsables.

Comment ne pas voir que sous la mondialisation se joue en réalité la dépossession du pouvoir démocratique par les élites, puis insidieusement des élites par l'anonymat des marchés, des banques et des spéculateurs ?

Ce que, du côté de Montebourg mais aussi des altermondialistes, on tente de promouvoir, c'est, non seulement l'urgence d'un développement durable qui affirme la fois la force des sociétés et la qualité de l'environnement, mais c'est encore, mais c'est surtout la réaffirmation de la prééminence du politique.

Un simple point d'histoire enfin

Si évidemment les innovations techniques accompagnent le développement de nos sociétés et leurs mutations, jamais une innovation technique ne suffit à elle seule à produire ces mutations. La Renaissance, la Réforme, sont évidemment impensable sans l'invention de l'imprimerie mais à l'inverse l'imprimerie n'eût pas eu les effets qui furent les siens si elle n'avait été précédée d'une révolution idéologique profonde. A ce titre c'est la Renaissance qui rend l'imprimerie possible et non l'inverse.

Autant dire que la causalité n'est jamais en ces matières unilatérale mais se construit toujour en boucle, en feed-back et qu'ainsi, s'il est indéniable que la mondialisation porte en elle des fruits aussi féconds que centrifuges, elle n'est pas capable à elle seule d'expliquer les mutations en cours dont en réalité elle est la fille.

Au bilan

Une petite phrase pour rien, juste pour assurer une position ou anticiper la posture si particulière de Cohn Bendit, rétif on le sait, à une candidature écologiste aux présidentielles. Jouant le sage, distribuant les bons et les mauvais points ... il ennuie en contrefaisant le barbon !

Je lui ai connu des positions plus brillantes, plus iconoclastes, pls dynamisantes.


Daniel Cohn-Bendit, le coprésident du groupe Verts au Parlement européen, a qualifié jeudi 29 septembre sur France Info de "fausse bonne idée" la démondialisation prônée la veille par le candidat socialiste à la primaire Arnaud Montebourg.

"Evidemment que la mondialisation crée d'énormes problèmes et a créé la délocalisation d'entreprises", selon le responsable d'Europe Ecologie-Les Verts. "Mais d'un autre côté, elle a permis, au niveau européen, d'exporter. Si vous démondialisez, aujourd'hui l'espace national n'est pas un espace économique viable".

"Il faut réguler la mondialisation", ce qui veut dire "mettre des protections sociales, écologiques, par exemple au niveau des institutions internationales" comme l'OMC, a-t-il prôné.

"Mais démondialiser c'est un peu dire n'importe quoi. Montebourg ne sera pas président, c'est pas grave pour l'instant", a poursuivi M. Cohn-Bendit. "Je l'aime bien, mais s'il était président il en serait de sa démondialisation la même chose que ce qu'a été le programme commun après un an de Mitterrand".


sur la question, on trouve de nombreuses ressources :

ITV de B Cassen :

Démondialisation ou altermondialisation ? 1 2 3

Maurice Allais

Protectionnisme

ITV de B Cassen

Allais : tabous

Sapir :

Sondage & présentation

protectionnisme & démocratie

E Todd

colloque Res Publica


sur Montebourg :

Projet

Déshabillons-les

 


Sur la politique gaullienne : interventionnisme revoir aussi ses conférences de presse de 64 & 65