Elysées 2012

Le règne de l'implicite ... l'implicite du règne

Je n'arrive pas à penser à un coup tordu mais, évidemment, ces petites phrases émergées comme dans un plan concerté qu'est un plan de communication, ne sauraient être tout à fait des hasards non plus que cette enquête à paraître opportunément.

N'en doutons-pas : Juppé a la trempe, on l'a dit, la strature, et manifestement l'envie. Sauf que ... il y a Sarkozy. A moins que ... ?

Difficile à croire tant l'agenda présidentiel semble indiquer qu'en réalité il est déjà en campagne comme l'indique cet article du Monde.

Mais en même temps, ce que rappelle Denis Jeambar, auteur de Ne vous représentez pas, la France rurale a basculé lors des Sénatoriales, autant dire qu'il y a basculement politique profond du pays qui n'est que la suite des municipales, cantonales et régionales perdues depuis 2007. Or, Sarkozy, juste un an avant son élection s'était confié à Jeambar sur son intention de procéder à une réforme rapide de la France, de ne faire qu'un mandat et de faire de l'argent, après. A bien y regarder, en effet, la stratégie sarkozyste, sous l'apparence brouillonne et excitée, dévoile néanmoins quelque chose comme un plan, en tout cas un pari : la rupture que proclamait Sarkozy est bien celle d'avec une France de papa, avec l'Etat-Providence, avec une Europe rempart.

Ce que voulait Sarkozy c'était bien l'insertion de la France dans la mondialisation et la banalisation libérale selon l'expression de M Gauchet c'est-à-dire la généralisation de l'option libérale comme la seule possible, la seule naturelle. Il y a fort à parier que Sarkozy, bousculant le pays à tout vat aura bien du supposer qu'il suffisait d'ouvrir la brêcher et de parier sur le temps et l'impossibilité de revenir en arrière. Sarkozy, dont on a déjà dit qu'il n'avait pas le sens de l'histoire ni celui du temps long du politique, qui répugne à accepter qu'une société ne se change pas par décret ni en un instant, qui croit toujours qu'il peut changer comme on change de stratégie marketing ou de fournisseurs, a peut-être présumé de l'apathie du pays, sous-estimé sa capacité à regimber, il n'empêche que perçu sous ce prisme et à lire certaines propositions des candidats socialistes à la primaire, on pourrait presque dire qu'il a pari gagné, tant la logique libérale est peu remise en question par Hollande, si peu par Aubry et seulement par Montebourg ou, plus à gauche, par Mélenchon.

De ce point de vue, on pourrait parfaitement imaginer, orgueil mis de côté, qu'il décide de ne pas se représenter, estimant avoir accompli ce qu'il pensait nécessaire et ce d'autant que ce mauvais perdant, se voit mal quitter la scène publique sur une défaite. Deux faits pourraient plaider en faveur de cette thèse : la gestion au quotidien ne l'intéresse pas mais seulement la réforme et il n'est pas certain que la période qui vient lui en laisse l'occasion ; il sait la malédiction qui pèse sur les seconds mandats. Un argument va là contre : réélu, mais non réélgible, il n'aurait plus à craindre une quelconque sanction électorale et se sentir ainsi les mains totalement libres.

L'élection des surprises ?

Elles le sont toutes pourtant. On n'attendait pas Giscard en 74 mais Chaban ; Giscard a longtemps été donné vainqueur et ce fut Mitterrand ; idem pour Balladur et ce fut Chirac...

La première aura été ce printemps l'éviction intempestive de DSK, donné largement gagnant sur tous les fronts. KO technique ! C'en serait une bien grande que de voir Sarkozy renoncer.

Retenons néanmoins l'hypothèse, ne serait-ce qu'une seconde. On perçoit très vite que, les cartes rebattues, redonneraient ses chances à la droite. Une hypothèse qui souligne combien la cote de popularité de la gauche tiendrait moins aux candidats eux-mêmes, encore moins à leur programme qu'au rejet du sortant. Si tel devait être le cas, ce serait manifestement la victoire posthume de de Gaulle qui l'aurait emporté en imposant à cinquante ans de distance le principe d'une élection d'un homme et non d'un parti, encore moins d'une idéologie. Une hypothèse qui illustrerait la victoire paradoxale de Sarkozy ayant fait entrer libéralisme et mondialisation dans la tête de l'électeur comme des horizons indépassables. Il y a bien des éléments dans les derniers sondages qui soulignent ce manque d'appétence pour le programme de gauche.

Ceci cadre mal avec l'hypothèse émise d'une radicalisation des positions idéologiques. Mais cadre assez bien en même temps avec l'idée que le pays se sent effectivement à la croisée : contraint qu'il est de choisir entre la voie libérale, mondialisée éventuellement tempérée de quelque sébilles sociétales et environnementales d'une part, et un chemin de rupture, très à gauche, plus à gauche en tout cas, tâchant de réinventer un modèle social qui sache intégrer les contraintes environnementales et le développement durable, d'autre part ; entre une logique de marketing politique et une démarche humaniste.

Une hypothèse qui souligne en tout cas que cette élection n'est pas simplement la désignation d'un dirigeant pour cinq ans mais plus profondément le moment d'un grand choix comme sans doute il n'y en eut pas depuis 44, en tout cas 58.

Je ne crois décidément pas à un stratagème, encore moins à un pacte secret entre les deux hommes. Je vois plutôt une logique qu'imposent les circonstances qui placent Sarkozy dans une position intenable, et Juppé dans une prétention impossible.


Juppé émerge

Libération 2 oct 2011

 

Sarkozy semblait intouchable, il devient très vulnérable. Et le Sénat passé à gauche pour la première fois de la Ve République n'arrange rien. Plus des deux tiers des Français (68 %) estiment que «s’il se représente», le chef de l’Etat «va vraisemblablement perdre l’élection présidentielle de 2012», selon un sondage Viavoice pour Libération, détaillé dans l'édition de lundi. A des années lumières de l’été 2007, où Sarkozy bénéficiait d’un état de grâce exceptionnel: une popularité comprise entre 65% et 67%. D’où la question de la pertinence d’une candidature Sarkozy en 2012. Et les résultats de ce sondage sont frappants: pour l’opinion, Alain Juppé apparaît comme le meilleur candidat pour l’UMP en 2012. Désormais, 26 % de Français le place devant Nicolas Sarkozy (21 %), François Fillon (16 %) et Jean-François Copé (10 %). Raison du discrédit: «La dette et les déficits publics» (65%), «l’insuffisance des résultats économiques et sociaux» (64%) et «les affaires politico-financières» (62%). L’opposition, elle, profite de la chute du chef de l'Etat. François Hollande en tête. Il dispose d’une popularité de 53 %, en repli de deux points par rapport aux données des 8 et 9 septembre. Ce score situe le candidat à 7 points de Martine Aubry (46 %, +1). De leurs côté, les deux outsiders de la primaire, Manuel Valls et Arnaud Montebourg, affichent une nette percée. Le maire d’Ivry recueille une popularité de 34 %, en hausse de 4 points par rapport au début du mois de septembre, et de 8 points par rapport à la mi-août. Quant au président du Conseil général de Saône-et-Loire, Arnaud Montebourg dispose désormais d’une popularité de 30 % (respectivement +3 et +6).