Elysées 2012

Primaires socialistes :
une réussite ?

On dirait bien à entendre la dernière déclaration de F Fillon :

Je pense que c'est un processus moderne qui convient à droite comme à gauche, pour toutes les élections

C'est un processus que nous avons nous-mêmes dans les statuts de l'UMP pour la désignation de candidats aux futurs grandes élections, à condition évidemment de ne pas avoir comme c'est le cas aujourd'hui un président de la République sortant

il est naturel qu'il y ait un processus démocratique de choix des candidats (...). C'est un processus auquel pour ma part j'adhère et qui, encore une fois, fait partie des statuts de l'UMP

On est très loin des escarmouches un peu ridicules du printemps où un Copé s'amusait à soupçonner que les primaires fussent liberticides. Manifestement l'opération fait des envieux ; il sera toujours temps, dimanche, après analyse du taux de participation, de constater que c'aura été ou non une réussite démocratique. *

En attendant on peut observer ceci :

- tactiquement l'opération n'est pas mauvaise pour les socialiste en général dans la mesure où ces primaires auront mobilisé les médias, leur offrant donc un espace qu'ils auront été quasiment seul à occuper. Cette campagne qui n'a pas encore tout à fait commencé, cette rentrée où les protagonistes tardent quelque peu à rentrer en scène - et où même certains se retirent (Borloo) aura offert aux socialistes l'opportunité de mettre en avant leurs thèmes de campagne.

- La séquence comme on dit aura décidément été socialiste. On remarquera d'ailleurs de ce point de vue que les autres candidats se seront faits étrangement discrets : Mélenchon a peu parlé ; Joly a disparu de la circulation ; Le Pen, sa saillie sur l'euro mise à part, se tait ; tandis qu'à droite on digère la défaite des sénatoriales en prenant soin de ne pas trop s'écharper en direct en laisant Sarkozy faire son boulot de président pendant qu'il envoie ses émissaires ( Guéant - Guaino) occuper le terrain à sa place. Tout à l'air de se passer comme si les concurrents, sentant que cette phase était vouée au socialisme, avaient décidé d'en attendre la fin pour résolument entamer le combat. Ce qui n'est pas de mauvaise tactique, d'autant qu'il sera toujours plus simple de débattre une fois que le candidat socialiste aura été désigné.

- les socialistes paraissent avoir évité le premier risque d'une telle opération : les divisions internes. Au risque d'un débat un peu trop convenu, d'ailleurs, où la civilité des échanges aura parfois émoussé l'intérêt de l'échange. C'est en tout cas ce qui ressort de l'analyse de la presse à l'issue de ces trois débats. Ajoutons qu'il restera au parti de se rassembler derrière le candidat élu, ce qui peut sembler d'évidence, mais ne le fut pourtant pas en 2007.

- il sera toujours temps, demain, de s'interroger sur l'inconvénient tactique qu'aura ainsi représenté une campagne commencée très tôt, nécessairement épuisante, où l'avantage gagné en septembre octobre pourrait se réduire comme peau de chagrin le jour où le candidat de droite se lancera, et ce sera nécessairement assez tard. Remarquons qu'en 2007 Sarkozy n'avait d'ailleurs commencé la sienne qu'en janvier avec son investiture par l'IMP.

- mais on peut cependant observer, et sur ce point, les enquêtes ne sont pas unanimes, que ces primaires n'auront pas nécessairement passionné les français.

Restent une question : le statut des partis politiques

On peut voir les primaires comme une avancée de la démocratie et c'est, si l'on s'en souvient, l'argument majeur avancé à l'époque par Montebourg ; c'est celui que reprend le premier ministre. L'argument de la modernisation, qui lui est lié, est un peu plus passe-partout : que n'a-t-on fait, dit et proposé au nom de cette sacro-sainte modernisation ? On peut même y voir une des intuitions fulgurantes de Royal en 2007 quand elle évoqua la démocratie participative, citoyenne. On peut enfin y reconnaître la patte gaullienne de 65 d'une élection au suffrage universel entendue comme la rencontre d'un homme et de la nation, comme le lien noué avec un homme au dessus des partis et le peuple. Il est, de ce point de vue, évident que ces primaires, ouvertes aux non-adhérents du parti, offriront au gagnant une assise non partisane qui va avec l'air du temps.

Néanmoins, on peut à l'inverse se demander si l'on n'a pas perdu quelque chose de la cohérence classique d'un programme voté par des militants et donc des citoyens qui s'engagent, d'un candidat adoubé par les mêmes lui conférant la légitimité de l'engagement plutôt que de la simple opinion - versatile souvent, tactique parfois - d'un socle plus large et moins impliqué. L'argument n'est pas vain, même s'il ne contre-balance pas tout à fait la force de l'argument participatif. C'est en tout cas celui que le maire d'Emerainville aura utilisé, non sans quelque mauvaise foi, pour ne pas proposer de salle municipale pour l'occasion estimant qu'en tant qu'UMP d'une part, et élu d'autre part, il n'avait pas à se mêler d'une affaire partisane.

Le moins que l'on puisse dire c'est que c'est le rôle, la place et le statut du parti politique qui s'en trouvera inévitablement modifié par rapport au modèle des partis mis en place progressivement à partir de 1905. Car c'est ceci qu'il faut rappeler, la notion de parti est restée très floue sous la IIIe République, avec affiliations plutôt volages des élus, notamment au parti radical. Il faudra attendre 1902 pour le parti radical, 1905 avec la création de la SFIO, pour observer des partis tels que nous les entendons encore aujourd'hui. Remarquons au passage que dans les deux cas, ces fondations partisanes seont les conséquences immédiates de l'affaire Deryfus et de l'arrivée au pouvoir de la gauch radicale avec soutien des socialistes. (Waldeck-Rousseau) . Les partis n'ont donc, au sens actuel, qu'une centaine d'années ; que leur forme et statut évoluent n'est donc pas en soi une aberration.

Il vaudrait néanmoins mieux que ne se reproduise pas, sur cette question, ce qui s'était passé lors de l'adoption du quinquennat : qu'on ne réalise pas, qu'on n'anticipe pas la modification substantielle de l'équilibre constitutionnel des pouvoirs que ceci inévitablement produit. (sur cette question lire )