Elysées 2012

Qualités d'un président

Ce qu'il en ressort - qui est intéressant du point de vue des attentes de l'électorat - mais qui sonne en même temps en partie comme une gifle à l'endroit de Sarkozy c'est, certes, une solide expérience, être un homme de terrain, mais surtout :

- être un homme de consensus et donc capable de dépasser les clivages gauche / droite en première position

- être cultivé, être un intellectuel: à 45 % quand même

On reconnaît ici la patte gaullienne, qui n'a donc pas totalement disparu dans les modèles idéologiques de l'électorat : un président est au-dessus des partis ; un arbitre, un guide disait-il même, mais surtout pas l'homme d'un clan. Tout illusoire que me semble cette approche, compliquée par le fait qu'institutionnellement autant qu'historiquement depuis 58, la tendance présidentielle aura toujours consisté à entremêler étroitement fonction d'arbitrage et d'action - et l'on voit quand même mal comment, sans contradiction, un président pourrait être à la fois dans et au-dessus de la mêlée, juge et arbitre, il n'empêche que le marqueur demeure qui devrait logiquement écarter de la course tous ceux qui paraîtront trop marqués de logique partisane. Dans la mesure où Sarkozy transparaît dans les enquêtes comme l'homme d'un clan, non pas politique mais social, comme celui qui aura toujours favorisé les riches et fait payer les pauvres, on devine comment cette image peut demain le plomber ; on comprend en même temps pourquoi, dans sa stratégie de représidentialisation, il joue à fond le président qui travaille, celui qui affronte la crise ; pourquoi enfin il joue de son expérience de négociateur international. Pourquoi enfin la triste affaire tunisienne avec son épisode MAM aura été si catastrophique qu'il fallut s'en départir, en appelant un des rares qui parut avoir la trempe et l'expérience : Juppé.

Pour ce qui concerne la culture : tout fut dit déjà, et relevé combien ce sera l'allure générale, l'empressement, l'introduction dans le discours politique de tous les poncifs managériaux - performance, audit, efficacité etc, l'empressement, la gestion brutale des équipes comme des événements, une méconnaissance totale du temps long du politique, qui auront montré que sa culture politique est faible, ou en tout cas tellement aux antipodes de la tradition qu'elle n'en pouvait que heurter. Rappelons simplement cet ITV de début de mandat où il déclara ne pas être un intellectuel et préférer aux idéologies causes de toutes les tragédies du siècle, le pragmatisme, l'efficacité ....

Quadrature du cercle

Il y a bien ici un cercle vicieux, une quadrature impossible ... Ce que cherchent les français c'est l'oiseau rare, :

L’oiseau de Minerve prend toujours son envol au crépuscule Hegel

On sait que c'était la chouette qui était juchée sur l'épaule de Minerve, symbolisant la sagesse. Autre façon de dire que la pensée ne peut avoir lieu qu'une fois passé le temps de l'action au même titre que la chouette ne s'envole qu'au soir tombé. Une dialectique complexe quand même puisqu'à la fois il n'est pas d'action sans représentation du monde préalabke, sans réflexion qui la rende possible quand en même temps il n'est de pensée possible qu'appuyée sur des faits, sur un rapport au monde et donc aussi sur l'action. En réalité, nous avons bien affaire ici à un jeu en feed-back où la pensée est à la fois le terme et le moyen de l'action.

Que ceci dise en même temps qu'il est impossible à la fois, en même temps, de penser et d'agir est une évidence.

Mais c'est dire en même temps que le sage accompli saurait bien, et c'est tout l'idéal de la sagesse grecque, se tenir à équidistance de l'action et de la pensée pure, réservée à quelques uns ; que l'homme accompli est celui qui parvient à nourrir sa pensée d'action, et son action des fruits de sa pensée et de sa remise en question.

Oiseau rare, oui, que cette chouette-ci mais qui rejoint les grandes figures tutélaires de notre passsé républicain où foisonnent les intellectuels, les écrivains - en tout cas des hommes qui se piquaient d'écriture et de lecture : Blum, Jaurès bien sûr; Thiers ( qui écrivit une belle histoire de la Révolution, comme Guizot d'ailleurs) ; Barrès, Peguy, Clemenceau, sans compter les grandes figures d'intellectuels engagés (de Voltaire à Sartre en passant par Zola, Romain Rolland etc )

Les français au fond sont réalistes : ils demandent l'impossible. Et soupirent de nostalgie devant ces grands que furent de Gaulle ( militaire certes, mais tellement plus) Mitterrand à la culture impressionnante et à la plume élégante, et récusent finalement ces figures de techniciens froids, sans âme que représentent assez bien Giscard d'Estaing ou Sarkozy.

Juppé ?

Elle est là sans doute la fenêtre de tir de Juppé : cette fenêtre n'est pas politique ou, en tout cas, il n'a pas pouvoir, lui, de l'entrouvrir et ne dépend que de l'imprévisible qui empêcherait Sarkozy de se représenter.

Non cette fenêtre est de l'ordre du symbole, de l'image : de cette vie rêvée des histoires, des contes que seule la dramaturgie d'une présidentielle est capable de construire. Lui, n'a pas besoin d'un Guaino pour lui écrire ses discours et lui faire entonner le souffle de l'histoire, ou les bruissements de l'intelligence. Moins boiteux que Sarkozy, moins mal bâti, son image incontestablement est plus cohérente quand celle de Sarkozy semble toute de guingois, rapetassée de bric et de broc.

Bel exercice de style.

Un politique empreint de sacré

L'électorat quoiqu'échaudé par les alternances successives,nonobstant sa morosité, n'a en réalité renoncé à rien en particulier ni à l'espérance ni à l'appel du sacré. J'ai trop dit l'inévitable dimension sacrée du politique pour y revenir encore, mais on devine bien dans le goût que les français conservent encore du politique, en dépit de leurs doutes et déceptions, quelque chose comme une foi rémanente.

Non décidément les énarques, spécialistes, experts et autres énarques n'entendront jamais rien au politique qui n'est pas affaire d'experts non plus que de scientifiques. Mais de religieux.

Les français espère une sorte de deus ex machina. Et du rêve, quand même !

Mais là, j'avoue, pour le moment, je ne vois pas ....


 

Quelles sont les qualités d'un bon Président de la République ?